Jésus dans une barque ramant avec les évangélistes Marc, Luc, Jean (et sans doute Matthieu sur la partie manquante).
Bas-relief funéraire de Spolète. Fragment d’un sarcophage datant de 325-350 de notre ère. Marbre, 20 x 46 x 7,5 cm. Musée Pie chrétien, Cité du Vatican.
Le navire, symbole funéraire et métaphore de l’Église
Sylvain Campeau | 26 octobre 2020
À l’époque romaine, le navire était un moyen de transport très utilisé pour les voyageurs et les marchandises autour de la Méditerranée. Conjuguée aux images du port, du phare ou de l’ancre, celle du navire évoquait pour les Anciens le dernier voyage, c’est-à-dire le passage de la mort et l’arrivée dans la vie de l’au-delà.
Le navire et les embarcations sont d’abord un symbole funéraire qui a été repris par l’Église primitive [1]. On le retrouve sur certains sarcophages et dans la littérature ancienne. Par exemple, saint Augustin y fait référence dans ce passage qui fait allusion à l’Odyssée d’Homère : « La vie en ce monde est comme une mer tumultueuse qu’il faut traverser pour mener notre barque à bon port. Si nous parvenons à résister aux séductions des sirènes, elle nous conduira à la vie éternelle [2]. »
Le navire et la barque sont ensuite, pour les chrétiens, une métaphore de l’Église. Le fragment de sarcophage représenté plus haut en est un exemple : l’Église est guidée par l’enseignement du Christ contenus dans les évangiles canoniques. Cette signification découle probablement du fait que plusieurs des premiers disciples de Jésus étaient pêcheurs et que la barque est un élément important de plusieurs scènes évangéliques comme la tempête apaisée par exemple (Mt 8,23-27 ; Mc 4,35-41 ; Lc 8,22-25).
Dans la littérature ecclésiastique ancienne, l’Église est souvent comparée à un navire. On peut citer à titre d’exemple ce passage qui s’adresse à l’évêque : « Lorsque tu rassembles l’Église de Dieu, exige, comme le pilote d’un grand navire, que les assemblées se tiennent avec grande discipline, et commande aux diacres, comme à des matelots, d’assigner leurs places aux frères, comme à des passagers, avec grand soin et dignité [3]. »
L’architecture même des églises s’inspire de ce symbolisme. La nef, du latin navis, est le navire où sont rassemblés les fidèles ; mais le navire est inversé car la voûte est la carène. Comme sur un navire, l’abside est légèrement surélevée et représente la proue ; finalement, on peut voir la façade comme étant la poupe.
Le navire n’est pas sans rappeler l’arche de Noé : les êtres vivants qui y sont montés ont été sauvés. Les navires représentés dans les monuments chrétiens antiques reprennent souvent ce symbolisme salvifique en représentant le mât comme une croix. En d’autres termes, ce n’est pas le navire lui-même qui sauve mais bien la croix du Christ.
Diplômé de l'Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Voir Henri Leclercq, art. « Navire », Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, tome XII, col. 1008-1021.
[2] Saint Augustin cité par Gérard-Henry Baudry dans Les symboles du christianisme ancien, Paris, Cerf, 2009, p. 132.
[3] Les Constitutions apostoliques, II, 57. Jean Daniélou donne d’autres exemples dans : Les symboles chrétiens primitifs, Paris, Seuil (Points / Sagesses), 1961, pp. 65-76.