chronique du 19 avril 2002
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Parole Hébreu : dabar (prononcer: davar) Le mot hébreu dabar, que l'on traduit par « parole », possède un éventail de significations plus large que son équivalent français. Selon le contexte, le mot dabar peut désigner l'affaire dont on parle: « En effet David avait fait ce qui est juste aux yeux de Yahweh et il ne s'était dérobé à rien de ce qu'il lui avait ordonné durant toute sa vie, sauf dans l'affaire d'Urie le Hittite. » (1 Rois 15, 5) Le mot dabar désigne aussi l'ensemble des actes d'une personne, notamment dans le cas des rois: « Le reste des actes d'Ézéchias, tous ses exploits, et comment il a construit la piscine et le canal pour amener l'eau dans la ville, cela n'est-il pas écrit au livre des Annales des rois de Juda? Ézéchias se coucha avec ses pères et son fils Manassé régna à sa place. » (2 Rois 20, 20-21) Ailleurs, il s'agira d'événements, comme dans les formules de transition d'un récit à l'autre: « Après ces événements, la parole de Yahweh fut adressée à Abram, dans une vision: "Ne crains pas, Abram! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande". » (Genèse 15, 1). Et il y a bien sûr le sens habituel de « parole ». Ces diverses nuances nous mettent sur la piste pour saisir que, pour les gens du Proche-Orient ancien, la parole n'est pas la simple expression verbale d'une pensée ou d'une volonté, mais la réalité elle-même qu'elle désigne. La parole ne se réduit pas à un ensemble de sons articulés; elle est une chose réelle quoique invisible, un peu comme l'haleine qui sort de la bouche (cf. Dict. encycl. de la Bible, p. 969). Il y a ainsi un lien étroit entre la parole et l'événement. On pourrait même dire que la parole constitue un événement, qu'elle fait « événement ». Une conception aussi forte de la « parole » plonge ses racines dans une culture où l'écrit n'existait pas sauf, plus tardivement, pour conserver les souvenirs qui font l'histoire ou l'identité du groupe social. Dans une culture où la connaissance et l'expérience sont transmises oralement, la parole est un moyen puissant de communication avec lequel on ne joue pas. « Les écrits restent, les paroles s'envolent », affirme l'adage familier. Au pire, quelqu'un pourrait dire n'importe quoi et ne pas se sentir lié par ses paroles. Pour bien des personnes, tant qu'une promesse demeure verbale, elle n'a pas le même pouvoir contraignant qu'un engagement écrit. Pensons seulement aux promesses électorales. Un tel adage ferait dresser les cheveux des gens de la Bible comme ceux des civilisations environnantes. Pour eux, dès que la parole est prononcée, elle devient une force active et efficace. On ne peut revenir sur sa parole, ou affirmer que ce n'est pas ce que l'on avait voulu dire, ou reprocher aux autres d'avoir mal compris ses mots. Prenons le cas de la bénédiction que Jacob obtient astucieusement, pour ne pas dire frauduleusement, de son père Isaac, alors que celui-ci, aveugle, pensait bénir Esaü, son fils aîné. Eh bien! malgré la ruse dont il a été victime, Isaac ne peut retirer la parole de bénédiction: elle produira inexorablement son effet, même s'il y a eu erreur sur la personne (cf. Genèse 27). Quand on y réfléchit bien, les paroles que l'on prononce, exception faite de nos anodines conversations quotidiennes, ne sont pas aussi volatiles qu'un rêve. Notre mémoire contient assurément des paroles qui y sont restées gravées comme si elles avaient été proférées hier. Qui ne se rappelle une parole de réconfort, et dans certains cas une parole blessante, qui a eu un impact dans notre vie et qui, à l'occasion, remonte à notre conscience à l'occasion. Nous ne sommes pas si loin de la conception que les gens de la Bible avaient de la parole. Aujourd'hui comme hier, la parole humaine peut édifier, encourager, réconforter, faire vivre, comme elle peut aussi démolir, briser ou tuer une réputation. Il n'est pas si bête cet autre adage qui invite à tourner sa langue sept fois avant de parler. Certainement que dans ce cas-ci les gens de la Bible seraient d'accord. Yves Guillemette, ptre
Pour lire la Bible sur la parole... La parole irrévocable: la bénédiction d'Isaac: Genèse 27; Gloire
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