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chronique du 11 janvier 2013

 

La nudité : de la honte à l’immortalité

Jonas

Le prophète Jonas rejeté par la baleine
Felice Filcherelli (1605-1669)
Huile sur toile, 88 x 113 cm
Musée des beaux-arts, Chambéry

Le corps nu provoque bien des réactions. Il peut choquer ou au contraire provoquer une attraction sexuelle. Dans la société occidentale, la nudité totale est d'un usage codifié et est restreinte à des contextes précis comme les lieux privés ou une plage particulière. Son usage public peut être associé à de l'exhibitionnisme et être condamné. Parfois, la nudité peut même devenir une façon de manifester son opinion et revendiquer quelque chose. Les Montréalais ont vu un exemple de ceci au printemps 2012 alors que les étudiants et étudiantes se sont promenés nus dans les rues lors de leurs manifestations pour demander plus de transparence au gouvernement. Certains n’étaient revêtus que d’un petit carré rouge symbole de leur mouvement.   

     La nudité est présente dès le début de la Bible. Lorsque Dieu crée Adam et Ève, ces derniers sont des adeptes du nudisme jusqu’à ce qu’il transgresse l’interdit et mange le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn 3,7). Après ce geste, ils ont honte et cherchent un vêtement pour se protéger du regard de l’autre.

     Dans l’Ancien Testament, pour châtier une prostituée on pouvait l’exposer nue en public afin de l’humilier et de la marginaliser. Au sens figuré, Babylone, Jérusalem et Israël connaîtront le même sort pour leur infidélité [1].

     Le livre du Lévitique mentionne aussi plusieurs règles concernant la nudité. Le chapitre 18 utilise l’expression « découvrir la nudité » à plusieurs reprises comme un euphémisme pour évoquer une relation sexuelle incestueuse interdite. Cette expression se retrouve aussi dans un récit concernant Noé après le déluge. Dans cette histoire, Noé est si ivre qu’il tombe nu et inconscient. Une malédiction est prononcée contre son fils qui va voir la nudité de son père (Gn 9,18-27). Ce récit illustre bien la honte associée à la nudité. 

     L’idée du dépouillement et de la fragilité de la vie sont aussi exprimées par la nudité. Par exemple, Job dira : « Sorti nu du ventre de ma mère, nu j’y retournerai. » (Job 1,21) Le début et la fin de la vie sont marqués par l’expérience de la nudité.

L’influence grecque

     La nudité est perçue beaucoup plus négativement dans la Bible que chez les autres cultures de l’antiquité. Par exemple, la culture grecque ayant marqué tout le bassin méditerranéen avait comme coutume de pratiquer les sports dans la nudité. D’ailleurs, le mot « gymnase » provient du grec « gumnos » signifiant « nu ». Cette pratique scandalisait les juifs, bien qu’un gymnase fût construit à Jérusalem. Les juifs proches de la culture grecque se faisaient même recoudre le prépuce pour faire du sport nu sans être distinct des autres! (1 M 1,14)

     Plusieurs religions de l’Antiquité faisaient un lien entre le sacré et la nudité. Ce n’est pas le cas des israélites qui vont jusqu’à décrire le type de caleçons des prêtres pour qu’ils soient bien couverts lors des sacrifices et prières (Ex 28,42). Le récit de la danse partiellement nue de David illustre aussi la divergence entre le sacré et la nudité (2 S 6,20-22).

     Les premiers chrétiens provenant de la culture grecque n’auront pas le même rapport à la nudité. En effet, ils restent marqués par la conception de leur milieu liant la nudité à la divinité. L’iconographie des premiers siècles illustre que l’immortalité est associée à la nudité en représentant nus les personnages préfigurant la résurrection. Par exemple, Jonas dans la baleine, Daniel dans la fosse aux lions ou parfois les trois Hébreux dans la fournaise du livre de Daniel. Comme pour les païens grecs qui représentaient leurs immortels nus, les premiers chrétiens symbolisaient leurs élus dans la nudité.

[1] Isaïe 47,1; Ézéchiel 23,29; Osée 2,5.12.

Sébastien Doane

Chronique précédente :
Bethléem, la ville du Messie