(dudlajzov / 123RF)

2. Scythopolis la merveilleuse

Robert David Robert David | 12 juin 2023

Du sommet du tell de Beth Shean, voici que s’offrent à voir quelques-uns des plus importants éléments retrouvés au cours des fouilles des dernières décennies du 20e siècle dans la partie basse de la ville. Cette portion du site correspond à la période romano-byzantine d’occupation de la ville qui était alors connue sous le nom de Scythopolis, l’une des villes de la Décapole, peut-être la plus importante.

plan de Scythopolis

Plan de Scythopolis

Ce plan présente l’ensemble du site de Beth Shean/Scythopolis et de ses environs. À partir des découvertes effectuées dans la région, on a calculé que la ville byzantine devait couvrir plus de 320 acres à son apogée. Même si notre visite se concentre dans la zone centrale, disons tout de même un mot d’autres découvertes situées dans la ville moderne actuelle, ou au Nord du site. Il est encore difficile, malgré les fouilles des dernières années, de préciser comment s’organisait l’ensemble de l’aménagement urbain. Il semble clair cependant que la ville s’est développée principalement autour de l’ancien tell et au Sud. 

Parmi les découvertes intéressantes de la ville Sud signalons l’amphithéâtre (# 1). Tout indique qu’il fut construit au 2e siècle alors que la 6 e légion romaine s’était installée dans la ville. On en a retrouvé la moitié Ouest et une portion de l’extrémité Est. Ses dimensions atteignaient 102 x 67 m à l’extérieur, tandis que l’arène proprement dite mesurait 83 x 48 m. On estime qu’il pouvait recevoir de 5000 à 7000 spectateurs. Tout porte à croire qu’il fut en opération à la période byzantine si l’on en juge le tracé de la rue qui passe au Nord de l’édifice et qui le longe (# 2). On a dégagé cette rue sur plus de 100 m.

Dans la partie au sud du tell, nous pouvons voir deux rues qui se dirigent, l’une vers le Nord-Ouest (# 11), l’autre vers le Nord-Est (# 17). On constate que ces rues contournent le tell. Ces deux rues étaient des rues à colonnades. Elles ont été partiellement dégagées, ce qui permet de se faire une idée de leur importance. La rue Nord-Est est particulièrement impressionnante avec ses 11 m de largeur. Additionné à cela un large trottoir recouvert, bordé de magasins, et vous obtenez une rue qui fait près de 23 m de largeur ! Ce devait être impressionnant de s’y promener.

Au Nord du tell se trouve l’ancien cimetière ainsi que les restes d’un monastère construit en 567, nommé « Monastère de la Dame Marie » à cause de la dédicace qui y fut rédigée. On y a trouvé une magnifique mosaïque sur laquelle sont représentés, par des personnages, les mois de l’année ainsi que les productions agricoles associées.

Concentrons-nous maintenant sur la partie centrale de la ville romano-byzantine.

Scythopolis à vol d’oiseau

Voici ce que contient le centre-ville de Scythopolis. En bas du plan, le théâtre romain. Devant le théâtre, traversant en diagonale : une rue à colonnades. Au centre à gauche : le complexe des bains romains et le bouleutrion (# 3) où se réunissaient les notables. Au centre : une autre rue à colonnades avec ses échoppes et ses magasins (# 6). À la croisée des rues de gauche et de droite : la place centrale (# 30) comprenant un temple, un nymphaeum, un édifice à colonnes et une basilique (# 13).

Les bâtiments qui se retrouvent dans ce centre-ville montrent à quel point la ville était riche et prospère. On n’a pas hésité à faire se côtoyer édifices fonctionnels et édifices décoratifs, pour le plaisir des yeux, mais également pour faire sentir l’importance de cette cité de la Décapole qui ne devait pas s’en laisser imposer par les autres villes de même envergure. Il faut alors prendre le temps d’admirer le travail exécuté par ces anciens qui, fiers de leur ville, et voulant en témoigner, ont érigé de magnifiques édifices qui n’ont malheureusement pas tenu le coup devant le terrible tremblement de terre qui a secoué toute la région en 749.

théâtre romain

Le théâtre romain (Oren Rozen / Wikimedia)

