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La violence dans la Bible (4/6)
 

Faut-il les passer aux ciseaux ?

 

 

Certains versets des Psaumes nous font dresser les cheveux sur la tête. À les réciter, si jamais on s'y résout, on a l'impression d'entrer dans une spirale de vengeance: celle des pires mafiosi ou des dictateurs politiques qui prennent plaisir à torturer ou à assassiner à froid. Deux exemples suffiront à nous en convaincre. Apparemment, le sadisme y trouve pleinement son compte. D'abord: Ô Babylone misérable, heureux qui te revaudra les maux que tu nous valus; heureux qui saisira tes enfants, pour les briser contre le roc! (Psaume 137, 8-9). Dans la même veine, un autre psaume souhaite carrément, à propos de l'adversaire : Que ses fils soient orphelins, que sa femme devienne veuve... Que ses descendants soient supprimés! (109, 9.13).

Cas de censure ?

     Tant qu'on a lu et chanté ces textes en latin, on ne semblait pas trop voir de problème. Mais, en langue vernaculaire, on a ressenti tout de suite le malaise. Pour éviter de jeter de l'huile sur le feu de nos susceptibilités chrétiennes, on a amputé la prière officielle de l'Église de ces passages embarrassants. À première vue, ces versets contredisent de manière flagrante le précepte évangélique de l'amour des ennemis. En fait, les deux premiers versets cités ci-dessus (Ps 137, 8-9) ont disparu sans laisser de traces de trois des quatre tomes de La liturgie des heures. Sans doute par un sursaut de conscience, on les a reproduits, mais entre crochets dans le quatrième, comme pour mieux inviter les priants à les sauter... à pieds joints! Quant au Psaume 109, rempli d'explosifs, on l'a complètement banni du livre de chevet des chrétiens, tel un paria, sans autre forme de procès.

Le rôle de ces prières dans l’univers biblique

     Je ne plaide pas forcément pour une réintégration automatique des imprécations dans la prière publique. J'aurais peur qu'une majorité de priants aient une réaction négative de répulsion ou de protestation. Si l’on voulait utiliser ces prières, il est nécessaire de comprendre le rôle de ces imprécations dans la pensée biblique.

     Chaque fois qu'on rencontre ces phrases dans le psautier, il s'agit, ne l'oublions pas, de prières de demande, c'est-à-dire, de supplications de salut adressées à Dieu. On n'y verra donc pas d'abord un réflexe psychologique - un défoulement ou un déferlement de violence et de vengeance humaines - mais plutôt un acte de foi, une démarche spirituelle, un appel à la violence de Dieu, la seule qui ne soit pas du tout entachée de parti pris ni d'injustice. Quand, dans la Bible, on parle de violence de Dieu, on se réfère toujours à son acte de jugement, c'est-à-dire à son intervention pour faire triompher le bien et reculer le mal sous toutes ses formes. Car, pour être sauvées, une personne ou une collectivité ont absolument besoin que ce qui les menace soit écarté ou disparaisse!

     Pour les Israélites de la Bible, les imprécations servaient, en quelque sorte, de paratonnerre, de bouclier, pour neutraliser les forces mauvaises, et même d'arme offensive pour les combattre. Dans les cultures de l'ancien Proche-Orient, on attribuait à la « parole» un pouvoir quasi magique. Ainsi, quand on prononçait un blasphème ou une malédiction, il fallait se prémunir contre son effet néfaste. Au hockey, le gardien de but se met des jambières, un plastron et un masque protecteurs pour éviter que la rondelle ne l'atteigne, ne le blesse et, à la limite, ne le tue. Dans la prière individuelle ou publique en Israël, les imprécations jouaient ce rôle.

     Bien qu'issue d'une tout autre culture, cette conception de la « parole » efficace me semble garder une certaine valeur spirituelle, même dans une civilisation comme la nôtre, tributaire des ouvertures de la morale évangélique. Bien sûr, un chrétien est tenu d'aimer ses ennemis et de prier pour ses persécuteurs (Matthieu 5, 43-48), de pardonner jusqu'à soixante-dix fois sept fois (Mt 18, 21-22), d'offrir l'autre joue à celui qui frappe la joue droite (Mt 5, 39). Il n'a absolument pas le droit d'utiliser le canal de la prière pour donner libre cours à son agressivité, déchaîner ses réflexes de haine et ses pulsions vengeresses même contre les pires criminels.

     Pourquoi ne pas faire des imprécations bibliques une arme de combat contre tous les pouvoirs oppressifs, contre tous les systèmes qui favorisent la fraude, l'exploitation, le mensonge, la violence, le terrorisme ? Pourquoi ne pas en faire une arme de combat contre les forces obscures et mystérieuses du Mal que la Bible présente comme extérieures et supérieures à l'être humain ?

(Source : par Marc Girard, ptre, adaptation de Yves Guillemette, ptre, Parabole, janvier-février 1998).

 

Yves Guillemette, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2432. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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La violence dans la Bible

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La violence dans la Bible
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