L’adoration (détails). Oscar Cahén (1916-1956), 1949. Huile sur masonite, 121,9 x 133,4 cm. Collection privée. © The Cahén Archives and TrepanerBaer Gallery.
L’étoile et le Messie attendu
Sylvain Campeau | 30 décembre 2019
Dans la tradition chrétienne, on associe spontanément l’étoile au récit des mages. Son symbolisme renvoie à l’attente du Messie comme en témoigne la prophétie de Balaam : « De Jacob monte une étoile, d’Israël surgit un sceptre qui brise les tempes de Moab et décime tous les fils de Seth. » (Nombres 24,17)
L’étoile, symbole des dieux et des rois
Au Proche-Orient ancien, l’étoile est un symbole des dieux et des rois. Le symbolisme est particulièrement développé en Mésopotamie où les étoiles étaient vénérées comme des dieux. Dans le système de l’écriture cunéiforme, le symbole sumérien pour souligner le nom d’une divinité est d’ailleurs une étoile stylisée (Dingir).
L’étoile est aussi un symbole de la royauté comme en témoigne ce texte prophétique qui parle de la chute du roi de Babylone : « Comment es-tu tombé du ciel, Astre brillant, Fils de l’Aurore? Comment as-tu été précipité à terre, toi qui réduisais les nations? » (Isaïe 14,12)
En Israël, l’étoile désigne la monarchie davidique sous l’influence de Nombres 24,17. La prophétie sera ensuite comprise comme l’annonce du Messie à venir, envoyé par Dieu à son peuple. Le texte est plusieurs fois cité en ce sens dans les manuscrits de la mer Morte [1]. Encore plus proche de l’interprétation chrétienne qui combine ce texte à un oracle de Malachie (le soleil de justice de Malachie 3,20), on retrouve ce passage dans le Testament de Juda, un pseudépigraphe de l’Ancien Testament : « Une étoile se lèvera pour vous de Jacob, dans la paix, et un homme se lèvera de ma descendance, comme un soleil de justice, marchant avec les hommes dans la douceur et la justice, et on ne trouvera en lui aucun péché. Les cieux s’ouvriront sur lui pour répandre l’Esprit. » [2]
L’étoile des mages
En lisant le texte de Matthieu (Matthieu 2,1-12), on comprend que la présence de l’étoile qui guide les mages vers le roi qui vient de naître n’a rien d’anecdotique. L’étoile a un rôle symbolique qui justifie pleinement le sens que l’on donne à la fête où nous lisons ce texte de l’Évangile : il s’agit de la première épiphanie du Seigneur, la première manifestation de Jésus comme Messie et Roi, venu inaugurer le Règne de Dieu. Un père de l’Église, Ignace d’Antioche, a écrit vers 110-130, un texte remarquable en s’appuyant sur un développement légendaire de l’étoile des mages :
On vit briller dans le ciel une étoile qui fit pâlir toutes les autres : son éclat était inexprimable, sa nouveauté causait la stupeur ; tous les autres astres, avec le soleil et la lune, lui faisaient cortège, mais sa splendeur effaçait celle de tous les autres réunis ; ils se demandaient dans leur trouble d’où venait cette étoile étrange, si différente d’eux-mêmes. Dès lors toute magie fut confondue, tout lien d’iniquité brisé, l’ignorance détruite, l’antique royauté renversée : Dieu se manifestait sous forme humaine, pour réaliser “l’ordre nouveau”, qui est “la vie” éternelle ; le plan arrêté dans les desseins de Dieu recevait un commencement d’exécution. De là ce bouleversement universel : car l’abolition de la mort se préparait. [3]
Ce renouveau qu’amène la naissance du Sauveur est exprimé d’une autre manière par l’auteur de l’Apocalypse où Jésus est appelé l’« étoile du matin ». Le symbolisme de l’étoile rejoint ainsi celui de la lumière qui, dans ce cas-ci, souligne l’origine céleste de la mission de Jésus : « Moi, Jésus, […] je suis le rejeton et la lignée de David, l’étoile brillante du matin. » (Apocalypse 22,16, voir aussi 2 Pierre 1,19)
Diplômé de l'Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Écrit de Damas VII, 18-21 ; Règle de la guerre XI, 6 ; Testimonia 12.
[2] Testament de Juda XXIV, 1-4.
[3] Ignace d’Antioche, Lettre aux Éphésiens 19.
Symboles bibliques
Cette rubrique est consacrée aux symboles bibliques et paléochrétiens. L'écriture de la Bible n'aurait pas la même saveur sans ces images et leur puissance d'évocation qui réussissent souvent à exprimer l'indicible.
Simon Bar-Kokba
Le symbolisme messianique de l’étoile était encore très vivant au début du deuxième siècle de notre ère. Un chef politico-religieux de la deuxième révolte juive (132-135) portait un nom évoquant le Messie : Simon Bar-Kokba (Fils de l’étoile). Et sur l’une des pièces de monnaie frappées pendant cette courte période, on peut voir une étoile au-dessus du Temple de Jérusalem.