Le théâtre romain

Dégagé d’abord dans les années 1960, les fouilles du théâtre ont repris en 1986-1988 pour permettre de préciser les séquences d’utilisation des périodes romaine et byzantine. De tous les édifices trouvés sur le site, celui-ci est sans conteste le plus imposant. Dans les années 1970, alors que nous visitions Scythopolis, le théâtre était véritablement le centre d’attraction car c’est la seule chose intéressante qu’il y avait à voir ici. Depuis que l’on a dégagé le « centre-ville » dans les années 1980, le théâtre s’intègre dans un environnement qui le met en relation avec les autres édifices de la ville. Il garde son intérêt, mais n’est plus le seul pôle d’attraction.

Sa construction remonte à l’époque des Sévères (2e-3e siècles), alors que les riches familles fournirent l’argent nécessaire à sa mise en chantier. Il répond parfaitement à la façon de construire les théâtres romains. La cavea et l’orchestre en demi-cercle, devant une scène droite perpendiculaire, correspondent à l’architecture des autres théâtres retrouvés en Israël (et ailleurs). On peut voir, sur cette photo aérienne, que la première partie de la cavea (demi-cercle blanc-gris) a été creusée à même la pente de la colline, tandis que la partie supérieure (noire), là où se trouvent les vomitorium (sorties), est artificielle et dépasse le niveau de la rue qui ceinture le théâtre. Cette vue permet également de montrer que les vomitorium, dans leur partie extérieure, fonctionnent par paires (9 paires). Sous les gradins, elles se divisent pour donner accès à la cavea par 18 portes équidistantes. Ces passages permettaient à 5000 personnes d’accéder à l’intérieur. La partie inférieure de la cavea, assez bien conservée, pouvait accueillir 2000 personnes, tandis que celle du haut permettait d’asseoir le reste des spectateurs. L’ensemble du théâtre fait plus de 90 m de diamètre.

gradins du théâtre

Les gradins (Ronnie Kenigsberg / Wikimedia).

La cavea du théâtre

Les 5000 spectateurs que pouvait contenir le théâtre de Beth Shean accédaient aux gradins par 19 ouvertures pratiquées au milieu de l’édifice. Celles-ci débouchaient sur un déambulatoire à partir duquel on pouvait descendre ou monter dans les gradins par l’un des neuf escaliers, selon le siège réservé. On voit, au fond, en haut, l’une de ces ouvertures (vomitorium) en cours de réfection, les autres présentant l’aspect qu’elles avaient au moment de leur découverte. Il est clair que la section supérieure devait offrir, à l’époque, le même aspect que la section inférieure. La différence c’est que la cavea inférieure est creusée à même la colline tandis que la cavea supérieure est construite artificiellement avec des pierres de basalte que l’on recouvrait ensuite de calcaire. Il faut donc imaginer tout l’intérieur à l’image de la partie du bas.

Les sièges étaient de simples bancs de pierre. Seule la première rangée, au niveau de l’orchestre, rangée réservée aux notables, possédait des sièges avec dossier. La photo plus haut montre quelques personnes installées sur ces sièges dont on voit encore le dossier, pour certains sièges, même s’ils sont brisés pour la plupart.

Il y avait à gauche un autre accès au théâtre, cette fois via un couloir voûté spacieux (restauré). Il y a tout lieu de croire que les notables empruntaient ces passages Ouest et Est pour accéder au théâtre, leur évitant ainsi de se retrouver dans les escaliers un peu abrupts de la cavea.

Nous avons l’habitude de faire une expérience très intéressante dans ce théâtre. Les étudiants et étudiantes s’assoient dans le haut de la cavea inférieure tandis que quelqu’un (habituellement moi) reste dans l’orchestre. Je lis alors le texte de 2 Samuel 1,17-27 sans hausser le ton, ni pousser la voix. L’acoustique y est exceptionnelle : tous entendent parfaitement le texte lu, sans effort. Ces théâtres étaient vraiment des ouvrages aux qualités acoustiques supérieures. Les comédiens ou les artistes pouvaient y déclamer leurs textes sans forcer, aidés en plus par la réverbération du fond de scène. C’est une expérience assez saisissante, d’autant que le texte lu (que vous devriez avoir lu aussi) est également très poignant.

scène du théâtre

La scène (Oren Rozen / Wikimedia).

