chronique du 26 juin 2009 |
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L'arbre de la Genèse et la sexualitéLe jardin d'Éden J'aimerais connaître la signification de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Certains disent que c'est le rapport sexuel. Est-ce vrai ? (Kouame) Si l’on veut comprendre la signification de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal », il faut retrouver le texte du livre de la Genèse qui en parle (Gn 2,16-3,8). Il fait partie des grands récits de la Genèse qui racontent – sous la forme de récits mythiques – les origines du monde et de l’homme. C’est un genre littéraire particulier, que l’on retrouve dans d’autres cultures de l’époque (VIe siècle av. J-C), qui offrent au lecteur des réponses aux grandes questions existentielles qui se posent depuis toujours à l’humanité, sous toutes les latitudes : D’où venons-nous? Qui est-ce qui est l’origine du monde qui nous entoure? D’où vient le mal, la difficulté à se comprendre, la violence qui se déchaîne si souvent entre les humains? Pourquoi la relation homme/femme est-elle, certains jours, si difficile à vivre? Les grands récits scientifiques d’aujourd’hui ont repris pour une grande part de ces questions et nous fournissent des explications passionnantes sur l’origine du monde et les lents processus qui sont à l’origine de la vie et de la diversité des espèces. Personnellement je fais confiance au scientifique lorsqu’il décrit la lente hominisation de l’homme, mais je reste frappé par son refus d’y voir un sens autre que celui du Hasard et la Nécessité. Quand je lis la Bible, je découvre, au travers des grands récits des origines, une réponse qui éclaire le sens de ma présence au monde, une réponse qui garde une étonnante actualité, pour autant que je les lise avec les instruments que nous possédons aujourd’hui pour décrypter le message que nous adressent ces récits. Celui qui désire approfondir la question, d’un point de vue psychanalytique, peut lire le très beau livre de Marie Balmary : La divine Origine, éditions Grasset 1993. Le regard de cette psychanalyste sur ces vieux récits en montre bien l’étonnante actualité. Ceci dit, nous pouvons reprendre la question posée au départ et tenter d’y apporter une réponse la plus claire possible, en procédant par étapes. Lorsqu’il crée l’être humain (homme et femme), Dieu le place devant un interditOn trouve ce récit au chapitre 2 de la Genèse, dans le deuxième récit de la création. Après avoir façonné l’humain avec la glaise du sol, Dieu met en lui une haleine de vie. Puis, il le place dans « le jardin d’Éden » où il trouvera tout ce qui lui est nécessaire pour vivre. Mais Dieu ajoute une condition à ce bonheur : le respect d’un interdit.
Dans la suite immédiate de ce verset donné, notons-le bien, à « l’adam » - qui signifie le glaiseux mâle et femelle - vient un acte nouveau qui crée une situation nouvelle. Lisons la suite du récit :
Ce texte met en place divers éléments qui me semblent essentiels dans toute existence humaine. Il ne suffit pas d’être « homme mâle ou femelle », ce qui est le propre de l’existence animale. L’être humain doit naître à son identité propre dans la reconnaissance de son vis-à-vis différent et pourtant semblable. On le découvre dans la première parole humaine. C’est un cri de reconnaissance : « Pour le coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée "femme", car elle fut tirée de l'homme, celle-ci! » Le même et le différent sont au cœur d’un processus de reconnaissance mutuelle. N’est-ce pas, décrit avec un langage très imagé, ce que nous trouvons dans le processus de toute relation amoureuse? C’est bien cette direction qu’indique le verset suivant : « C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » (Gn 2,24) L’amour n’est pas décrit ici comme un simple processus physiologique, mais bien comme un processus relationnel. De la reconnaissance mutuelle naît une sorte de nouvelle entité, le couple humain dans lequel l’un et l’autre se découvrent à la fois semblables et différents. Ils sont bien deux êtres de relation mais sont appelés – comme une exigence fondamentale de tout amour humain – à ne former qu’une seule chair. La question du début rebondit à ce niveau : que vient faire l’interdit donné à l’humain? Pourquoi ne doit-il pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal sous peine de mort? C’est à ce niveau que l’écoute psychanalytique est intéressante. Marie Balmary ne parle pas d’interdit, mais d’« inter-dit » en deux mots. L’inter-dit de manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, sous peine de mort, n’est rien d’autre que l’expression imagée d’une loi humaine fondamentale, la loi de relation. L’inter-dit est l’espace nécessaire à la naissance de la parole, ce qui se dit entre deux humains qui vivent une relation de liberté. Pour que soit possible la parole entre eux deux, l’un et l’autre doit respecter l’inter-dit ou l’espace qui rend possible la vie et la liberté de chacun. Manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ou refuser la loi de relation, c’est créer une relation fusionnelle ou favoriser la main mise de l’un sur l’autre. Dans la réalité de la vie du couple humain, c’est le mettre en grave danger de mort. Pour subsister dans la durée, ce dernier doit respecter la loi de relation : ni fusion, ni soumission de l’un à l’autre ou vice-versa. C’est ce que la suite du récit de la Genèse nous suggère toujours de manière aussi imagée. Suite de l'article : Chronique précédente : |
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