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2e série - L'Évangile selon saint Matthieu (1/7)
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Un évangile important, cette année comme toujours!Nous vous présentons dans la chronique « Découverte », une seconce série consacrée à l'Évangile selon saint Mathieu, cette fois rédigée par l'abbé Alain Faucher, professeur d'Écriture Sainte à l'Université Laval. Les deux premiers articles reprendront quelques points abordés dans la première série, permettant de se rafraîchir la mémoire. Les lectrices et les lecteurs du Feuillet biblique savent que chaque année du Lectionnaire met en valeur un évangile différent. L'année B montre Jésus en lutte contre les forces du mal, selon le thème cher à l'Évangile selon Marc. L'année C traduit la tendresse et la miséricorde de Dieu manifestées en Jésus, selon la manière de raconter propre à l'Évangile selon Luc. Le quatrième évangile, l’Évangile selon Jean, s’insère ici et là au fil des trois années. Le Carême 2011 en a fourni un bon exemple. Pourquoi le quatrième évangile n’est-il pas proposé comme évangile-phare d’une année particulière? Simplement parce que sa structure littéraire, élaborée en quelques longs épisodes, se prête moins à la division en brèves sections comme chez Marc, Luc et Matthieu. Dans les prochaines parutions, nous allons explorer le long évangile proclamé cette année, l’Évangile selon Matthieu. « L’année Matthieu » est poétiquement désignée comme l’« Année A ». Cet amalgame n’est probablement pas inconscient! Cela reflète la position privilégiée de l’évangile dans le Nouveau Testament : l’Évangile selon Matthieu est « le premier du bord ». Non pas qu’il ait été composé en premier! Les études scientifiques démontrent que Marc serait le plus ancien des évangiles. La prépondérance de Matthieu semble surtout méritée par l’utilité de son contenu. C’est l’évangile qui a fourni une charte de vie détaillée aux membres de la jeune Église. C’est aussi l’évangile qui associe la personne de Jésus au grand libérateur du peuple hébreu, Moïse. Comme Moïse, Jésus transmet le message de Dieu depuis une montagne… Populaire depuis toujoursCes caractéristiques du texte aident à comprendre pourquoi Matthieu fut l’évangile le plus cité dès le début de l’histoire chrétienne. À la fin du premier siècle, Clément de Rome semblait en citer des éléments, ce qui atteste de la diffusion rapide de cet évangile. Dès l’an 150, un très important document, la Didachè, évoque de larges pans de la vie chrétienne en s’inspirant des propos de Matthieu. Et au seuil du deuxième siècle de notre ère, les lettres d’Ignace d’Antioche et de Barnabé y font écho. La place d’honneur dévolue à l’évangile en tête du Nouveau Testament évoque cette diffusion précoce. Elle met aussi en évidence une préconception courante à cette époque. Des Pères de l’Église prenaient pour acquis que l’Évangile selon Matthieu ait été le premier composé. Au bout du compte, ces appréciations positives ont relégué un peu dans l’ombre les trois autres évangiles officiels. Pendant des siècles, Matthieu va pratiquement être le seul fréquenté par le catholique moyen. En vedette pendant quatre sièclesQuand un bon paroissien cite de mémoire un épisode d’évangile, il y a de fortes chances qu’il évoque spontanément un élément de l’Évangile selon Matthieu. Pourquoi? Dans le lectionnaire intégré au Missel du Concile de Trente par le pape Pie V, c’est le seul évangile proclamé en continu à tous les dimanches. De 1570 à la mise en application des normes liturgiques du Concile Vatican II, ce choix restreint a anéanti la diversité des lectionnaires du premier millénaire de l’histoire de l’Église. Il ne faut pas se scandaliser de cette centration. Les besoins pastoraux du temps expliquent la portée stratégique du choix. Au seizième siècle, l’Église cherche une réponse aux défis de la réforme de Luther. Un Concile se réunit dans une ville du nord de l'Italie, Trente. Après des années de cogitations, on donne au pape le mandat de mettre à jour et d'unifier les pratiques concernant la messe. Ainsi naît le Missel de 1570. On y insère une liste de 138 passages bibliques à proclamer chaque année. Pendant des siècles, on va lire surtout l'Évangile selon Matthieu et un texte de l'apôtre Paul. Les gens savaient d’avance ce que monsieur le curé allait dire dans sa prédication de tel ou tel dimanche! Vu la haute estime des Pères de l’Église et sa mise en valeur dans le Missel de Pie V, « Matthieu a servi, deux millénaires durant, de manuel de dévotion, de sources de lectures liturgiques et de récit historique.» (Frank Kermode, Encyclopédie littéraire de la Bible, Bayard 2003, page 491). L’imaginaire populaire chrétien a donc été fortement marqué par la mise en récit de la vie et des paroles de Jésus à la manière de Matthieu.
Source: Le Feuillet biblique, no 2273. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal. Chronique précédente :
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