Mosaïque représentant un paon à Tabgha (photo © Stanislao Lee / SBF).
Le paon et la résurrection
Sylvain Campeau | 29 avril 2019
On évoque souvent le paon pour parler d’orgueil ou de vanité. Mais cette association n’existait pas dans l’esprit des premiers chrétiens qui y voyaient plutôt un symbole de la résurrection du Christ.
Un symbole solaire
Dans le monde gréco-romain, le paon est un symbole solaire sans doute inspiré par le déploiement de sa queue en forme de roue. Dans la mythologie, l’oiseau est associé à la déesse Héra (Junon chez les Romains), l’épouse de Zeus (Jupiter). Qu’un symbole solaire païen ait été adopté pour évoquer la résurrection n’a rien d’étonnant. La lumière est un élément important de la liturgie pascale mais d’autres caractéristiques de l’animal ont contribué à l’élaboration du symbole dans les premiers siècles de l’Église.
Renaissance et immortalité
Pline l’Ancien est l’un des premiers écrivains antiques à noter que l’oiseau perd sa magnifique parure pendant l’hiver et la retrouve renouvelée au printemps suivant. Le phénomène de la mue annuelle était connu pour plusieurs espèces animales mais, pour la majorité d’entre elles, il n’attirait pas l’attention. La mue du paon, par contre, et surtout le magnifique plumage qu’il retrouvait au printemps, a été perçu comme un symbole de renaissance par les Anciens et comme celui de la résurrection par les premiers chrétiens. Cette idée est exprimée dans un sermon de saint Antoine de Padoue : « À la résurrection générale, où tous les arbres, c’est-à-dire tous les saints, commencent à reverdir, ce paon (qui n’est autre que notre corps), qui a rejeté les plumes de la mortalité, recevra celles de l’immortalité. » [1]
Une autre caractéristique qui a contribué au développement chrétien du symbole est la croyance, signalée par saint Augustin [2], que la chair de l’oiseau était incorruptible, comme le corps du Christ au tombeau. Le paon est ainsi associé à l’immortalité et c’est pour cette raison sans doute qu’on le retrouve sur plusieurs monuments funéraires des premiers siècles.
Les monuments
Selon Henri Leclercq, les monuments qui témoignent du symbolisme du paon sont antérieurs aux textes. Le symbolisme se déploie dans plusieurs catégories de monuments : fresques, bas-reliefs, mosaïques, poteries, sceaux, sarcophages et autres monuments funéraires, pour donner quelques exemples [3]. Si pour certains d’entre eux, le motif est simplement décoratif, son intention est clairement symbolique dans plusieurs cas. Quand le paon est représenté avec une croix ou un calice par exemple, nous observons des représentations chrétiennes qui évoquent la mort et la résurrection ou qui font référence à l’eucharistie : « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang possède la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jean 6,54)
Diplômé de l'Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Sermon du cinquième jour après la Trinité.
[2] De civitate Dei, xxi, 4 et 7.
[3] H. Leclercq, art. « Paon », Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, tome 13, partie 1, Paris, Letouzey et Ané, 1937, col. 1075-1097. Cet article bien illustré donne une bonne idée de la variété des monuments où on retrouve le paon.