chronique
du 13 mars 2001
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Quelle est votre Bonne nouvelle ?
Depuis un an, des centaines d'églises catholiques au Québec arborent une bannière sur laquelle on peut lire: « 2000 ans de Bonne Nouvelle ». Tout au long de l'année, une interrogation m'a poursuivi. Qu'est-ce que j'aurais répondu si un passant m'avait accosté pour que je lui explique le sens de l'affiche? « De quelle nouvelle s'agit-il ? Comment une nouvelle peut-elle encore être une nouvelle après 2000 ans ? Pourquoi afficher ça sur une église ?...» Chaque fois, j'essayais de me convaincre que ce serait assez facile de répondre. Que je trouverais bien une réponse courte, bien ramassée, venant du coeur. Une réponse qui dirait ma foi. Une réponse qui réjouirait mon interlocuteur et qu'il s'empresserait de répéter. Comme on répète une bonne nouvelle. Je me suis promis d'écrire cette réponse. Mais voilà que l'année achève et je ne l'ai pas fait. Parce que, finalement, ce n'est pas si facile que ça. Et même que... ce n'est pas facile du tout. Surtout quand on se met à imaginer l'interlocuteur. Qu'est-ce que je dirais à cet ado assis en face de moi, walkman sur les oreilles, dans le métro ? Qu'est-ce que je dirais à cette caissière aux cheveux bleus au dépanneur ? Qu'est-ce que je dirais à ces quatre grands gars parlant de hockey à la brasserie, entre deux sacres et trois vulgarités ? Ou à ma dentiste ? Ou à ce voisin qui promène son chien ? J'ai ouvert la Bible. Qui sait? Un coup de coeur, peut-être. J'ai d'abord pensé au message de l'ange de Noël, celui qui s'approche des bergers de Bethléem et leur dit: « Voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple: aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. » Je me suis arrêté un temps au premier chapitre de l'évangile selon saint Marc: « Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu; il disait: "Les temps sont accomplis: le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle". » J'ai écouté la réponse de Jésus aux envoyés de Jean-Baptiste qui lui demandaient: « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? » Et Jésus de répondre, citant le prophète Isaïe: « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.» J'ai observé la réaction des gens qui ont entendu les Apôtres leur annoncer, le jour de la Pentecôte: « Que tout le peuple d'Israël en ait la certitude: ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu a fait de lui le Seigneur et le Christ! » « Ceux qui l'entendaient furent tout remués jusqu'au fond d'eux-mêmes », écrit alors saint Luc. Et j'ai vu saint Jean écrire sa première épître « pour que nous ayons la plénitude de la joie ». Nous avons vu, touché, entendu la Parole de Dieu faite chair, dit-il, et nous vous l'annonçons pour que vous soyez en communion avec nous, avec le Père et avec son Fils. Mais est-ce que ça change ma vie, aujourd'hui, demain, la semaine prochaine de relire ces textes? Est-ce que je les reçois encore comme des « nouvelles », de bonnes nouvelles que j'ai envie de répéter parce qu'elles illumineront ensuite la vie de mes amis? Au fond, y a-t-il une bonne nouvelle que j'attends, chaque jour ? Y a-t-il une annonce, un message qui me « remue le coeur » même si je l'ai déjà entendu des milliers de fois ? Eh bien! ça m'a pris un mois pour écrire cette chronique. Je n'arrivais pas à me faire une idée. Je tournais en rond. Alors j'ai fermé ma Bible. Et les yeux. Et si je cherchais à l'envers? Qu'est-ce qui serait, me suis-je dit, la mauvaise nouvelle, le contraire de la Bonne ? Et je me suis souvenu de la frayeur qui m'avait envahi, un jour il y a longtemps, où j'avais essayé d'imaginer que je perdais la foi, que Dieu n'était qu'une illusion, qu'en réalité il n'existait pas et que nous étions seuls au monde. Je m'étais soudain senti comme au bord d'un abîme, dans le noir, sur le point de tomber. J'avais froid et j'avais peur. Je tremblais. Instant de panique. Je frémis encore quand je pense à cette expérience. Et j'ai trouvé ma réponse, mon coup de cur biblique. J'ai ouvert l'évangile selon saint Matthieu, au dernier verset: « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » La Bonne Nouvelle, pour moi, c'est cette présence de chaque instant du Ressuscité. Joie intime et secrète sur le chemin des jours quand tout va bien. Lumière au bout du tunnel quand ça va mal. Roc au sein de la tourmente, quand le désespoir guette. « Qui pourra nous séparer de l'amour du Christ ?, écrivait saint Paul, la détresse ? l'angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ? » Il est remarquable que Paul ne dit pas que le Christ lui épargne détresse, angoisse ou persécution. Je ne sais pas encore comment je dirais cela à un passant, à un inconnu. Parler de la Bonne Nouvelle, c'est inévitablement ouvrir son coeur, partager un peu de son secret intime. En dernière analyse, en mon for intérieur, la Bonne Nouvelle se résume pour moi en un seul mot. Un mot qu'on retrouve à toutes les pages du Nouveau Testament. Un mot qui, dans le silence de l'adoration, devient prière. Un nom. Jésus.
Bertrand Ouellet Chronique
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