La scène du théâtre

Assis dans les gradins du théâtre de Scythopolis, voici ce qui s’offre à voir aujourd’hui. Malheureusement, la scène et l’arrière-scène ont été détruites par le tremblement de terre de 749. Les fouilles et le travail de restauration permettent cependant de nous faire une idée de la beauté des lieux, et de la qualité de la décoration qui ornait cette partie du théâtre.

Détails de la décoration de l’arrière-scène

Détails de la décoration de l’arrière-scène (Carole Raddato / Wikimedia).

C’est avec du granit et du marbre importés de Grèce, d’Asie Mineure, d’Égypte et d’Afrique, que l’on avait confectionné les divers éléments décoratifs. Il faut imaginer ici une arrière-scène de trois étages, où se côtoyaient colonnes de granit et de marbre, statues de dieux et de déesses, motifs géométriques obtenus grâce aux nervures du marbre lui-même. En regardant la partie reconstituée à droite, avec ses colonnes supportant des entablures aux riches décorations de motifs floraux et figuratifs, on peut avoir une petite idée du style d’édifice qui se dressait derrière la scène. Il faut donc penser que le décor que l’on voit actuellement derrière n’était pas visible de l’intérieur du théâtre. C’est d’ailleurs l’une des différences fondamentales entre les théâtres grecs et les théâtres romains. Alors que les premiers s’ouvraient sur la nature, les seconds étaient fermés par l’arrière-scène. On pouvait y montrer le faste de la ville aux spectateurs ébahis par tant de beauté et d’harmonie dans les formes et les volumes.

cardo

Le cardo (photo : Robert David)

Le cardo

Une grande rue à colonnade courrait dans l’axe Sud-Ouest / Nord-Est (# 6), depuis le théâtre jusqu’aux pieds du tell, alors qu’elle y était rejointe par d’autres rues orientées différemment. Sa longueur totalisait plus de 180 mètres.

On voit bien, sur cette photo, les différentes parties qui forment ce cardo. Au centre, la rue proprement dite. D’une largeur variant entre 7,2 et 7,5 m, elle est faite de pierres plates posées à angle, formant ainsi un motif en pointe (on appelle cela un motif en os de hareng). L’arrête centrale de la rue est faite également de pierres plates, mais celles-ci sont posées cette fois parallèlement. Sous cette arrête centrale se trouve un canal (1 à 2 m) pour l’évacuation de l’eau. Il était alimenté par des canaux perpendiculaires qui étaient aussi recouverts de pierres placées longitudinalement par rapport à la rue. On voit l’un de ces canaux au sol, juste derrière la première personne devant nous. Vous remarquerez aussi que la rue s’incline du centre vers les côtés. Ceci permettait un meilleur écoulement de l’eau, qui ne s’accumulait pas sur la chaussée et évitait ainsi que l’on glisse sur la pierre mouillée.

À gauche de la rue se dressent les colonnes. Elles sont montées sur un stylobate qui fait 1,25 m de haut et qui suit parallèlement la rue jusqu’au bout. Ces colonnes, à fût en tambour, supportent des chapiteaux de style ionique. Ces derniers devaient supporter un toit, qui couvrait un trottoir faisant plus de 7 mètres de largeur, trottoir auquel on accédait, depuis la rue, par de petits escaliers. Quelques personnes empruntent justement l’un de ces escaliers, à gauche, et s’apprêtent à passer de l’autre côté de la rangée de colonnes. Le plancher de ce trottoir fut un temps décoré avec des mosaïques (4 siècle), qui furent remplacées, plus tard, par des pierres plates en marbre (5e siècle). Le long de ce trottoir, on a dégagé une dizaine de magasins (il devait y en avoir une vingtaine à l’époque). Ces magasins formaient une belle rangée de 7,2 mètres de largeur, soit l’équivalent de la largeur du trottoir. Si l’on additionne le tout, magasins, trottoir et rue, nous obtenons la magnifique somme de plus de 21 mètres de largeur. Ce devait être très impressionnant d’emprunter la « main » alors que l’activité marchande battait son plein et que les chars circulaient des deux côtés de la voie.

