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Le livre de Qohélet (2/5)
 

Fascination et vertige

L’observation de la nature a souvent alimenté, dans l’Antiquité, la réflexion philosophique sur l’ordre du monde. Le thème est habituel et Qohélet n’y échappe pas. Son livre s’ouvre par une réflexion sur la fuite inexorable du temps et le caractère fragile et éphémère, sinon absurde, de l’existence humaine :

5 Le soleil se lève, le soleil se couche ;
il se hâte de retourner à sa place,
et de nouveau il se lèvera.
6 Le vent part vers le midi, il tourne vers le nord ;
il tourne et il tourne,
et il recommence à tournoyer.
7 Tous les fleuves vont à la mer,
et la mer n’est pas remplie ;
dans le sens où vont les fleuves,
les fleuves continuent de couler. (Qo 1, 5-7)

    Dans nos villes hyper éclairées la nuit, on a peine à trouver une étoile. J’exagère un peu, avouons-le. Certes, on peut en trouver une; mais une dizaine, alors là! la tâche sera plus difficile. Imaginez maintenant une constellation, disons celle de votre signe du zodiaque : impossible! Et pourtant, le ciel a sans conteste été le premier sujet d’observation des humains. Je suis fasciné par l’imagination débordante des bergers, --car on prétend que cela vient d’eux--, qui ont identifié un lion, des poissons, un bélier, des jumeaux,… sur l’écran Imax de la voûte céleste. Un spectacle qui revient assidûment tous les soirs par temps clair, qui présente ses vedettes étoilées régulières (les signes du zodiaque) quoiqu’elles se montrent à des positions changeantes selon les saisons. Et il y a les constellations saisonnières comme ce brave guerrier Orion qui nous visite l’hiver. Il n’y a rien de plus stable que le firmament, dirait Qohélet étendu quelque part dans un pré, dans le désert ou sur la terrasse de sa maison, les yeux fixant le ciel. Mais n’ayant pas nos connaissances, il ne pouvait pas savoir que les corps célestes filent dans le cosmos à des vitesses folles les uns par rapport aux autres. Peut-on encore parler de stabilité ? C’est encore beau que les constellations se laissent toujours reconnaître de notre point d’observation terrestre qui lui aussi est lancé à grande vitesse vers un ailleurs inconnu. Fascinant et vertigineux!

    La régularité des mouvements célestes révèle la stabilité du cosmos en même temps qu’elle fait apparaître en contraste la précarité de l’existence humaine. L’être humain ne fait que passer. À bien y penser, il n’y a de régularité que la naissance et la mort :

3 Quel profit l’homme retire-t-il
de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ?
4 Une génération s’en va, une génération s’en vient,
et la terre subsiste toujours.

    L’existence de l’homme, dans l’Antiquité, était étroitement liée à la nature. Les découvertes scientifiques, les avancées de la médecine, les progrès technologiques, le développement prodigieux du savoir humain nous ont permis, principalement au cours des deux derniers siècles, d’acquérir une plus grande maîtrise des conditions de vie de l’humanité. Mais la nature finit toujours par nous rattraper et nous rappeler qu’elle a toujours le dernier mot. Les changements climatiques, par exemple, et parfois un séisme destructeur, nous rappellent le caractère éphémère des œuvres de nos mains et la fragilité de la vie :

2 Vanité des vanités, disait Qohéleth.
Vanité des vanités, tout est vanité !

 

Quel profit l’homme retire-t-il
     de toute la peine qu’il se donne sous le soleil?

    Si le cosmos est présenté dans une coloration négative, qu’en est-il de son Créateur? N’aurait-il pas pu créer un monde meilleur?

    Un théologien peut alors vouloir souligner haut et fort qu’il n’y a rien à reprocher au Créateur. En ce sens, une clé de lecture est placée, en Qohélet 1, 3, précédant ainsi tout discours sur la Création. « Sous le soleil », précise ce verset. Selon cet avertissement initial, il convient de distinguer ce qui concerne Dieu (dans le ciel, pour ainsi dire « sur » le soleil) de ce qui concerne le monde « sous le soleil », donc sur terre, l’espace de l’homme. Ce n’est que dans cette perspective de la vie humaine que l’existence peut apparaître comme une peine, s’épuisant dans des efforts interminables et infructueux. Un fossé se creuse entre ce que les hommes aspirent à réaliser et ce qu’ils accomplissent réellement. L’aspect de « peine » ne concerne pas, d’après le rédacteur, l’éternel mouvement dans la création, mais les vaines tentatives de le saisir et de le comprendre.

(Martin Rose, « Qohélet ou la vie malgré tout », Biblia 42 (2005), p. 13).

 

Yves Guillemette, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2226. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Le livre de Qohélet - Introduction

 

 

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