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Comprendre la Bible
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chronique du 12 avril 2013
 

« Tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Église »

Les patriarches Abraham (au centre), Isaac et Jacob

Guido Reni
Saint Pierre, 1634
Huile sur toile, 76 x 61 cm
Museo del Prado, Madrid, Espagne


QuestionComment comprendre que Jésus dit à Pierre qu'il bâtira son Église (Mt 16)? Puisque l'Église n'existait pas encore, à quoi réfère le mot « Église » lorsqu'il est dit par Jésus? (Jean-Edely)

RéponseExcellente question! Le mot utilisé par Matthieu et que l’on traduit par « Église » est le terme grec ekklésia qui signifie « assemblée ». Si ce mot est abondamment utilisé dans le Nouveau Testament, pour désigner la communauté nouvelle vivant du Christ ressuscité, il est curieusement presqu’absent des évangiles ; en fait, il n’y apparaît qu’une seule fois, en l’occurrence, ici, en Mt 16,18. Toutefois, le mot ekklésia est largement répandu dans la version grecque  de l’Ancien Testament pour traduire le mot hébreu qâhâl désignant tantôt une assemblée quelconque, tantôt l’assemblée composée de l’ensemble du peuple d’Israël ou encore, une assemblée religieuse.

     La question est de savoir si Jésus de Nazareth avait prévu la fondation de l’Église qui suivrait sa mort-résurrection tel que semble le faire croire Mt 16,17-19 ou si Matthieu ne fait pas remonter fictivement cette fondation au Jésus historique en mettant dans la bouche de Jésus ces paroles fondatrices d’une réalité contemporaine à l’évangéliste, paroles par ailleurs absentes des autres évangiles? Car l’évangile de Matthieu est composé quelques décennies après l’évènement mort-résurrection du Christ. L’Église existe déjà et le but de Matthieu par ces versets (Mt 16,17-19) est clairement d’inscrire la communauté ecclésiale à laquelle il adresse son évangile dans la fidélité de la foi de Simon-Pierre. Aussi, peut-il très bien mettre sur les lèvres de Jésus, dans un but d’édification de sa communauté, des paroles que le Jésus historique n’a peut-être pas prononcées telles quelles. Cela est possible.

     Toutefois, il serait surprenant que Jésus, étant donné ses origines juives, n’ait pas cru en l’établissement d’une certaine « assemblée » messianique définitive se substituant à la qâhâl de la première alliance. Plusieurs prophètes de l’Ancien Testament (Amos, Osée, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Sophonie), constatant l’infidélité constante du peuple à l’égard de l’observance de la Loi, s’étaient mis à prophétiser l’établissement d’un petit reste, d’une « assemblée » religieuse renouvelée, observant une loi plus intérieure. La communauté de Qumrân, contemporaine à Jésus, se voyait d’ailleurs déjà comme cette ekklésia de la nouvelle alliance en attente du Messie. Si Jésus avait conscience d’être ce Messie promis à Israël, comme le laisse entendre Mt 16,16, sa foi et son espérance juives devaient le mener naturellement à croire à une ekklésia qui lui survivrait. Les paroles de Jésus à la dernière Cène, autant dans la tradition synoptique et dans celle de Jean, ne vont-elles en ce sens?

Patrice Bergeron

 

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Les patriarches et l’histoire