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L'humanité incontournable du Fils de Dieu
L’évangile de Jean se distingue des évangiles synoptiques de Matthieu, Marc et Luc. Ceux-ci reflètent la prédication apostolique de la première annonce du Christ ressuscité (le kérygme) et la catéchèse qui permettait de vérifier la solidité des enseignements reçus (Luc 1, 1-4). L’évangile de Jean ne reprend pas cette première annonce mais se propose plutôt de livrer un enseignement théologique approfondi sur le mystère du Christ Jésus à des chrétiens qui ont besoin d’être fortifiés dans leur foi, soit parce qu’ils ont été rejetés de la synagogue, soit parce qu’ils sont confrontés à des conflits de doctrine. Dans ce dernier cas, certains membres commencent à mettre en doute l'humanité du Fils de Dieu. Ils ébranlent ainsi les fondements de la foi et sèment la discorde. Selon eux, la chair du Fils de Dieu n'est qu'une apparence. Devant ce danger, Jean réagit en montrant que l'humanité de Jésus est le chemin incontournable pour accéder à la connaissance profonde de la personne du Fils de Dieu.
Il apparaît alors essentiel à l’évangéliste de présenter aux chrétiens une série de témoignages rendus au Fils qui a réellement pris la condition humaine. On voit défiler sous nos yeux Jean Baptiste qui désigne Jésus comme l'Agneau de Dieu; les premiers disciples qui découvrent en Jésus le Messie, le roi d'Israël, celui qui accomplit la Loi et les Prophètes; les Samaritains qui reconnaissent en Jésus le Sauveur du monde; l'aveugle-né qui proclame sa foi au Fils de l'homme; Marthe qui confesse sa foi au Fils de Dieu; Pierre qui, au nom des disciples, déclare que Jésus a les paroles de la vie éternelle. Tous ces témoignages se présentent comme une application de la conclusion de l’évangile : voir les signes accomplis par Jésus, afin de croire en lui et de naître ainsi à la vie d'enfant de Dieu. Le témoin est quelqu'un qui voit Jésus à l'œuvre ou qui écoute sa parole. L'acte du «voir» ne se limite pas au seul contact physique; il implique un effort de discernement et de compréhension, une recherche de sens.
L’humanité de Jésus est l’incarnation du Verbe de Dieu, de sa Parole. C’est l'événement historique par lequel Dieu dit l'intime de son être : Personne n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous conduit à le connaître (1, 18). Jésus, c'est tout le poids que Dieu met pour nous faire connaître le sérieux de son amour pour nous. En tant que Parole de Dieu (en grec, logos tou theou), on pourrait dire de Jésus qu’il est comme le théologien ou l’exégète du Père, —le mot «théologien» étant formé des deux mêmes mots grecs. Jésus communique aux êtres humains sa propre expérience de Dieu, pour que leur vie s’inscrive dans un dialogue avec le Père jusqu’à la pleine communion avec lui. Au moment de quitter ses disciples, Jésus résume sa mission terrestre dans cette prière au Père: Je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donné à faire. [...] J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu m'as donnés au milieu du monde. [...] Ils savent maintenant que tout ce que tu m'as donné vient de toi, que les paroles que je leur ai données sont celles que tu m'as données. Ils les ont reçues, ils ont véritablement connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m'as envoyé (Jean 17, 4-8).
En affirmant que le Verbe a établi sa demeure parmi nous, Jean présente d'abord Jésus comme un homme de terrain. De nombreux passages de l'évangile montrent Jésus en contact immédiat avec des personnes provenant de milieux et de conditions variés. Jésus les rencontre dans leur situation de vie. Il se montre attentif aux événements qu'elles vivent et aux questions qu'elles se posent. Cette présence toute attentive est cependant intéressée: Jésus veut faire passer ces personnes sur son propre terrain, là où lui demeure, c'est-à-dire dans son intimité avec le Père. Nul ne peut rester indifférent devant une présence aussi révélatrice. Une réponse s’impose : les uns entreront dans la foi, d’autres non.
Source: Le Feuillet biblique, no 2316. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Chronique précédente :
L'Évangile selon saint Jean - Des signes pour vivre en plénitude (5/8)
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