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Dans le récit de l’appel et de la mission d’Abraham (Gn 12, 1-4a), nous sommes en présence d’un homme qui doit faire un choix déchirant : quitter son pays et sa famille vers le pays que Dieu lui fera voir au fur et à mesure de sa pérégrination. Voilà donc Abraham lancé dans le pèlerinage de la foi. Il doit se détacher de son passé pour entrer dans l’avenir de Dieu. Cet avenir est aussi sa mission : devenir une bénédiction pour toutes les familles de la terre. Il sera ainsi père d’une multitude grâce à la promesse d’une descendance. Abraham apprendra à la dure que sa paternité est dans l’ordre de la foi. Le récit du sacrifice d’Isaac en est la démonstration. Encore une fois Abraham est placé devant un choix éprouvant : renoncer à son avenir. J’ai puisé dans le fonds d’archives du Feuillet biblique (no 1264 – 28 février 1988) cette réflexion de Mireille Brisebois sur ce récit troublant qui heurte nos sensibilités et le sens commun.
Lorsqu'on lit la Bible, on s'introduit dans une histoire sainte où Dieu s'engage lui-même et promet le salut à tout un peuple – le peuple d'Israël dont Abraham est le type, par sa confiance totale en ce Dieu. Le récit du sacrifice d'Isaac, la grande épreuve d'Abraham, exprime l'attitude fondamentale du croyant de tous les temps. C'est une attitude d'offrande, une réponse à un appel. Trois verbes de ce récit doivent retenir notre attention : prends, va, offre.
Prends
Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac (v. 2a). Pour Abraham, cet appel de Dieu, cette épreuve, semble anéantir toutes les promesses divines si souvent répétées. En effet, n'est-ce pas en Isaac que ces promesses devaient se réaliser ? Il est le seul fils issu de Sara, l'épouse stérile. Il est celui que ni Abraham, ni Sara n'attendaient. Il est le fils inespéré, l'enfant du miracle. Dieu est intervenu. Dans la relation Abraham-Isaac, il y a plus qu'une relation de père à fils, il y a Dieu qui rend cette relation sainte et qui promet une descendance. Et voilà que maintenant Dieu semble remettre en question ses promesses. Quel Dieu étrange! Il y a de quoi ébranler la foi d'Abraham. On s'attendait à un refus de sa part et pourtant non. Il va vivre cette expérience extrême de foi en obéissant à son Dieu dans un total abandon.
Va
C'est toujours difficile de partir d'un endroit qu'on aime, où l'on se plaît. Abraham a déjà vécu un tel départ (Gn 12, 1-4), mais ce « Va » de sa vieillesse est particulièrement douloureux et exigeant. Il pourrait peut-être expliquer le silence du patriarche. Abraham ne dit rien, il ne parle pas. Il ne dit rien à Sara, pourtant ils avaient ri ensemble en pensant à la naissance d'Isaac. Il ne dit rien à Isaac ni aux serviteurs. Une seule fois, il rompt ce silence terriblement lourd pour répondre à la question inquiète de l'enfant, au moment où seuls, ils allaient portant les instruments du sacrifice : C'est Dieu qui pourvoira à l'agneau de l'holocauste, mon fils (Gn 22, 8). Voilà la réponse de cet homme à la foi indéfectible. Nulle inquiétude malgré l'apparente contradiction de Dieu. Le drame qu'Abraham vit à l'intérieur de son être brisé fortifiera sa foi et marquera un nouveau départ dans sa démarche de croyant. Oui, il sera le père d'un grand peuple, le peuple de tous ceux qui ont la foi.
Offre
Cette exigence de Dieu peut paraître, à première vue, cruelle. Selon saint Augustin, dans ce geste d'offrande, Abraham nous enseigne à ne pas préférer à Dieu les dons que Dieu nous donne. Il nous apprend qui est l'être humain devant Dieu : un être libre appelé à la dignité de répondant. Il nous apprend que la destinée de l'être humain réside dans un dépassement continu qui lui interdit tout culte abusif et idolâtrique de ce que Dieu lui a donné. Prends, va, offre. . . Trois démarches de foi qui entraînent tout homme et toute femme vers un plus à la mesure de son idéal divin.
Source: Le Feuillet biblique, no 2436. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Les hauts et les bas de l'Alliance
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