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6- Jésus et l'observance du sabbat
Le commandement du sabbat remis à l’honneur au retour de l’Exil, est devenu une obligation capitale dans la vie juive. Au cours des siècles suivants, les docteurs pharisiens élaborent à son sujet une casuistique minutieuse. Concernant l’observance du sabbat, les évangiles rapportent des disputes entre Jésus et les pharisiens (Mt 12,1-14; Mc 1,21-34; 2,23 — 3,6; Lc 6,1-11; 13,14-16; 14,1-6). Dans la péricope sur le sabbat et la cueillette des épis (Mt 12,1-8; Mc 2,23-28; Lc 6,1-5), Jésus s’appuie sur 1 S 21,2-7 pour rappeler que David a violé une loi cultuelle grave pour la subordonner à la faim, la sienne et celle de ses compagnons. À plus forte raison, il réclame le même droit pour lui et ses disciples, même en un temps interdit, d’arracher des épis qu’il est permis de manger (Dt 23,26). Pour ce qui est de l’action défendue, celle de froisser des épis, il évoque l’activité des prêtres au Temple le jour du sabbat qui consiste à offrir des victimes (Nb 28,9-10) ou des gâteaux (Lv 24,8-9). Pourtant, cette tâche exigée par la Loi viole le précepte du sabbat! Dans ce débat, Jésus conteste l’observance d’une loi à la lettre quand son sens, quand sa valeur en tant que loi divine devient, si on la suit, contraire à son sens. C’est pourquoi une interprétation précise et une application soigneuse de divers aspects de la Loi mosaïque ne s’avèrent pas obligatoires dans toutes les situations. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles il a déclaré : Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat (Mc 2,27).
Jésus ne renvoie pas simplement ses auditeurs à la Torah. Il sort parfois du canon des Écritures. Pour se justifier d’opérer des guérisons le jour consacré à Dieu, il recourt à l’allégement pharisien de la loi du sabbat, qui, pour sauver une vie (m. Yoma 8,6), autorise en cette journée de repos d’aider son prochain, voire une bête qui est tombée dans un fossé (m. Shabbat 18,3). Pour Jésus, cette règle de la tradition orale a priorité sur le respect du sabbat. C’est la raison pour laquelle, dans la discussion à propos de la guérison d’un homme à la main paralysée le jour du sabbat (Mt 12,9-14; Mc 3,1-6; Lc 6,6-11), de celle d’un hydropique (Lc 14,1-6), puis de la délivrance d’une femme infirme (Lc 10,17), il pose à ses adversaires les questions suivantes : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou le mal, de sauver une vie ou de la perdre? (Mc 3,4; Lc 6,9), ou Le jour du sabbat, ne détachez-vous pas de la mangeoire votre bœuf ou votre âne pour le mener à boire? (Lc 13,15). À ces interrogations, il n’y a pas d’autres questions à opposer, pas même celle de la Loi. Il justifie son activité thérapeutique en référence à un principe qui, selon lui, l’emporte sur le sabbat. Il est à l’écoute des individus souffrants qui désirent retrouver le « bien-être », désir légitime pour Jésus. D’où son choix de faire le bien puisqu’il est permis en tout temps.
Par sa déclaration le Fils de l’homme est maître du sabbat (Mt 12,8; Mc 2,28; Lc 6,5), Jésus ne rejette pas l’institution sabbatique, mais il réagit vivement contre les aspects purement formalistes imposés par les docteurs pharisiens. Il critique leur rigidité qui est un risque pour le sabbat de perdre son dynamisme spirituel et d’être seulement vécu dans ses aspects formels. Maître du sabbat, Jésus tente de restituer au sabbat son sens profond de jour où l’homme honore Dieu en œuvrant à la dignité et à la liberté de ses frères (Mc 1,21-28; Lc 13,10-17). Pour Jésus, le devoir de charité prime l’observance matérielle du chômage. En faisant du bien le jour du sabbat, n’imite-t-il pas Dieu qui, entré dans son repos au terme de la création, continue de régir le monde et de vivifier les hommes (Jn 5,16-17)?
Source: Le Feuillet biblique, no 2477. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Début de la série :
Le sabbat
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