INTERBIBLE
À la découverte du monde biblique

comprendre la biblearchéologiegroupes bibliquesinsolite

off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Comprendre la Bible
  image
Imprimer
chronique du 24 mai 2013
 

Cet Esprit qui envoie !

La Pentecôte

Jean II Restout
La Pentecôte, 1732


Les premiers chrétiens ont traduit en images leur perception des œuvres de l'Esprit. Si le vocabulaire n'est plus le même, son action est tout aussi efficace. Elle permet de déborder les frontières et de perpétuer les œuvres vivifiantes du Christ.

     Les Actes des Apôtres ou les Actes de l'Esprit? À ce « journal » des débuts du christianisme, le second titre conviendrait mieux que le premier, observent certains auteurs. Ce livre l'emporte sur tous les écrits du Nouveau Testament quant à la place accordée aux œuvres de l'Esprit en fonction de la mission chrétienne. En retrancher les passages sur le sujet, ce serait un peu lui retirer son squelette.

Jésus et l'Esprit

     Mais pour bien comprendre son action auprès des chrétiens, il importe d'abord d'observer le rapport de l'Esprit à Jésus. Voyons comment, dès les débuts de la vie et de la mission de Jésus, l'Esprit entre en relation avec lui. Selon Matthieu (1,18-25) et Luc (1,26-38), l'Esprit intervient dès la conception de Jésus pour bien signifier le choix de Dieu à son égard. Lors de son baptême (Mt 3,16; Mc 1,10; Lc 3,22), l'Esprit descend sur lui au moment même où la voix du ciel le désigne comme l'Élu de Dieu que l'on doit écouter; une façon de dire que l'Esprit de Dieu se porte garant du ministère de Jésus. Aussitôt après, l'Esprit envoie Jésus au désert (Mt 4,1; Mc 1,12; Lc 4,1); une indication de la force qui permettra à Jésus de vaincre Satan.

     Après l'épreuve du désert, il revient en Galilée « avec la puissance de l'Esprit » (Lc 4,14) pour commencer son ministère. D'ailleurs, le Jésus de Luc recourt aux paroles d'Isaïe (61,1) pour dire clairement que l'Esprit inspire sa mission : « L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs, la libération et aux aveugles, le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil pour le Seigneur ». Selon les Évangiles dits synoptiques [1], l'Esprit est cette force qui confère un pouvoir d'action et qui envoie en mission.

     Les synoptiques présentent les débuts de la vie publique de Jésus de façon à mettre en lumière la puissance - celle de l'Esprit - qui agira en lui tout au long de son ministère. Au delà de cette période inaugurale, on n'entendra plus parler de l'action de l'Esprit en rapport avec la mission de Jésus. Il fallait donc, dès le départ, montrer que les paroles et les gestes de Jésus porteraient le sceau de l'approbation divine.

L'Esprit, souffle de Dieu

     En quels termes peut-on alors décrire cette force qui a soutenu Jésus dans sa mission? Le thème de l'Esprit, relié à celui de la mission de Jésus, loin d'être une nouveauté, reprend une façon bien biblique de parler de la force de Dieu à l'œuvre dans le monde.

     Pour illustrer la puissance de Dieu, le peuple de la Bible s'est tourné vers les éléments de la nature. La métaphore du vent s'est alors imposée à son imaginaire. On sait que rien ne résiste au vent violent. Ainsi en est-il du souffle de Dieu au sein de sa création. Rappelons que le mot souffle ou vent se dit rouah en hébreu, pneuma en grec et spiritus en latin. Le mot esprit, que la tradition a en quelque sorte consacré, vient donc du latin.

     Le peuple de la Bible a, par ailleurs, reconnu un autre rôle au souffle de Dieu : celui de principe de toute vie. Ainsi dira-t-on d'une personne vivante qu'elle a en elle le souffle de Dieu. Quand elle meurt, Dieu lui retire ce souffle. Dans le langage biblique, le souffle de Dieu est à la fois principe de vie et force d'action. Mais dans les deux cas, il s'agit d'une propriété ou d'une qualité de Dieu et non d'une entité distincte de Dieu.

