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2e série - L'Évangile selon saint Matthieu (6/7)
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L'originalité au fil des pagesQuand on lit Matthieu, on a souvent une impression de « déjà lu ailleurs ». Le texte semble offrir beaucoup de ressemblances avec les autres évangiles « synoptiques », soit Marc et Luc. Vague impression ou fait vérifiable? Les statistiques confirment l’abondance des ressemblances. En effet, sur 1071 versets que compte cet évangile, 330 versets sont communs à Matthieu, Marc, Luc; 178 versets sont communs à Matthieu et Marc; 230 versets sont communs à Matthieu et Luc. En fait, 333 versets seulement sont propres à Matthieu. Ces chiffres confirment ce que nous avons appris dans des articles précédents : l’originalité de Matthieu ne réside pas dans son seul contenu, mais aussi dans les procédés de réflexion et d’écriture. Apprendre à vivre en ÉgliseFacile à mémoriser par ses regroupements numériques, ses répétitions structurelles et la clarté de l’organisation du texte, son penchant pour les images fortes lui confère depuis toujours une priorité comme instrument pour l’enseignement de l’Église. L’évangile proclamé lors de la l’Année A offre des contenus bien arrimés à la vie de l’Église naissante. Les spécialistes affirment qu’il s’agit là d’une contribution originale au développement de l’ecclésiologie. Par exemple, le fameux « sermon sur la montage » (aux chapitres 5-7) décrit les changements de perspectives vécus par les membres de l’Église. Pour eux, le bonheur est accessible dans des situations en apparence peu glorieuses (les « cœurs de pauvre », la tristesse, la pureté du cœur, le pacifisme, le témoignage exigeant). Ces chapitres offrent la prière du Notre Père dans la formulation qui nous est devenue familière. Un autre ingrédient pertinent pour la gouverne de l’Église est l’affirmation de la primauté de Pierre (16, 18) et les abondantes consignes pour la vie de l’Église qui est devenue la communauté du nouvel Israël. Enfin, les consignes pour la mission au-delà des frontières du peuple d’Israël conviennent bien aux enjeux d’une Église naissante. Faut-il se refermer sur son jeune patrimoine ou prendre le risque de s’ouvrir? On connaît la réponse dynamique de l’évangile et ses conséquences qui nous concernent jusqu’ici! Une finale percutanteMême la finale de l’évangile se démarque des autres évangiles. Bien sûr, elle offre une continuité avec les contenus des premiers chapitres. Mais elle clôt le récit en ajoutant des données d’importance cruciale pour la vie de l’Église. Après le récit du complot destiné à étouffer la nouvelle de la résurrection, Matthieu 28, 16-20 raconte la dernière rencontre des onze disciples avec Jésus. Ils le voient à la montagne où il leur a donné rendez-vous. Les uns se prosternent, mais certains doutent. Le texte se clôt sur les paroles de Jésus. Peu étonnant, au terme d’un récit qui présente Jésus comme un enseignant supérieur à Moïse. Jésus évoque le pouvoir reçu sur le ciel et sur la terre. Abolissant les frontières, il envoie baptiser toutes les nations. Il incite à leur apprendre à observer ce qu’il a prescrit. En fait, Jésus n’a aboli aucun commandement; au contraire, il les déploie. Et il affirme sa présence avec eux jusqu’à la fin du monde, comme jadis Dieu avait rassuré son peuple au désert après la sortie d’Égypte. D’autres originalitésLes deux premiers chapitres entendent démontrer que les implications de l’histoire ancienne sont maintenant accomplies. Comme son homologue de l’Exode, le Joseph de Matthieu est un rêveur. Le messager de Dieu lui parle comme jadis à Abraham (Genèse 17, 19). Les petits juifs tués par Hérode rappellent les petits hébreux massacrés par Pharaon (Exode 1, 22). Comme Moïse fuyant son peuple (Exode 4), Jésus doit être d’urgence déplacé en sécurité. Par cinq fois en deux chapitres, Matthieu insiste sur l’accomplissement des Écritures ainsi réalisé. Et lorsque Jésus entre en triomphe à Jérusalem, Matthieu combine l’expression « Hosanna » (« Dieu, sauve! ») à « Fils de David ». Cela ajoute une connotation messianique absente des autres évangiles. La ville en est troublée, y compris les prêtres et les scribes, comme dans le Psaume 118 (119), 23. L’épisode du Temple suscitera l’étincelle qui déclenchera les foudres du pouvoir, sans que Jésus ne soit pour autant anéanti. En lui, c’est Dieu qui mène!
Source: Le Feuillet biblique, no 2278. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal. Chronique précédente :
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