chronique du 8 avril 2008
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Dieu d'Abraham La ligature d'Isaac (Genèse 22, 1-19) Accueillir la Parole Dans les prochaines chroniques, je vous proposerai deux récits de l'époque des Patriarches. Ils sont plutôt difficiles, mais essentiel pour accueillir le Dieu vivant.
Dans la première chronique de cette série (Dieu et ses fausses images), je vous confiais la lutte que je mène pour débusquer les fausses images de Dieu qui mhabitent afin de me mettre à lécoute du Dieu vivant. Dans ce récit, jy reconnais ma lutte spirituelle et je vous en donne une interprétation, peut-être nouvelle, mais assurément non traditionnelle. Ce récit est présent dans les trois grandes traditions monothéistes. Malgré de légères différences, le Coran et la version biblique de ce récit fondateur ont donné lieu à une interprétation traditionnelle qui est la même partout. Elle accrédite lidée que Dieu demande quon lui sacrifie tout, même lêtre le plus cher, le plus précieux. Abraham, nécoutant que son dévouement et sa foi en Dieu, se dit prêt à sacrifier son fils pour Lui. Cette interprétation appelle de nombreuses et douloureuses questions. Comment Dieu peut-il demander à Abraham de sacrifier son « fils, son unique, celui quil aime », tout simplement en vue déprouver sa foi ? Pour mettre Abraham à lépreuve, Dieu ne pouvait-il pas exiger autre chose ? Que faut-il penser dun tel Dieu ? Et que faut-il penser dAbraham se prêtant à un infanticide pour obéir à Dieu ? Nenfreint-il pas lordre formel de ne pas commettre de meurtre (Exode 20,13), opposant ainsi Dieu à Dieu ? Bref, ce récit est difficile à entendre, à moins quAbraham ait mal compris lordre divin. Quand on considère lensemble des épisodes du cycle dAbraham, on saperçoit que nombre dentre eux présentent Abraham comme étant à lorigine dune descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et la poussière de la terre : Abraham est source de vie surabondante. Il est aussi et surtout celui qui protège la vie. Voilà que, lorsque Yahvé lui demande de sacrifier son fils, il obéit sans la moindre hésitation. Quel paradoxe ! La Bible de Jérusalem, à la note f, de Genèse 22, 2, indique que la tradition a identifié le pays de Moriyya, où Yahvé envoie Abraham, à la colline où sélèvera le temple de Jérusalem. Or la même édition de la Bible nous apprend que le rite cananéen des sacrifices denfants sétait introduit en Israël et quil était pratiqué dans la vallée de la Géhenne (note h, de Lévitique 18, 21). Si lon tient compte de cela, lépisode du sacrifice dIsaac prend une tout autre dimension et signification. Le premier ordre de Yahvé nest probablement rien dautre quune référence à la terrible coutume qui contraint les pères à brûler leur premier-né. La suite du récit montre quAbraham nimmolera pas son fils à un dieu tribal et jaloux. Quelle dure lutte fut la sienne ! Quels déchirements pour arriver à reconnaître le Dieu vivant !... au-delà de sa tribu, de sa culture, de la religion de son temps Selon une ancienne tradition, suivie par la psychanalyste Marie Balmary (Le sacrifice interdit. Freud et la Bible, Paris, 1998, Livre de poche), Dieu ne demande pas « dimmoler » et de « sacrifier » - comme le comprend Abraham - mais de le « faire monter » (signification littérale du verbe hébreux), cest-à-dire de lélever vers le ciel, de le consacrer à Dieu. Du coup, le sens du récit séclaire : Dieu nest pas un Dieu meurtrier, mais le Dieu qui sauve. Linterprétation psychanalytique avance lidée que ce récit présente un Dieu qui, pour faire comprendre à Abraham quil fait erreur sur la volonté divine, se comporte avec lui comme un « pédagogue ». Si, dans un premier temps, Dieu accepte dêtre pris pour un Dieu idole, cest pour mieux se révéler comme un Dieu libérateur. Car, en arrêtant le sacrifice, Il libère Abraham, non seulement dans sa relation à son Dieu mais aussi dans sa relation à ce fils qui lui a été donné dans la mouvance de lAlliance. Le Dieu qui semblait contraindre Abraham à sacrifier Isaac, cest, à lévidence, le Dieu de la violence, celui de la tradition et de presque toutes les cultures anciennes, alors que le Dieu qui lui fait délier Isaac, cest le Dieu des victimes, celui qui sexprime au cur des hommes libérés des lois tribales.
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