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Le livre de Tobie (3/7)
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Deux familles juives en terre étrangèreLe livre de Tobie (ou Tobit) raconte, en parallèle, l’infortune de deux juifs dont les familles sont exilées en terre païenne : celle de Tobit, exilée à Ninive (en Assyrie) et celle de Sara, exilée à Ecbatane (en Médie). Les deux sont d’ailleurs des parents éloignés. Le malheur, d’ordre physique, qui affligera Tobit sera de devenir aveugle après avoir reçu de la fiente d’oiseau dans les yeux alors qu’il dormait le long d’un mur extérieur. Je ne savais pas que les moineaux logeaient dans le mur, au-dessus de moi. Leur fiente toute chaude me tomba dans les yeux et y provoqua des taches blanches… et je finis par perdre complètement la vue. (Tb 2 10) Le malheur de Sara, lui, est d’ordre moral. Elle est affligée d’un sort étrange qui la rend veuve avant même de s’unir à son mari. En effet, accordée en mariage déjà à sept reprises, un démon, nommé Asmodée, tue chaque fois son mari, le soir même des noces, avant qu’il n’ait pu s’approcher d’elle. En effet, Sara avait été mariée sept fois, mais chaque fois, l'affreux démon Asmodée avait tué le mari avant même qu'il puisse s'unir à son épouse comme il se doit. (Tb 3,8) Le parallélisme ne s’arrête pas là. Les deux protagonistes viennent de familles juives exemplaires, ils sont donc des gens de bien. Les malheurs qu’ils subissent ne peuvent donc pas être attribués à une punition divine à la suite d’un quelconque péché commis, selon la logique de la rétribution répandue dans le judaïsme de l’Antiquité1. Au contraire, Tobit, juif pieux, s’acquitte de ses devoirs religieux avec une conscience irréprochable. Zélé, il se fait un devoir sacré d’enterrer en cachette ses compatriotes juifs tués par le roi, pour leur offrir une sépulture digne, comme il convient à des fils d’Israël 2. Si j'apercevais le cadavre d'un de mes compatriotes jeté hors des murs de Ninive, je l'enterrais. (Tb 1,17) Enfin je donnais un troisième dixième aux orphelins, aux veuves et aux étrangers convertis à la foi d'Israël… comme la loi de Moïse le prescrit. (Tb 1,8) Quant à Sara, c’est à travers le contenu d’une prière qu’elle adresse au Seigneur : Seigneur, tu sais que je suis pure : aucun homme ne m'a touchée. Je n'ai pas déshonoré mon nom ni celui de mon père dans ce pays où nous sommes exilés (Tb 3,14-15), et le témoignage de l’ange Raphaël à son endroit qu’on saura qu’il s’agit d’une fille juste et donc, innocente du mal qui l’afflige : C'est une jeune fille intelligente, courageuse et très belle. Son père est un homme respectable (Tb 6,12). Continuons à démontrer le parallélisme de leur histoire respective. Les deux affligés sont victimes de moqueries : Tobit, de la part de sa femme Anna : Elle me répliqua : « À quoi t'ont servi tes dons aux pauvres ? et tes bonnes œuvres ? On sait bien ce que cela t'a rapporté ! » (Tb 2, 14) et Sara de la part d’une servante de sa maison : Voici donc ce que la servante dit à Sara : « C'est toi qui tues tes maris. Tu en as déjà eu sept et tu ne portes le nom d'aucun d'entre eux. (Tb 3, 8) La tristesse qu’engendrent ces moqueries les fait se retourner vers le Seigneur et l’on entend la prière émouvante de chacun d’eux, dans laquelle ils vont jusqu’à demander au Seigneur de mettre un terme à leurs jours. La prière de chacun parvient devant la gloire de Dieu simultanément et Dieu décide d’agir en leur faveur : La prière de Tobit et celle de Sara parvinrent auprès du Dieu glorieux, qui les exauça à cet instant même (Tb 3,16) C’est à partir de là que les lignes de leur vie, jusqu’ici parallèles, se courberont pour se rejoindre. En effet, le verset 3,17 vend déjà la mèche sur le dénouement heureux de l’histoire; car la parole de Dieu est efficace, ce qu’il dit se réalise, lui qui peut, de loin, « arranger » le cours des événements pour sauver et guérir ceux qui ont crié vers lui. Le reste des chapitres de Tobie ne sera que la réalisation du programme divin décidé en 3,17 : envoyant son ange Raphaël pour mener la mission salutaire, les jeux de la Providence divine se dérouleront magnifiquement devant nos yeux. ______________________ 1 Idée (d'ailleurs très naturelle à la conscience de l'homme) selon laquelle Dieu récompense ou punit, au cours même de cette vie, selon qu'on agisse pour lui ou contre lui. Les malheurs, maladies, infirmités sont donc vus comme la conséquence d'un péché commis. 2 Selon la tradition biblique, c'est une malédiction de mourir abandonné sans sépulture (voir Dt 21, 22-23; 1 R 14, 11; Jr 16, 4; 25, 33; Ex 29,5), c'est pourquoi l'acte de Tobit d'enterrer ses frères morts est vu comme vertueux (voir 2 S 2, 5; Si 7, 33; 38, 16).
Source: Le Feuillet biblique, no 2232. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.
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