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chronique du 13 décembre 2013
 

Une « sainte » famille?

La sainte famille

La sainte famille
Reynaud Levieux (1613–1699)
Huile sur toile, 1651
Musée Pierre-de-Luxembourg

On transmet une image parfaite de la famille de Jésus. Tous les tableaux de maîtres ont cherché à rendre la tendresse qui devait régner entre Marie, Joseph et Jésus. Pourtant, certains passages des évangiles présentent une image bien différente de la famille de Jésus : elle veut le ramener à la maison puisqu’elle croit qu’il a perdu la tête.

     Voici la première fois que l’Évangile de Marc parle de la famille de Jésus :

Jésus vient à la maison, et de nouveau la foule se rassemble, à tel point qu’ils ne pouvaient même pas prendre leur repas. À cette nouvelle, les gens de sa parenté vinrent pour s’emparer de lui. Car ils disaient : « Il a perdu la tête. » […] Arrivent sa mère et ses frères. Restant dehors, ils le firent appeler. La foule était assise autour de lui. On lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont dehors; ils te cherchent. » Il leur répond : « Qui sont ma mère et mes frères? » Et, parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. » (Marc 3, 20-21.31-35)

     Dans cet extrait, la famille n’est pas tendre à l’égard de Jésus : elle lui dit qu’il a perdu la tête! Elle veut le ramener à la maison pour qu’il cesse de parler et d’agir comme il le fait. Avez-vous remarqué le verbe qui traduit l’action de la famille de Jésus, au début du récit? Elle veut s’emparer de Jésus : kratesai, en grec. On peut traduire ce mot par : « saisir », « mettre la main sur » ou « arrêter ». Le même mot sera utilisé pour parler de l’arrestation de Jésus. Ce détail indique que la famille de Jésus joue dans ce récit le même rôle que les autorités romaines et juives, plus tard. Nous voilà bien loin de la Sainte famille!

     La réponse de Jésus à l’interpellation de sa famille manifeste que non seulement il prend ses distances par rapport à elle, mais qu’il se constitue une autre famille. Le critère pour appartenir à cette nouvelle famille est de faire la volonté de Dieu. Une nouvelle fraternité est en train de se construire autour de Jésus, basée non plus sur les liens de sang, mais sur l’écoute de sa parole et le désir de faire la volonté de Dieu.

Une deuxième histoire de famille

     Un peu plus loin dans l’évangile de Marc un autre passage traite de l’attitude de la famille de Jésus.

Jésus partit de là. Il vient dans sa patrie et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Frappés d’étonnement, de nombreux auditeurs disaient : « D’où cela lui vient-il? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, si bien que même des miracles se font par ses mains? N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous? » Et il était pour eux une occasion de chute.

Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. » Et il ne pouvait faire là aucun miracle; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas. Il parcourait les villages des environs en enseignant. (Marc 6,1-6)

     « Nul n’est prophète en son pays » est un proverbe encore utilisé aujourd’hui. Mais, on semble avoir oublié la deuxième partie de la phrase qui souligne que Jésus n’est pas prophète dans sa parenté et dans sa maison.

     Les difficultés de relation entre Jésus et sa famille apparaissent aussi dans les autres évangiles : Matthieu 12,46-50 et 13,53-58; Luc 8,19-20 et 4,16-24 et Jean 7,1-10. Ce fait montre que le climat tendu entre Jésus et sa famille doit bien avoir un enracinement historique.

La conversion de la famille de Jésus

     Les extraits des Actes des Apôtres, des lettres de Paul et du livre de Flavius Josèphe montrent que les frères de Jésus agissaient d’une manière très différente après sa mort-résurrection. Si les évangiles parlent de leurs pressions pour le faire taire, les autres textes nous apprennent qu’ils sont au cœur des premières communautés chrétiennes. Jacques, le frère de Jésus, était responsable de la communauté de Jérusalem. On peut donc penser qu’il y a eu un retournement, une conversion de la famille de Jésus.

Sébastien Doane

Lire aussi :
Portrait de famille (Rodolfo Felices Luna)

Texte complet dans :
Mais d’où vient la femme de Caïn. Les récits insolites de la Bible
Sébastien Doane, Montréal, Novalis ; Paris, Médiaspaul, 2010.

Article précédent :
Un miracle de Jésus qui ne fonctionne pas (Marc 8, 22-26)