Le côté droit de la rue devait également être décoré de colonnes puisque l’on voit une partie au sol qui a pu servir de stylobate. Il ne semble pas toutefois que ce côté était couvert. 

Les fouilleurs ont baptisé cette rue « Palladius », du nom d’un certain Flavius Palladius, fils de Porphyre le gouverneur. Ce nom apparaissait sur une inscription retrouvée dans une mosaïque du plancher du trottoir. Il semble que ce soit ce Palladius qui ait fait construire le stoa, et l’ait fait recouvrir de mosaïques.

Quartier résidentiel et commercial

(PikiWiki / Wikimedia)

Quartier résidentiel et commercial

À l’Est de la voie à colonnade, on a mis au jour une partie du quartier résidentiel de la classe bourgeoise ainsi que des rues le long desquelles s’alignaient des magasins. C’est l’une de ces rues, bordée d’un trottoir, que nous voyons présentement. Les artères principales se composaient souvent d’une rue à côté de laquelle se trouvait une place piétonnière donnant accès à des échoppes ou de petits magasins. 

Ce que nous voyons sur la photo correspond à cette description. À droite en haut, quelques colonnes du cardo. Juste devant nous, section de droite, une série de pièces parallèles qui partagent un mur commun à l’arrière (droite). Ce sont les échoppes ou les petits magasins. Construite essentiellement de pierres de basalte, chaque pièce s’ouvrait sur une magnifique promenade pavée de mosaïques à motifs géométriques, floraux et animaliers. Toute la rue était décorée, comme c’était le cas d’autres trottoirs trouvés ailleurs sur le site. Vous imaginez la beauté de pareilles promenades? Rien à voir avec nos trottoirs de béton qui « décorent » la plazza Saint-Hubert à Montréal ! Il devait se vivre ici, quotidiennement, une multitude d’activités commerciales, de rencontres, d’échanges et de troc.

Votre sens de l’observation vous aura sans doute permis de remarquer que la rue ici est plus basse que la série de colonnes du cardo à droite. La raison? Nous ne sommes pas au même niveau d’occupation. Les mosaïques décoraient la voie de la ville romaine. Le cardo lui, appartient à la ville byzantine.

Le nymphaeum

Le nymphaeum  (photo © Tomasz Jelonek)

Le nymphaeum et un monument à colonnes

Sur la rue qui longeait le tell en direction Est-Ouest (le decamenus), dans ce que l’on qualifie de centre-ville de Scythopolis, on a découvert quelques constructions publiques. Parmi celles-ci, un nymphaeum (fontaine monumentale) de l’époque romaine, qui ouvrait la partie Ouest de la rue. Il se trouve là où vous voyez un demi-cercle, à gauche de la photo. Le demi-cercle a une ouverture à l’avant de près de 9 mètres et possède, à l’arrière, une plate-forme qui devait recevoir une statue. Vous pouvez identifier cette plate-forme en suivant la courbe du demi-cercle. Vous verrez qu’au fond du nymphaeum le demi-cercle se transforme en rectangle adossé au mur.

Devant le demi-cercle, vous pouvez voir au sol un grand rectangle blanc. Celui-ci délimite la façade du nymphaeum, façade qui totalisait 23 mètres de longueur. C’est donc tout l’édifice qui était précédé de cette façade de calcaire, en partant du début du rectangle blanc jusqu’aux grandes colonnes couchées en oblique sur le sol, au centre haut de la photo.

La façade elle-même a été conservée sur une hauteur de 2,85 mètres. Elle était flanquée, de chaque côté, de deux séries de colonnes sur piédestal, qui elles-mêmes supportaient un entablement à deux niveaux décorant la façade. On voit encore une partie d’une de ces colonnes, encore en place, du côté droit du demi-cercle. À l’extérieur du demi-cercle, d’autres colonnes atteignant 14 mètres de hauteur, supportaient un autre entablement placé par-dessus celui des colonnes du demi-cercle. C’est une partie d’une de ces colonnes qui gît par terre, en oblique, au centre haut de la photo, en face du nymphaeum. Il faut imaginer ici à quoi pouvait ressembler cette belle façade à double entablement, le premier prenant place au-dessus de l’ouverture et faisant 8m de longueur, le second couvrant toute la façade, sur 23 mètres. C’est le tremblement de terre de 749 qui a ébranlé l’édifice et fait tomber les colonnes, qui sont restées dans la même position depuis.

