Le miracle ne va pas de soi!
En guise d’introduction à cette petite série, j’ose lancer pêle-mêle quelques pavés dans la mare tranquille de nos certitudes à propos des miracles de Jésus rapportés par les évangiles.
Le miracle comme preuve de la divinité de Jésus ?
Autrefois présentés par nos anciens petits catéchismes comme preuve de l’identité divine de Jésus, cette acception du miracle apparaît fort discutable aujourd’hui. Est-ce que les miracles que Jésus a pu opérer ont été une preuve de sa divinité ou que Dieu agissait en lui ? S’il en avait été ainsi, Jésus aurait dû ravir l’adhésion de ses contemporains témoins de ses prodiges. Au contraire, on le voit bien dans les évangiles, les miracles de Jésus ne provoquent pas que de la foi parmi ceux qui en sont témoins, mais bien aussi de l’hostilité envers lui. Le miracle ne force donc pas l’adhésion, autrement on ne l’aurait pas crucifié !
Jésus, un guérisseur parmi tant d’autres
De plus, Jésus n’a pas été le seul homme de l’Antiquité à qui l’on attribuait des pouvoirs de guérison. La littérature antique regorge de récits de miracles accomplis par des hommes « divins » dotés de charismes thaumaturgiques. Des ex-voto, stèles votives et autres vestiges trouvés dans les fouilles archéologiques d’anciens sanctuaires païens dédiés à des divinités guérisseuses (comme Asclépios, Hygie, Serapis) témoignent aussi des « miracles » qui y eurent lieu ainsi que des moyens curatifs employés pour les obtenir. Bien que méfiant à l’égard des manifestations charismatiques qui pouvaient détourner les coreligionnaires de la pratique de la Loi au profit de la recherche du « spectaculaire », le judaïsme de l’Antiquité connaît et tolère néanmoins cette pratique des guérisseurs monothéistes. Deux « faiseurs de miracles » du premier siècle (et donc contemporains de Jésus et/ou de ses disciples) ont souvent été comparés avec Jésus de Nazareth tellement les récits de guérisons de leurs biographes ressemblent à ceux des évangiles. L’un est grec et guérit au nom du dieu Asclépios, il s’agit d’Apollonios de Tyane. L’autre, appelé Rabbi Hanina Ben Dosa, est juif galiléen et guérit à distance au moyen de sa prière d’intercession particulièrement puissante auprès du Dieu unique.
Jésus n’a donc pas le monopole des miracles au sein de son époque, ce qui déboulonne encore un peu plus ce lien trop étroit établi entre miracles et preuve de divinité.
Le miracle « gênant »
Autre problème. Le caractère fabuleux de certains miracles rapportés par les évangiles peut heurter notre esprit critique dans l’ère scientifique dans laquelle nous trempons. Pensons spécialement aux miracles qui défient les lois de la nature. « Jésus a-t-il vraiment marché sur les eaux ? Comment a-t-il pu changer l’eau en vin ou multiplier les pains et les poissons? »
Loin de devenir une preuve en faveur de Jésus, les miracles peuvent aujourd’hui devenir « gênants » plutôt que d’enjoindre à la foi. « Vous voyez bien que ce ne sont que des histoires farfelues, des fables ! » diront certains, discréditant du même coup l’ensemble du message évangélique et entretenant cette idée fausse – bien que tenace et répandue - que foi et science s’opposent.
La recherche biblique ajoute à la confusion
Pour compliquer encore un peu plus cette question du « miracle », ajoutons au tableau que la recherche biblique elle-même - dans un passé récent et pas encore entièrement révolu - a parfois mis en doute le fait que Jésus ait accompli des miracles. Dans ce qu’on appelle le « Jesus quest », ou la recherche du « Jésus historique » par rapport au « Jésus de la foi », certains chercheurs ont pu voir, dans les miracles rapportés par les évangélistes, des enjolivements visant à convaincre plutôt que des faits historiques. Il faut dire que dans le domaine biblique, les opinions sont variées. Tel un mouvement de pendule, au bout de sa trajectoire, on croirait que tout ce que racontent les évangiles à propos des miracles de Jésus s’est passé tel quel. À l’autre extrémité, à peu près rien de ce qui est raconté par les évangiles ne serait historique ! Aujourd’hui, peut-être sommes-nous revenus vers le centre ; on tend plutôt à voir l’activité thaumaturgique de Jésus comme un fait historique.
Pas de fumée sans feu
Comme il n’est aucun brasier qui ne se soit allumé à partir d’une étincelle initiale, pour initier un mouvement de foi aussi fort et étendu, ce Jésus de Nazareth, dont on raconte encore les miracles, doit bien « pour vrai » avoir accompli au départ quelque chose d’extraordinaire !
Source: Le Feuillet biblique, no 2423. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Les Philitins - Jérusalem : ville de David (9/9)
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