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Coups de coeurs
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chronique du 25 avril 2000
 

On ne joue pas avec le feu

 

Le feu fascine les humains depuis que ceux-ci ont découvert les moyens de se le procurer. Le feu est utile pour se chauffer, s'éclairer, transmettre des messages. Quoi de plus agréable que de se retrouver entre amis autour d'un feu de camp ou de se laisser envoûter par les sautillements de la flamme d'un foyer. C'est un élément qui, pour garder son utilité, doit être maîtrisé. On ne joue pas avec le feu sinon il devient une puissance destructrice. Nous n'avons qu'à penser aux incendies et aux feux de forêt.

      Le feu fait partie également de notre univers symbolique. Les amoureux ne disent-ils pas qu'ils brûlent l'un pour l'autre? Ne sommes-nous pas parfois enflammés pour un projet qui nous tient à cœur? Il arrive même qu'une personne ait des propos qui mettent le feu aux poudres. Et que dire de ces brûlements d'estomac qui nous donnent l'impression d'être dévorés par un incendie intérieur. On pourrait allonger la liste des expressions où le feu sert de support symbolique pour exprimer des idées ou des sentiments qui perdraient de leur charme s'il fallait toujours les expliquer de façon logique. Même au niveau de son usage symbolique, on ne joue pas avec le feu de son cœur, de ses paroles ou de son estomac. Même ce feu-là a besoin d'être contrôlé sinon il peut causer des ravages.

Dieu comme un feu

      Si le feu entre de manière symbolique dans certaines de nos expressions courantes, il ne faut pas se surprendre que nos ancêtres dans la foi aient agi de la même façon pour traduire le caractère mystérieux de la relation avec Dieu.

      Prenons par exemple le récit du buisson ardent dans le livre de l'Exode (3, 1-6). Un arbuste brûle sans se consumer. La chose est étrange. Phénomène scientifique? paranormal? miracle? Et quoi d'autre encore. Libre à ceux et celles qui veulent se creuser les méninges pour trouver une explication scientifique au phénomène décrit dans le récit. Mais la vérité est ailleurs. Mais de quelle vérité s'agit-il au juste?

      Nous sommes en présence d'un récit biblique qui est le fruit d'une longue réflexion portant sur l'expérience de la rencontre de Dieu. Il s'agit ici de Moïse qui se trouve au cœur de la foi d'Israël. Les êtres humains sont souvent démunis quand il s'agit de trouver les mots logiques pour exprimer les réalités spirituelles. Pour remédier à la situation, on a recours à des images qui évoquent la vérité. Bien avant nous, les gens de la Bible savaient que les images valent mille mots. Et ils sont passés maîtres dans l'art de les utiliser pour parler de leur relation avec Dieu.

      Revenons à Moïse dont la curiosité est excitée par le buisson ardent. Il s'approche à pas hésitants, les yeux de plus en plus écarquillés, la tête remplie de points d'interrogation, le cœur palpitant. Et tout d'un coup une voix, du milieu du feu, appelle Moïse, tout en lui commandant de ne pas s'approcher davantage: «N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte» (v. 5). Le récit se poursuit par l'auto-identification de Dieu et la mention de la crainte de Moïse de fixer son regard sur Dieu.

Quand Dieu « joue avec le feu »

      Le buisson ardent est une belle image pour exprimer la fascination que Dieu exerce sur l'être humain. Dieu prend l'initiative de s'approcher de nous, de se rendre présent dans notre monde. Les situations ou les événements par lesquels il nous fait signe sont plus nombreux que l'on pense, mais il nous manque peut-être cette curiosité qui nous permettrait de discerner sa présence. Vivre dans la foi comporte toujours cette obligation de faire un détour, comme le fit Moïse, pour voir ce qu'il y a au cœur des événements. Il n'y a pas de progrès dans la foi sans curiosité.

      Même si Dieu se fait proche de nous et qu'il prend les moyens d'attiser notre curiosité, il demeure le Tout Autre. Il y aura toujours une distance entre lui et nous; une distance qui n'empêche toutefois pas la communion avec lui. C'est comme un feu près duquel on peut toujours s'approcher pour se réchauffer, tout en respectant une certaine distance. Saint Jean-de-la-Croix parlait de l'expérience mystique de l'union à Dieu comme une vive flamme d'amour. Seul l'amour permet d'entrer dans le mystère de Dieu. Dieu veut que l'on s'approche de lui parce qu'il est Amour. Son être, tout de tendresse et de miséricorde, ne se consume pas à brûler d'amour pour les êtres humains.

     Le buisson ardent, c'est comme si Dieu jouait avec le feu. Dans son amour, il attire l'homme à lui et attise son désir d'absolu. Mais en même temps, il connaît le risque de ne pas être reconnu. Libre à nous de faire le détour nécessaire pour nous laisser toucher par son amour. Le prophète Jérémie peut en témoigner: la Parole de Dieu était, dans son cœur, comme un feu dévorant, et, dans son désarroi, son réconfort. Quelques siècles plus tard, les disciples d'Emmaüs connaîtront la même expérience. Après avoir reconnu le Ressuscité à la fraction du pain, ils se souviennent tout d'un coup que leur cœur était tout brûlant pendant qu'ils l'écoutaient sur la route. Il ne faut peut-être pas jouer avec le feu, mais il n'est pas interdit d'en faire un usage prudent. Alors, que la Parole de Dieu brûle dans nos cœurs et que prenne le feu de son amour.

Yves Guillemette, ptre

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Dieu aux pieds des hommes