L’édifice à colonne

L’édifice à colonnes (Yldemir / Wikimapia)

L’autre grand monument se trouvait un peu à l’Est du nymphaeum. On en voit une partie en bas à gauche. Il manque plusieurs données qui permettraient de reconstituer l’ensemble du monument, mais les divers éléments retrouvés sur le dessus laissent croire à un édifice à colonnes. La façade était précédée d’une série de marches faisant toute la largeur de l’édifice, côté rue. Des niches rectangulaires et semi-circulaires alternent sur les trois côtés visibles depuis la rue. Entre ces niches, des escaliers permettaient d’accéder, 4 mètres plus haut que la rue, à la plate-forme de l’édifice en question. Une partie importante de l’édifice était construite en marbre. On a retrouvé beaucoup de restes de colonnes, des chapiteaux corinthiens, des piédestaux, des corniches. Certains de ces objets étaient richement décorés de figures mythiques. 

Cette grande plate-forme à colonnes se trouvait à la croisée du décamenus et de la rue qui longeait le tell côté Nord-Est. Elle devait présenter une construction splendide à qui venait du Nord-Est et descendait vers le centre-ville de Scythopolis. Arrivé au coin de la rue, on apercevait, du même coup, l’édifice à colonnes devant soi et, juste à côté, à sa droite, le beau nymphaeum. De quoi ravir l’œil de tout bon romain sensible à la beauté esthétique de ces magnifiques édifices. Dommage qu’ils soient aujourd’hui en ruines... et qu’il nous faille faire appel à notre imagination pour reconstituer la scène.

Les ruines du temple

Les ruines du temple (Ian Scott / Wikimedia).

Les restes d’un temple

Situé au coin du cardo (rue à colonnade Nord-Sud) et du decamenus (rue Est-Ouest), un édifice occupe cet espace central de la ville de Scythopolis. Une grande plazza, faite de pierres de calcaire, se trouvait juste devant l’édifice, sur son côté Nord-Ouest. Sur la plazza elle-même, aux pieds d’une autre série de marches qui offraient une première montée vers le temple, au centre de ces marches, on distingue la présence d’un piédestal circulaire (à gauche sur la photo) sur lequel on avait sans doute placé une statue. C’est du moins ce que l’on peut déduire de l’inscription rédigée en grec sur le piédestal. On y lit le nom de l’empereur Marc-Aurèle, et la mention que les gens de Scythopolis ont dédié la statue de l’empereur. Comprenons donc que c’est possiblement une statue de Marc-Aurèle qui se trouvait devant le temple, statue malheureusement disparue (ou du moins pas encore retrouvée).

Passé le piédestal de la statue, une série de marches, larges de 20,5 mètres, donnait accès à un prostyle comportant quatre énormes colonnes montées sur piédestal de 2 mètres de haut. Ces bases supportaient des colonnes de près de 10 mètres qui se sont effondrés lors du tremblement de terre de 749.

Le temple lui-même devait se trouver sur la plate-forme qui elle, repose sur une série de voûtes. Le naos, de forme semi-circulaire, d’un diamètre de 8,5 m se trouvait tout au fond du temple. On n’a malheureusement pas retrouvé les murs de ce temple, ni les objets qu’il devait contenir. On déduit qu’il s’agissait d’un temple par la configuration de l’ensemble qui correspond à d’autres sanctuaires trouvés ailleurs dans l’empire. Les archéologues proposent qu’il pouvait s’agir d’un temple à Dionysos.

Dionysos

Statue de marbre de Dionysos trouvée à Scythopolis. Musée d’Israël (Gary Todd / Wikimedia).

Le temple se trouvait donc au carrefour de trois rues importantes de la ville, et à proximité d’une quatrième. Tentez de reconstruire, par l’imagination, cet édifice avec, en face sa statue de l’empereur, sa volée de marches, ses quatre énormes colonnes avec chapiteaux corinthiens et des murs sans doute aussi hauts que les colonnes. Grandiose!

