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Les mots pour le dire
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chronique du 13 avril 2012

 

Fils de Dieu

Le Christ Pantocrator

Le Christ Pantocrator
Mosaïque du VIe siècle
Musée Sainte-Sophie, Istanbul
(photo : Wikipedia)

Hébreu : ben Elohim ou au pluriel b'néï Elohim
Grec : uiou theou

Les évangiles appliquent ce titre à Jésus. Mais, savez-vous que d’autres textes de la Bible apposent ce titre à d’autres personnages?

     Dès le livre de la Genèse, au chapitre 6, on parle de « fils de Dieu » qui aurait engendré une race de géant en s’accouplant avec des femmes. Ces fils de Dieu sont des anges membres de la cour divine. Les livre de Job, des psaumes et de Daniel utilisent aussi cette expression pour parler d’anges ou d’êtres célestes.

     Une deuxième façon d’utiliser l’expression est de la prendre pour parler du peuple d’Israël. Puisqu’il se considère comme le peuple de Dieu, il se voit comme « fils de Dieu » (voir Ex 4,22; Dt 14,1).

     Enfin, le roi est le représentant de Dieu pour son peuple. Il a l’autorité de régner en son nom et on dit qu’il est le « fils de Dieu ». Il ne s’agit pas d’une filiation biologique. Contrairement à d’autres peuples de l’antiquité, la tradition juive ne transmet pas de récits pour montrer comment leurs rois étaient de descendance divine. Les empereurs romains par contre bénéficiaient d’un culte royal et se faisaient vénérer comme « divi filius » c’est-à-dire fils de Dieu. Il n’y avait pas de culte envers les rois bibliques. Ils étaient vus comme fils adoptif de Dieu. Les rois appartenant à la descendance de David porteront les titres de messie de YWHW et de Fils de YHWH, mais ils n’étaient pas vus comme des dieux.

     Dans le Nouveau Testament, on retrouve l’expression pour parler des croyants qui sont appelés fils de Dieu. Par exemple : « Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9) ou « tous vous êtes, par la foi, fils de Dieu, en Jésus Christ » (Ga 3,26).

     Dans tous ces cas, la filiation de Dieu est une image pour évoquer le lien fort entre Dieu et ceux qui le prient. Mais comment comprendre cette expression lorsqu’on l’applique à Jésus? Est-il littéralement le fils de Dieu au sens biologique ou est-ce que l’expression évoque plutôt une filiation métaphorique?

     D’abord, il faut comprendre que la doctrine de la Trinité a été formulée beaucoup plus tard et n’apparait pas directement dans les textes bibliques. Aussi, il faut savoir que les textes de l’Ancien Testament évoquant le Messie attendu ne font jamais référence à une nature divine de ce Messie et n’utilise pas l’expression fils de Dieu.

     L’expression fils de Dieu apparait 70 fois pour qualifier Jésus dans le Nouveau Testament. Pourtant, seul l’évangile de Jean va la placer six fois dans la bouche de Jésus. Dans les 64 autres occurences, ce sont d’autres personnages qui vont qualifier Jésus de fils de Dieu. On peut en conclure que l’expression fils de Dieu exprime la foi des premiers chrétiens plutôt que la conscience même de Jésus qui ne l’a probablement jamais utilisée.

     Il y a plusieurs façons de comprendre que Jésus est le fils de Dieu. D’abord, il pourrait s’agir d’une façon d’exprimer qu’il est un « homme de Dieu », c’est-à-dire un homme juste. D’autres vont comprendre qu’il est le fils réel de Dieu. Les textes racontant le baptême et la transfiguration peuvent être lus dans ce sens puisqu’on y entend la voix du Père qui dit de Jésus « Celui-ci est mon fils ». Il y a donc une relation personnelle entre Jésus et Dieu. 

     Avec le temps, on voit une évolution dans l’ampleur que prend ce titre pour qualifier Jésus. Au départ, dans un milieu juif, appliquer l’expression fils de Dieu faisait un lien entre Jésus et les rois de la lignée de David qui étaient appelés de cette façon. C’est avec la résurrection de Jésus que les premiers chrétiens vont comprendre que Jésus a quelque chose de divin en lui. Jésus leur apparait alors comme le propre fils de Dieu le Père. Le côté divin de Jésus prend alors de plus en plus d’importance.

     L’évangile de Jean montre bien comment la façon de concevoir Jésus est devenue presque un équivalent de Dieu. Dans cet évangile, Jésus existait comme logos dès avant la création du monde auprès de Dieu. Il prit chair comme envoyé du Père en mission chez les humains pour leur donner la vie éternelle. Le fils de Dieu dans cet évangile partage une grande intimité avec le Père. À plusieurs reprises l’évangile de Jean parle de Jésus simplement comme : le Fils. Les témoins de la résurrection dans cet évangile vont allez jusqu’à reconnaitre Jésus comme leur Seigneur et leur Dieu. Cette façon de présenter Jésus comme fils de Dieu dans l’évangile de Jean a beaucoup inspiré les premiers conciles de l’Église qui en sont venus à reconnaître Jésus comme à la fois pleinement homme et pleinement Dieu.

     Aujourd’hui, dire que Jésus est l’équivalent de Dieu est considéré comme un blasphème pour les juifs et pour les musulmans. Peur eux, cette façon de présenter Jésus le place sur le même rang que Dieu et fait de lui son égal. Cette façon de désigner Jésus ne cadre pas avec leur façon de comprendre l’unité Dieu. C’est donc une des pierres d’achoppement dans le dialogue entre les trois religions monothéistes. Les juifs et les musulmans sont prêts à reconnaitre Jésus comme un sage ou un prophète, mais de le faire l’égal de Dieu est un grand scandale.

Sébastien Doane

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