chronique du 28 juin 2002
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Souvenir /
mémoire Latin : memoria (-> mémoire, mémorial) « La mémoire est une faculté qui oublie », disons-nous avec un brin d'humour pour justifier nos pertes de mémoire. Il arrive aussi que l'on retienne ce dont on veut bien se souvenir. Mais la perte de la mémoire, notamment quand elle est reliée à une maladie, est une tragédie pour un être humain. Non seulement le lien avec le passé est à jamais perdu mais la conscience de soi est gravement compromise. Cette tragédie peut également être appliquée à un peuple. Un peuple qui a perdu la mémoire de son passé se coupe de ses racines. Il est près de disparaître, peut-être pas en nombre, mais au niveau de la conscience de son identité culturelle. La perte de la mémoire collective est alors un sérieux handicape pour les générations montantes qui éprouveront de la difficulté à s'inscrire dans le déroulement de l'histoire, par manque de perspective. Quand on parcourt la Bible, on se rend compte que la mémoire joue un rôle important dans l'histoire de l'Alliance entre Dieu et Israël, tout comme dans l'effort de compréhension, chez les premiers chrétiens, pour situer le rôle du Christ Jésus dans l'histoire du salut. On peut dire que le souvenir est un facteur majeur d'unité et de continuité qui assure la cohérence de l'histoire du peuple de Dieu. Dès lors, la Bible apparaît, pour le peuple de Dieu, comme l'expression matérielle de ce souvenir, de cette volonté de conserver vivante la conscience de son identité de peuple appartenant à Dieu. Cela vaut autant pour Israël que pour la première Église. La puissance du souvenir De nos jours, on peut se fier à nos bibliothèques et à nos archives pour alléger le travail de notre mémoire. On n'a qu'à consulter dossiers, livres, photos, films et videos pour se rafraîchir la mémoire. Mais rien n'est plus captivant que d'écouter quelqu'un nous raconter ses souvenirs et l'interprétation qu'il sait tirer des événements du passé. Ces événements, accompagnés de leur signification, revivent alors sous nos yeux, car le geste s'ajoute à la parole. À une époque où la conservation et la transmission des événements de l'histoire se faisaient par la tradition orale, il était nécessaire d'avoir de la mémoire. Mais l'acte même de transmettre était une façon de faire mémoire et de se sentir solidaire des générations antérieures, de construire le présent et d'envisager l'avenir dans la fidélité à un projet commun; bref, de conserver vivante son identité nationale et religieuse. La faculté de se souvenir conservait au passé toute son actualité. Il ne s'agissait pas de répéter mécaniquement ce qui s'était déjà produit, mais de profiter de la sagesse qui vient de l'expérience pour relever les défis reliés aux situations nouvelles de la vie individuelle et collective. C'est ainsi qu'il faut comprendre les nombreuses exhortations faites au peuple d'Israël de se souvenir des hauts faits de Dieu, soit pour le louer, comme dans la célébration de la Pâque, soit pour trouver la force dans les événements difficiles comme au temps de l'Exil. Par contre, l'oubli des bienfaits de Dieu entraîne l'infidélité à l'Alliance. Cette infidélité peut se traduire autant par l'attrait pour les cultes païens que par des comportements injustes à l'égard des pauvres. Par exemple, les liturgies pénitentielles, qui apparaissent au retour de l'Exil, accordent une large place au souvenir des actions prodigieuses de Dieu pour les Hébreux lors de l'Exode. Dans un autre domaine, pour susciter le respect à l'égard des étrangers qui résident en Israël, on invitera les gens à se souvenir qu'ils ont été eux-mêmes étrangers en Égypte. La capacité de se souvenir joue donc un rôle important, non seulement pour la conservation du patrimoine, mais aussi pour acquérir un art de vivre en relation avec Dieu et les autres. Se souvenir, c'est réfléchir sur la signification des événements dans le but d'établir le fils conducteur qui les relie les uns aux autres et d'acquérir ainsi une sagesse pour vivre le présent. Yves Guillemette
Yaweh guerrier
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