Le songe de Jacob. José de Ribera, 1639. Huile sur toile, 179 x 233 cm. Musée du Prado, Madrid (Wikipedia).
Songe
Sylvain Campeau | 13 janvier 2020
Hébreu : chalam
Grec : onar
Les civilisations du Proche-Orient ancien s’entendent pour considérer le songe ou le rêve comme un moyen privilégié de la divinité pour s’adresser aux humains. En termes plus contemporains, plutôt que d’y voir un phénomène psychosomatique, les anciens voyaient le songe nocturne comme un lieu de la révélation divine.
Cet héritage culturel se retrouve dans la Bible [1] mais dans les traditions deutéronomique et prophétique, c’est l’oracle qui est le mode par excellence de la révélation divine. Le seul livre prophétique qui s’écarte de cette règle est celui Joël : chez ce prophète, le songe est un mode de révélation divine égale à la vision qui n’est plus réservé aux spécialistes de la prophétie (Jl 3,1). L’important pour les auteurs bibliques est que le songe ne détourne pas le fidèle du Dieu de l’Alliance (voir Dt 13,2-4 ; Jr 23,25-28).
Les chercheurs qui ont analysé les récits de rêve dans l’Ancien Testament les regroupent généralement en deux groupes distincts : les récits où le rêve transmet un message de Yahvé et ceux dont le songe révèle une information sur l’avenir du rêveur [2]. Dans le premier cas, le message est clair : il suffit au destinataire d’agir en conséquence comme dans le récit du songe de Jacob en Genèse 28,10-22. Dans le deuxième groupe, le songe a besoin d’une interprétation et un spécialiste doit alors intervenir. C’est ce rôle que joue Daniel auprès du roi Nabuchodonosor en Daniel 4.
Dans le Nouveau Testament, le songe est devenu un artifice littéraire pour souligner l’origine divine d’une parole reçue. C’est le cas par exemple des songes dans les premiers chapitres de l’Évangile selon Matthieu (1,20 ; 2,12.13 ; 2,19.22) où les bénéficiaires sont Joseph et les mages. Et selon les Actes des Apôtres, c’est une vision [3] nocturne de Paul qui lui permet de déterminer l’itinéraire missionnaire d’un voyage en Macédoine (Ac 16,9-10).
Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Pour une présentation plus complète du phénomène dans la Bible hébraïque, on peut lire : Jean-Marie Husser, Le songe et la parole. Étude sur le rêve et sa fonction dans l’ancien Israël, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1994, 302 p.
[2] Pour une synthèse de la recherche sur la forme des songes, vous pouvez lire le chapitre 2 de : Aldina da Silva, La symbolique des rêves et des vêtements dans l’histoire de Joseph et de ses frères, Fides (Héritage et projet, 52), 1994.
[3] Le mot utilisé est différent de celui que l’on traduit par « songe » mais la réalité est la même : il s’agit ici d’un rêve dont le message est assez clair pour que Paul soit convaincu de se mettre en route pour annoncer la Bonne Nouvelle en Macédoine.