L'Esprit, souffle de Jésus

     Très tôt après la crucifixion de Jésus, les disciples ont éprouvé sa présence et l'efficacité de son action au sein de la communauté. Ils ont alors traduit leur expérience dans la cohérence de leur tradition de foi. Si Jésus était vivant, si la mort n'avait plus d'emprise sur lui, c'était que Dieu avait mis en lui, de façon définitive, son souffle de vie. Voyant avec quelle force il dirige la communauté chrétienne, les disciples en déduisent que Dieu a transmis à Jésus son propre pouvoir d'action en lui donnant son souffle (Ac 2,32-33).

     Les chrétiens ont fortement ressenti cette influence du Christ sur la communauté. Ils en ont conclu que le Christ lui-même avait « soufflé » sur la communauté. Le pittoresque récit de la Pentecôte en Ac 2,1-13 illustre bien cette conviction. En fait, le recours à l'Esprit devient, pour les premiers chrétiens, la manière de se référer à l'indéniable présence de Jésus, Christ, devenu invisible à des yeux de chair. Par la suite, on attribuera à l'Esprit la responsabilité de l'expansion fulgurante de l’Église dans tout l’empire romain.

     L'Esprit du Christ devient à la fois décideur des orientations de la communauté et partenaire de ses décisions. Les exemples tirés des Actes des Apôtres sont, à cet égard, multiples.

     L'effusion de l'Esprit à la Pentecôte a transformé les disciples. La veille, ces hommes ont renié Jésus. Maintenant, ils bravent les autorités. Ils prennent la parole et leur prédication produit des fruits tout à fait inattendus (voir Ac 2,47). De même, l'Esprit supporte les premiers disciples, Étienne, par exemple, de telle sorte que les adversaires « sont incapables de s'opposer à (sa) sagesse et à celle de l'Esprit» (Ac 6,10). C'est encore l'Esprit qui commande à Philippe de rejoindre le char de cet Éthiopien qu'il désire évangéliser (Ac 8,29) et baptiser (Ac 8,39). La mission accomplie, d'ajouter Luc, « l'Esprit du Seigneur emporta Philippe (qui) se retrouva à Azot et de là, annonçant au passage la Bonne Nouvelle dans toutes les villes, (...) se rendit à Césarée » (Ac 8,39-40).

     Dans ces deux exemples l'Esprit agit à la fois comme collaborateur et comme maître de la mission. Pour les disciples et pour Étienne, il s'agit de la mission en Palestine; pour Philippe, il s'agit de celle qui s'ouvre au delà des frontières de la Judée. L'exemple le plus flagrant des initiatives missionnaires de l'Esprit demeure cependant celui de l'ouverture de l'Église aux païens par l'intermédiaire de Pierre. En effet, contre le gré de Pierre, l'Esprit l'envoie chez Corneille (Ac 10,19-20) et décide que toute la maisonnée de ce païen sera baptisée (Ac 10,44-48). L'Esprit ne fait donc pas acception du statut des personnes.

     Au cœur de la mission de Paul, c'est encore l'Esprit qui ordonne à la communauté de le réserver, lui et Barnabas, pour la grande entreprise qui les attend (Ac 13,2). Aussi, l'Esprit forcera-t-il Paul à évangéliser la Galatie (Ac 16,7-8). En fait, toute l'œuvre missionnaire du livre des Actes est à porter au crédit de l'Esprit.

[1] « Les trois premiers évangiles (Matthieu, Marc et Luc) sont dits synoptiques parce qu'ils présentent, sur une trame commune, de nombreuses divergences et ressemblances. » (Xavier Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Seuil (Livre de vie, 131), 1975).

Source : Parabole, novembre-décembre 1997, p. 9-10.

Odette Mainville

 

Article précédent :
« Tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Église »