Connaissances de base (1/6)

La grande bibliothèque de la Bible

Je vous propose une nouvelle chronique intitulée « Exploration » qui vous permettra de découvrir la Bible en sortant des sentiers battus. En effet, les connaissances bibliques d’une majorité de personnes se limitent au Nouveau Testament, et plus particulièrement aux évangiles dont nous lisons des extraits chaque dimanche. Quant à l’Ancien Testament, il est trop souvent méconnu ou considéré comme dépassé. Et pourtant, la Bible est beaucoup plus que les évangiles ou quelques textes populaires de l’Ancien Testament. C’est pourquoi nous accorderons à ce dernier la part du lion.

Je vous invite donc à vous laisser conduire dans cette aventure biblique par une équipe de biblistes qui vous feront découvrir des livres ou des portions de livres qui apparaissent peu ou pas du tout dans le Lectionnaire dominical. Je vous souhaite donc une bonne route. Mais auparavant, permettez-moi de vous rappeler quelques connaissances à mettre dans votre « sac à dos ».

Combien y a-t-il de livres dans la Bible? La question laisse deviner que la Bible n’est pas un seul et unique livre, mais plutôt une bibliothèque. De plus cette bibliothèque ne contient pas le même nombre de livres, tout dépendant de la tradition religieuse à laquelle on appartient. La Bible des catholiques comprend 73 livres, celle des protestants en compte 66 et la Bible hébraïque se limite à 39 livres.

Comment explique-t-on cette différence? On aura facilement saisi que la Bible hébraïque correspond à notre Ancien Testament et que les chrétiens ont en propre le Nouveau Testament qui compte 27 livres. On obtient alors un total de 66 livres pour la Bible des chrétiens. Mais on se rend compte qu’il y a divergence entre les bibles catholiques et protestantes autour de sept livres. Ce sont les livres de Tobie, Judith, Baruch, Sagesse, Siracide et 1 et 2 Maccabées (ou Martyrs d’Israël). On y ajoute aussi les sections grecques de Daniel et Esther. Ces livres ont en commun d’avoir été écrits en grec, d’appartenir à la Bible des Juifs d’Alexandrie appelée Septante (LXX) et de ne pas avoir été reconnus par le judaïsme officiel de Jérusalem. Cette version grecque de la Bible a été adoptée dès le 1er siècle par les chrétiens car elle était accessible à tous les citoyens du monde gréco-romain; elle est restée en usage, dans sa version latine (la Vulgate de saint Jérôme), jusqu’à la Réforme protestante. C’est à ce moment que les protestants ont aligné leur Ancien Testament sur la Bible hébraïque et ont donné le nom de «deutérocanoniques» (ou second canon) aux sept livres qu’ils ont mis de côté, mais que les catholiques ont conservés. On se retrouve donc avec 73 livres pour les catholiques et 66 pour les protestants.

�� Nous avons là une indication de l’évolution que la Bible a connue au cours des siècles. On se rend compte qu’elle n’est pas un livre unique rédigé par un auteur unique à une date précise de l’histoire, comme si un écrivain s’était assis à sa table de travail pour produire un ouvrage digne des grandes encyclopédies. On peut dire que l’ensemble des livres qui composent la Grande Bibliothèque biblique est une œuvre collective.

Même si l’on affirme que Dieu est l’auteur des Écritures, on ne peut nier le travail des écrivains, la plupart inconnus, qui ont mis leurs talents à conserver les signes de l’agir de Dieu que des communautés de croyants avaient reconnus dans leur histoire et qu’ils se transmettaient par la tradition orale. La « bibliothèque biblique » a ainsi grandi avec le peuple de Dieu qui, d’une génération à l’autre et guidé par l’Esprit de Dieu, a toujours cru nécessaire de comprendre le sens des événements et de chercher la continuité de la présence active de Dieu dans les événements de l’histoire.

Cette Grande Bibliothèque est un trésor dans lequel nous pouvons puiser à pleines mains. Que l’on s’intéresse à l’histoire universelle, à l’archéologie, au progrès de la pensée humaine, au développement de la vie en société; que l’on soit à la recherche d’un sens à donner à sa vie; que l’on désire nourrir sa foi et approfondir sa vie spirituelle, la Bible apparaît comme un incontournable. On y rencontrera certes des connaissances scientifiques dépassées et certaines inexactitudes historiques. Mais ne la jugeons pas en fonction de nos connaissances actuelles. La vérité biblique est autre : elle concerne au contraire la solidité de la révélation de Dieu sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour trouver le sens de notre existence. Cette quête de sens est universelle, elle habite les humains de toutes cultures, elle traverse les lieux et les époques. Cette quête est à refaire par chaque personne et chacune peut trouver dans la Bible le témoignage de croyants qui ont reconnu Dieu qui les accompagnait sur la route de la vie.

Yves Guillemette

Source: Le Feuillet biblique, no 2194. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.