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Coups de coeurs
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Chronique du 18 décembre 2001
 

Les bergers ou les mages

 

C'est la nuit de Noël.

     Nous lisons saint Luc. Recensement de Quirinius et voyage de Nazareth à Bethléem. Naissance de Jésus, déposé dans une mangeoire par manque de place ailleurs. Bergers dans les champs. Message de l'ange et choeur céleste : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ».

     Le récit de Luc continuera avec la présentation de Jésus au Temple, le retour à Nazareth et la jeunesse de Jésus. Aucune mention de l'étoile, d'Hérode, des mages, de la fuite en Égypte, du massacre des enfants de Bethléem : tout cela, c'est Matthieu qui le relate, mais lui, il ne parle ni du recensement, ni de la crèche, ni des bergers, ni des anges.

     Deux évangélistes. Deux voix. Deux présentations de Jésus, riches et belles, mais différentes.

De merveilleuses catéchèses

     Jeune étudiant, j'avais été fasciné par la découverte de l'originalité de chaque évangile et j'ai pris l'habitude de les comparer entre eux. Abordant chacun Jésus sous un angle particulier, ils mettent en lumière des facettes différentes de sa mission et de sa personne.

     Luc accorde beaucoup de place à l'aspect réjouissant de la venue de Jésus : Marie, Élisabeth, les anges, les bergers, le vieillard Syméon sont autant de voix qui disent cette joie. L'évangile de Luc est, l'évangile de la miséricorde et du pardon, de l'accueil des petits et des pauvres. C'est l'évangile du fils prodigue et pardonné, de la brebis perdue et retrouvée. Pas étonnant que son récit convienne si bien à la nuit de Noël.

     Pour Matthieu, il est plutôt important de souligner que Jésus est le nouveau Moïse, celui qui apporte l'enseignement définitif venant de Dieu. Comme Moïse en Égypte, il est menacé dès sa naissance. Rejeté par son peuple, il sera reconnu comme lumière des nations. On comprend pourquoi Matthieu met l'accent, dans le récit de la naissance, sur l'étoile, les mages étrangers, la malice du roi Hérode et la fuite en Égypte.

Des parallèles éclairants

     Quand je lis un passage de Matthieu, Marc ou Luc, je vérifie toujours s'il y a un texte parallèle dans un autre évangile. C'est facile, car la plupart des éditions de la Bible indiquent la référence en marge ou en bas de page. J'aime retrouver ainsi les traits propres à chaque évangéliste et me laisser ainsi guider à la découverte du Christ par divers chemins.

     En Matthieu, par exemple, Jésus nous invite à « être parfait comme le Père céleste est parfait ». En Luc, nous sommes invités à être « miséricordieux » comme le Père.

     Matthieu, Marc et Luc insistent sur le fait que Jésus prie sur la croix, et qu'il prie avec les psaumes. Matthieu et Marc citent le psaume 22 - « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » -, alors que Luc retient le psaume 31 - « En tes mains, je remets mon esprit ». Mais mon exemple préféré vient des béatitudes. En Luc, on lit : « Heureux, vous, les pauvres, le Royaume de Dieu est à vous ». En Matthieu, « Heureux les pauvres " en esprit ", car le Royaume des Cieux est à eux ». En Luc : « Heureux vous qui avez faim maintenant : vous serez rassasiés ». En Matthieu, « Heureux ceux qui ont faim " et soif de justice ": ils seront rassasiés ». On voit que Luc reste collé à la réalité concrète, actuelle, des pauvres, à qui Jésus s'adresse directement : «…Heureux êtes-vous... », tandis que Matthieu est plus soucieux de dégager un deuxième niveau de sens et de nous ouvrir à une perspective plus vaste.

     Bref, les évangélistes font beaucoup plus que raconter. Ils évoquent, ils illustrent, ils ouvrent des pistes. Avec eux, nous partons à la découverte du mystère toujours nouveau de Jésus.

 

Bertrand Ouellet
[email protected]

 

Note

Les utilisateurs de la nouvelle traduction de la Bible publiée par Bayard/Médiaspaul devront recourir à une autre édition pour bien apprécier ces aspects complémentaires des évangiles. D'abord, les éditeurs ont décidé de n'indiquer nulle part (ni en marge ni en note)les références aux textes parallèles; il faut donc être très familier des évangiles pour les retrouver. De plus, en traduisant de façon indépendante chaque évangile et en donnant priorité à la créativité littéraire, on a contribué à rendre plus difficile l'appréciation de la contribution propre de chaque évangéliste. Ainsi, le « Heureux, vous les pauvres» de Luc devient « Vous êtes chanceux, les pauvres! », tandis que le «Heureux les pauvres en esprit » de Matthieu devient « Joie de ceux qui sont à bout de souffle ». Les deux traductions diffèrent bien plus entre elles que les textes originaux. Ces options éditoriales diminuent à mes yeux la valeur de l'ouvrage. Bertrand Ouellet.

 

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« C'est l'amour que je veux... »