(Agata Gladykowska / 123RF)
Le levain, un symbole ambivalent
Sylvain Campeau | 21 octobre 2019
Encore utilisé en boulangerie, le levain est un mélange de farine fraîche et de vielle pâte qu’on laisse fermenter dans un endroit chaud et humide. À l’époque de l’Ancien Testament, on avait l’habitude lors de la nouvelle récolte du printemps de détruire l’ancien levain. Pendant sept jours, on mangeait du pain sans levain (mazzoth en hébreu, azyme en grec). Cette coutume agraire d’abord liée aux moissons est devenue un rite important de la fête juive de Pâque. Elle rappelle la sortie précipitée d’Égypte lors de l’Exode, marque un temps de passage et exprime une volonté de renouvellement.
Le Royaume ressemble au levain
Dans le Nouveau Testament, la référence au levain est souvent utilisée de manière symbolique. Elle exprime tantôt une réalité positive et souvent une réalité négative. Le premier cas se rencontre dans cette petite parabole où le Royaume est comparé à du levain « qu’une femme prend et enfouit dans trois mesures de farine, si bien que toute la masse lève. » (Mt 13,33 ; voir Lc 13,20-21 et Ga 5,9) Contrairement à la graine de moutarde (voir la parabole précédente en Mt 13,31-32) qui devient un arbuste observable, la petite quantité de levain demeure cachée dans la pâte mais son effet est non seulement positif mais saisissant quand on sait que trois mesures de farine correspondent environ à quarante litres. Si les premiers temps du Royaume sont modestes, on doit comprendre ici que sa croissance est promise à un bel avenir.
Gardez-vous du levain des Pharisiens
Quelques chapitres plus loin, l’évangéliste Matthieu rapporte une tradition où Jésus met en garde ses disciples sur le levain des Pharisiens et des Sadducéens (16,5-12 ; voir aussi Mc 8,15 et Lc 12,1-6). Matthieu est le seul à présenter explicitement ce levain comme l’enseignement des Pharisiens et des Sadducéens (voir le v. 12). On comprend qu’il s’agit ici d’une réalité négative. Dans le monde juif de l’époque, les rabbins utilisaient l’image du levain pour parler de corruption. Jésus reprend la même image pour parler de l’hypocrisie de ses adversaires qui cherchent à lui tendre des pièges.
Éliminez ce vieux levain
Il n'y a pas de quoi vous vanter ! Vous le savez bien : « Un peu de levain fait lever toute la pâte. » (1 Co 5,6)
Dans sa Première lettre aux Corinthiens, saint Paul reprend cette image du levain qui fait lever la pâte, mais dans un sens négatif cette fois-ci. Il ne parle pas du Royaume mais vise un membre de la communauté dont le comportement va à l’encontre de la Loi et du droit romain. Il demande aux membres de la communauté de ne pas tolérer cette situation et d’exclure le fautif :
Éliminez ce vieux levain pour que vous deveniez semblables à une pâte nouvelle et sans levain. Vous l’êtes déjà en réalité depuis que le Christ, notre agneau pascal, a été sacrifié. Célébrons donc notre fête, non pas avec du pain fait avec le vieux levain du péché et de l’immoralité, mais avec le pain sans levain de la pureté et de la vérité. (1 Co 5,7-8)
La sentence peut paraître sévère mais rappelons-nous la parole de Jésus sur celui qui provoque un scandale : « Celui qui fait tomber dans le péché un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attache au cou une grosse pierre et qu’on le jette dans la mer. » (Mc 9,42) La mise à l’écart, pour un temps qui n’est pas précisé dans la lettre, est une solution préconisée par l’ancienne Alliance (voir Dt 17,7).
Diplômé de l'Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.