chronique du 13 août 2004 | |||||
Calculs autour
de la venue du Messie Je cherche à comprendre pourquoi l'on dit que Jésus est arrivé comme messie en l'an 29 et que Dn 9,25-27 nous parle des 69 semaines fois 7 ans (483 ans) ce qui nous amène, de 29 à l'an 455 av. JC si l'on fait la soustraction. Or ce n'est pourtant pas l'année de la reconstruction du temple et de Jérusalem permis par Cyrus (en 537)? Que s'est-il passé en 455 av. JC? (Charles) Le Nouveau Testament et la fin de la période de l'Ancien Testament ont vu se développer la théologie du plan éternel de Dieu, du Dieu maître des temps et de l'histoire qui les dirigeait selon son plan et son projet. Si cette idée est assez claire dans le Nouveau Testament, elle l'est beaucoup moins dans l'Ancien, où Dieu ne semble pas avoir de projet à long terme (c'est-à-dire plusieurs siècles), mais à plutôt court terme. Seules les apocalypses des deux derniers siècles avant Jésus-Christ développent cette théologie. Mais il est important de bien comprendre le genre littéraire « apocalypse ». Il s'agit d'un écrit qui prétend apporter, par révélation, une connaissance secrète du passé, du présent et du futur. Cette révélation débouche sur des annonces très précises du déroulement et de la fin de l'histoire. Pour les apocalypses, le mal domine le monde par la main des incroyants qui persécutent les fidèles. Il y a actuellement un affrontement entre ces forces du diable et ce qui reste des fidèles de Dieu. Mais à la fin Dieu vaincra et régnera seul. Il n'y a pas de hasard. Tout est écrit et décidé d'avance, en haut. L'apocalypse s'exprime à travers des symboles facilement déchiffrables. Ce genre littéraire vient souvent de communautés persécutées, déprimées ou découragées qui ne voient pas comment se sortir de leurs épreuves; les apocalypses veulent donc leur redonner courage et espérance en Dieu. Il faut noter que c'est là un genre littéraire difficile qui a souvent déplu aux communautés croyantes et qui leur a souvent paru « suspect », à cause de son caractère mystique et secret, qui n'est pas dans la ligne de la saine révélation judéo-chrétienne. C'est ainsi que le livre qui clôt le Nouveau Testament, notre « Apocalypse » a été le dernier livre à entrer dans le canon néotestamentaire à cause de la suspicion dont il a fait l'objet de la part des premières communautés chrétiennes. Le livre de Daniel est aussi une apocalypse. Derrière les visions de la succession des empires il faut voir la communauté d'Israël devant le péril de l'hellénisation forcée dans l'empire grec au IVe-IIIe siècles avant Jésus-Christ. La datation dans l'empire perse (c'est-à-dire deux cents ans auparavant ) est une fiction. On peut dire la même chose de l'apocalypse de saint Jean, dans le Nouveau Testament. Elle entend redonner courage aux premières communautés chrétiennes qui font déjà face aux persécutions romaines. Les auteurs des apocalypses ne veulent sûrement pas préciser à la minute près le déroulement du plan de Dieu; ils veulent, à travers un langage codé et stéréotypée, redonner courage aux fidèles. Conséquence : pas plus dans les apocalypses que dans les prophètes faut-il chercher des « prédictions » détaillées sur le futur. Je sais bien que c'est la mode dans bien des domaines où les « sciences occultes » attirent, mais ce n'est pas judéo-chrétien. Dans la révélation biblique, Dieu est maî tre des temps et de l'histoire, mais l'être humain est libre et responsable. Comment concilier ce paradoxe? La théologie et les spirituels y essaient depuis des siècles... Quiconque connaît bien la Bible et la révélation chrétienne ne peut imaginer un Dieu mesquin et calculateur qui a tout prévu d'avance, jusque dans les moindres détails. Combien de pseudo-gourous ont annoncé tel ou tel événement sans qu'il se produise? Cela ne s'inscrit décidément pas dans la manière chrétienne de lire et d'int erpréter la Bible, et, en tant que bibliste, je ne saurais assez mettre en garde contre cette manière d'aborder la Parole de Dieu. Maintenant, on va me dire que le Nouveau Testament s'appuie sur les prophéties de l'Ancien Testament. Oui, c'est vrai. Mais chez les prophètes, on annonçait la venue d'un messie libérateur, sans préciser la date ou l'heure. On affirmait que, malgré les vicissitudes de notre histoire humaine, Dieu est à l'uvre et n'aband onne pas son peuple. Il serait inconcevable que Dieu se lie les mains de cette manière, en voulant préciser à la minute ses interventions futures. J'en arrive maintenant aux détails de votre question. Dire que Jésus est venu comme messie en 29 est faux. Il s'agit d'une date prise où? Elle n'est pas biblique puisque le Nouveau Testament se contente de dire que Jésus est né sous l'empereur Auguste (voir Lc 2,1-2; 3,1-2). Les historiens croient actuellement que Jésus serait né en &endash;4 car il y aurait eu une erreur de calcul au début du Moyen Âge... Les chiffres du livre de Daniel, eux, concernent la fin de la persécution d'Antiochus Épiphane. Il ne faut donc pas mélanger des données bibliques qui parlent de quelque chose avec des données non bibliques qui parlent d'autre chose... Une dernière remarque. Laissons donc le Seigneur mener le monde et l'histoire comme il l'entend sans vouloir constamment le « prendre au piège » avec des questions de dates et de secondes. Le Dieu judéo-chrétien est plus grand que ça. Hervé Tremblay, OP Article précédent
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