Portique du complexe thermal

Portique du complexe thermal (Ian Scott / Wikimedia).

Le complexe des bains

Toute ville romaine qui se respecte devait posséder son complexe de bains (# 3). L’endroit était destiné à la détente, aux rencontres sociales, aux échanges amicaux et, parfois, aux discussions politiques animées. Sorte de complexe sportif intérieur, leur fonction était autant récréative que sociale. Pas étonnant donc que Scythopolis ait possédé son propre complexe.

Sa localisation particulière, à proximité Nord-Ouest du théâtre, et en bordure de la grande voie à colonnade, lui assurait une visibilité et un achalandage non négligeables. Sa configuration correspond à celle de presque tous les bains romains de l’époque. Signalons d’abord que l’ensemble du complexe, qui couvre plus de 1,5 acre, est le plus important découvert à ce jour en Israël (il en existe un autre dans la région, très imposant, à Hamath Gader, mais l’endroit se trouve en Jordanie, sur les rives du Yarmuk).

Les piliers du système de chauffage

Les piliers du système de chauffage (Agmon Ianiv / Wikimedia).

Dans l’axe Nord-Sud, cinq pièces composaient la partie des bains proprement dite avec le vestiaire (apodyterium), les bains d’eau froide (frigidarium), d’eau tiède (trepidarium et sudatorium) et d’eau chaude (caldarium). Le principe des bains tièdes et chauds ressemble à celui de nos saunas modernes. On chauffait les planchers et les murs à l’aide d’air chaud circulant sous le plancher, ou dans des tuyaux dans les murs. Sur la photo, nous voyons une section du plancher que l’on chauffait. Celui-ci reposait sur de petits piliers de briques entre lesquels circulait l’air chaud. La chaufferie (hypocauste) était située dans une pièce voisine, côté Est, à partir de laquelle on soufflait l’air dans les pièces conçues pour recevoir la chaleur.

piscine

Une piscine du complexe des bains (Ian Scott / Wikimedia).

Sur les côtés Nord, Ouest et Sud de ces cinq pièces, à l’extérieur, on a dégagé une palestre entourée d’un stoa et de salles où l’on pouvait circuler, discuter, se reposer. On y retrouvait aussi une série de piscines extérieures (natatio) tout autour du complexe.

La décoration de ces bains faisait souvent appel aux talents de plâtriers et de maçons. Les premiers peignaient les murs en imitation de marbre (souvent pompéien), tandis que les seconds agençaient les pierres du sol pour former des dessins géométriques. On a retrouvé dans les bains de Scythopolis des traces de mosaïques dans les strates anciennes, qui furent remplacées plus tard par des plaques de marbre. Des statues, déposées dans des niches, venaient compléter la décoration intérieure.

Il semble bien que l’utilisation des bains à Scythopolis aurait débuté à la période romaine (2e siècle). Cependant, la section que vous voyez présentement remonte aux 5e et 6e siècles. Les bains furent détruits lors du terrible tremblement de terre de 749, et ne furent plus jamais réutilisés par la suite.

Pour une visite presque en réel de Scythopolis, je vous invite à visionner cette vidéo (en anglais).  Cela donne un bel aperçu des proportions de la ville et complète les informations du présent article, même si je ne partage pas tous les commentaires des narrateurs, du genre Adam et Ève il y a 5000 ans! et autres.

Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.

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La stèle de Séti Ier

Cette stèle commémore le succès d’une campagne militaire égyptienne contre un petit groupe de rebelles cananéens des cités à proximité de Beth Shean. La stèle a été réalisée sous le règne du pharaon Séti Ier (1294-1279 avant notre ère), un pharaon de la 19e dynastie. Les artisans égyptiens ont utilisé une pierre locale, le basalte, pour réaliser cette stèle et une autre semblable qui sont conservées au Musée d’Israël.

Beth Shean
Début du 13e siècle avant notre ère
Basalte, H : 246 cm ; L : 80 cm ; D: 30 cm
(photo © Musée d’Israël)