Tempête sur Jérusalem (photo © Reuters)
Priez pour que cela n’arrive pas en hiver!
Sébastien Doane | 17 mars 2017
Ah l’hiver ! Cette saison peut facilement acquérir un volet symbolique. Chez moi, au Québec, l’hiver est même devenu une partie importante de notre identité nationale. Gilles Vigneault le chante bien : « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver. » Évidemment, le climat au Moyen-Orient est très différent, mais la perception de l’hiver et l’usage symbolique qu’on en fait dans la Bible ne sont pas sans liens avec les façons québécoises de parler de l’hiver.
Le climat en Palestine
Il y a de grandes variations entre le climat dans les régions désertiques, dans les collines et sur la côte de la Méditerranée. Cependant, l’ensemble de la région est caractérisée par deux saisons principales. L’été s’étend d’avril à octobre. Il peut faire très chaud, avec des nuits froides dans les régions désertiques. L’hiver est ressenti de novembre à mars. La température peut descendre au point de congélation et il peut y avoir de la neige en montagne. Les précipitations sont principalement concentrées pendant les mois d’hiver, alors que la période estivale est généralement très sèche. « L’hiver est passé, la pluie a cessé, elle est loin. » (Ct 2,11)
Les saisons, lien avec le créateur
Quelques paroles bibliques soulignent que Dieu, en tant que créateur, est à l’origine de l’alternance des saisons. « Tu as fixé toutes les limites de la terre, c’est toi qui as fait l’été et l’hiver. » (Ps 74,17) La pluie hivernale, n’est pas que négative, symbole de constance, elle est utilisée par le prophète Osée pour rassurer ses auditeurs de la présence de Dieu. « Il viendra jusqu’à nous comme la pluie d’hiver. » (Os 6,3)
L’hiver, facteur de division sociale
Les prophètes Amos et Jérémie indiquent que les riches ont une maison pour l’été et une autre pour l’hiver. Ainsi ces habitants fortunés, comme le roi, pouvaient être à l’abri de la chaleur l’été et du froid l’hiver. Or, la grande majorité ne pouvait pas s’offrir ce luxe. En fait, les maisons rudimentaires ne donnaient que peu de protection contre les difficultés du climat. « J’abattrai les maisons d’hiver aussi bien que les maisons d’été. Finies, les résidences décorées d’ivoire ! En ruine, ces vastes logements ! dit le Seigneur. » (Am 3,15)
L’hiver, et l’annonce de l’Évangile
Le livre des Actes des Apôtres ainsi que les lettres de Paul traitent de l’hiver comme d’un obstacle à la mission chrétienne à cause des tempêtes propre à cette saison sur la mer Méditerranée
Typiquement, Paul et ses compagnons doivent trouver un lieu pour passer l’hiver, puisqu’ils ne pourront pas voyager durant cette période de l’année. Normalement, on s’abstenait de prendre la mer entre septembre et mars. Le chapitre 27 des Actes des Apôtres rapporte que Paul était en mer vers Rome alors qu’un certain temps s’était écoulé depuis la fête des expiations (en septembre). « Ni le soleil ni les étoiles ne se montraient depuis plusieurs jours ; la tempête, d’une violence peu commune, demeurait dangereuse : tout espoir d’être sauvés nous échappait désormais. » (Ac 27,10) Leur bateau fut renversé par une tempête hivernale, mais tous eurent la vie sauve. Après avoir passé l’hiver sur l’île de Malte, ils purent compléter leur voyage à Rome.
L’hiver et la fin des temps
Quelques passages des évangiles à saveur apocalyptique traitent de ce que nous appelons la fin des temps. Au chapitre 13 de Marc, Jésus annonce la destruction du Temple et un temps de détresse où les habitants de la Judée devront fuir dans les montagnes. C’est alors que Jésus dit : « Priez pour que cela n’arrive pas en hiver. » Peut-être que cette phrase insolite est reliée avec ce qui précède. La fuite dans les montagnes est sans doute plus difficile en hiver qu’en été. Mais, l’usage de la symbolique de l’hiver évoque aussi en lui-même un temps de difficultés qui illustre bien les temps apocalyptiques.
J’écris ces mots à la mi-mars, au Québec, alors qu’on attend justement une tempête hivernale de plus de 35 cm de neige! J’espère moi aussi que la fin des temps ne vienne pas en hiver...
Au moment d’écire ce texte, Sébastien Doane était étudiant au doctorat en études bibliques (Université Laval) et responsable de la rédaction du site interBible. Il est maintenant professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval.