chronique
du 11 avril 2000
|
|||||
Dieu aux pieds des hommes
Le geste est étonnant et suscite chez Pierre une vive réaction. En lavant les pieds de ses disciples, Jésus accomplit un signe qui récapitule sa vie, donne un sens à sa mort et annonce la condition de vie de ses disciples. Jésus pose un geste qui ressemble à ceux des prophètes de jadis qui, par une action symbolique, voulaient susciter un regard en profondeur sur les événements. Ainsi en est-il de Jérémie qui, en brisant une cruche à l'une des portes de Jérusalem, fait réfléchir les gens sur le sort qui attend la ville dont la prise par les armées babyloniennes ne saurait tarder. Dieu en tenue de service D'après la réaction de Pierre et l'air probablement interloqué des apôtres, Jésus sent le besoin d'expliquer son geste car il appartient au serviteur de la maison. De plus, jamais on oserait le faire accomplir par un serviteur juif. Le geste de Jésus ne lui convient pas, lui le maître et le Seigneur. Mais le geste est sérieusement pensé, comme tous les autres signes qu'il exécute, d'après l'Évangile selon saint Jean. C'est le signe de celui qui est venu non pas pour être servi mais pour servir. Le service de Jésus est de révéler l'amour du Père et faire entrer les êtres humains dans la plénitude de la vie divine. Ce service, il l'a rendu à la Samaritaine en éveillant en elle la soif de Dieu; il l'a rendu à l'aveugle de naissance en faisant de lui un disciple; il l'a rendu à Marthe et Marie en aidant leur foi à grandir malgré le mur de la mort. Pour montrer jusqu'où va le service de Dieu et des humains, Jésus, le Seigneur, décide de se mettre à genoux, de se jeter aux pieds de ses disciples. Après la résurrection, on comprendra que Dieu, à travers Jésus, a pris la tenue de serviteur des hommes. Une vie comme manteau Le lavement des pieds inaugure la section de l'Évangile selon saint Jean consacré au dernier repas au cours duquel Jésus prendra congé de ses disciples. Le geste est précédé d'un autre qui évoque le don librement consenti que Jésus fera de sa vie. Il dépose son manteau pour ensuite le reprendre. Le manteau, pour les gens de condition modeste, est souvent le vêtement à tout faire: c'est l'anorak des temps froids, l'imperméable des jours de pluie, la couverture pour la nuit. C'est même le gage à laisser au prêteur, mais à la condition que ce dernier le remette chaque soir à son propriétaire. Pour Jésus, son manteau symbolise sa vie, le seul bien qu'il puisse posséder non pour lui-même mais pour Dieu et pour ses frères et ses soeurs. Il est disposé à la remettre entre les mains du Père, confiant que celui-ci ne la lui confisquera pas mais la lui remettra en plénitude. La manière de faire de Jésus évoque une parole par laquelle il se définissait comme le vrai berger: « C'est pour cela que le Père m'aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l'enlève; mais je la donne de moi-même. J'ai pouvoir de la donner et j'ai pouvoir de la reprendre. » (Jn 10,17-18) Après la résurrection, on comprendra que le Fils de Dieu s'est dépouillé de lui-même en prenant la condition humaine, pour revêtir l'être humain de la condition de fils et de fille de Dieu. En mémoire du Serviteur de Dieu L'évangile selon saint Jean ne rapporte pas le récit de l'institution de l'Eucharistie. Tout le monde s'entend toutefois pour y reconnaître une allusion dans le discours sur le pain de vie (Jn 6,51-58). Par contre, Jésus termine l'explication du lavement des pieds par une invitation à faire cela en mémoire de lui: « Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous. » (Jn 13,15) L'exemple que Jésus a donné est destiné à durer de génération en génération. Il ne s'agit pas de reproduire le geste symbolique mais la réalité qu'il signifie. Le disciple de Jésus n'est pas au-dessus de son maître et Seigneur, ni au-dessus des autres êtres humains. À la suite de Jésus, le disciple doit revêtir la tenue de service car sa foi le rend libre de toutes conventions pour témoigner de l'amour de Dieu. Servir Dieu à travers le service des autres est l'autre manière de faire mémoire de Jésus qui a donné sa vie par amour. Ce commandement de faire mémoire est assorti d'un autre qui en indique la vocation et la mission: « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (Jn 13,34-35). Après la résurrection, les premiers chrétiens ont montré que la mémoire de la fraction du pain et du partage de la coupe était inséparable de la mémoire du service du prochain: « À ceci nous avons connu l'Amour: celui-là a donné sa vie pour nous. Et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères. Petits enfants, n'aimons ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité » (1 Jn 3,16.18). À chacun et chacune de nous de savoir quel manteau déposer pour prendre la tenue de service. Yves Guillemette, ptre Chronique
précédente :
|
|||||
|
|||||