Nativité. Fra Angelico, 1440-41. Fresque, 193 x 164 cm. Convento di San Marco, Florence (Wikimedia).
Comment lire ces récits? 2/6
Laurent Lafontaine | 14 décembre 2001
Deuxième article d’une série sur les récits de l’enfance qu’on appelle parfois « les évangiles de l’enfance ». Dans cet article, l’auteur donne quelques baslises pour bien interpréter ces récits.
Matthieu et Luc rapportent chacun des récits de l’enfance de Jésus. Ceux-ci ne comportent pas les mêmes données. Il y a bien sûr des similitudes mais également des différences appréciables. Un des pièges qui nous guette dans la compréhension et l’interprétation de ces premiers chapitres de Matthieu et de Luc, c’est d’harmoniser les récits et d’en faire un nouveau qui mélange les éléments de l’un et de l’autre. Un autre piège, c’est de puiser dans le folklore de Noël pour interpréter les récits de l’enfance. Quelques détails pour illustrer cela : des âmes pieuses sont scandalisées lorsqu’elles découvrent qu’il n’est pas question, dans ces récits, du bœuf et de l’âne gris ; que les mages ne sont ni trois, ni rois ; et que les bergers ne viennent pas pour adorer. Il faut donc lire le texte tel qu’il est, sans y ajouter de notre imagination, sans l’aménager à l’aide du texte concurrent. Il faut plutôt replacer chaque récit dans le cadre général de l’évangile où il est inséré.
Un principe de lecture
Ces textes sont avant tout théologiques. Pour Matthieu et Luc, tout part de Jésus et tout retourne à lui. Ces récits sont comme le générique d’un film. Ils nous révèlent déjà en petit et de façon synthétique tout ce que nous verrons en détail par la suite. Si nous ne croyons pas que Jésus est l’accomplissement des Écritures, qu’il est le Fils de Dieu et qu’il est ressuscité, ces évangiles peuvent nous apparaître comme des contes folkloriques.
Les récits de l’enfance : des questions de curiosité?
L’Évangile a été annoncé avant d'être écrit. Et les premiers écrits avaient le souci de présenter les faits et les paroles de Jésus, son ministère public. Les récits de l’enfance sont venus ensuite. De plus les événements auxquels se réfèrent les récits de Matthieu et de Luc ont été écrits plusieurs décennies après la naissance et l’enfance de Jésus, car c’est vers l’année 80 de notre ère qu’on peut dater les récits de l’enfance. L’important est de constater qu’ils n’ont pas été écrits pour satisfaire notre curiosité, mais pour répondre à des préoccupations de foi.
Une comparaison rapide avec certains évangiles apocryphes (que les Églises n’ont pas retenu comme étant inspirés) montre la fantaisie, l’imagination et la curiosité mal placée qui les caractérisent, alors que les récits de l’enfance de Matthieu et de Luc brillent par leur sobriété et répondent aux questions fondamentales de la communauté primitive. Matthieu et Luc illustrent, par ces récits de l’enfance, les affirmations qui font le cœur de la foi chrétienne : Jésus, fils de David, né de la Vierge Marie et Fils de Dieu, Sauveur d’Israël et des nations.
Laurent Lafontaine est bibliste et prêtre du diocèse de Montréal.