La bulle ou l’empreinte du sceau de petite taille (photo © Dani Machlis / Université Ben-Gurion)
Le sceau de Shéma
Sylvain Campeau | 15 novembre 2021
Le sceau de Shéma est l’un des plus célèbres trouvés en Israël mais l’original est disparu peu de temps après sa découverte au début du siècle dernier. Or voici que des chercheurs viennent d’authentifier une bulle (ou l’empreinte d’un sceau) très semblable provenant d’une collection privée [1].
Le sceau connu depuis longtemps provient des premières fouilles effectuées à Megiddo par une équipe dirigée par Gottlieb Schumacher, un ingénieur allemand. Il a été découvert en mars 1904 à un mètre sous la surface du tell, près d’un bâtiment public identifié comme étant un palais. Le sceau était gravé sur une pierre ovale de jaspe mesurant 37 x 26,6 mm et d’une épaisseur de 17 mm. Il n’était pas percé ce qui ouvre la possibilité qu’il était monté sur une bague. Le motif du sceau est un lion rugissant à la queue dressée. Deux lignes de textes en paléo-hébreu accompagnent le motif : « [Appartenant] à Shéma, ministre de Jéroboam » [2]. Après sa découverte, un moulage du sceau a été fait pour le coulage d’une reproduction en bronze qui est conservée aujourd’hui au musée Rockfeller à Jérusalem. Le sceau a ensuite été envoyé comme cadeau au sultan ottoman à Constantinople (aujourd’hui Istanbul), capitale de l’Empire dont la Palestine était l’une des provinces. Le sceau a ensuite disparu et nous ne connaissons plus son lieu de conservation.
La découverte plus récente est une bulle en argile dont le motif, le lion rugissant à la queue dressée, est identique. La taille du sceau qui a servi à l’impression est toutefois plus petite : 23,4 x 19,3 mm. Au-dessus du motif, les experts arrivent à lire le nom du propriétaire qui réfère au même personnage : Shéma. Malheureusement, le sceau provient du marché des antiquités et nous ne connaissons pas le lieu de sa découverte. Mais la bulle est intéressante parce qu’elle indique que le haut fonctionnaire utilisait plus d’un sceau pour signer et authentifier les documents officiels.
Jéroboam
La datation du sceau n’est pas facile à fixer même si elle réfère à un roi du royaume du Nord. La Bible connait en effet deux rois du même nom : Jéroboam I qui a régné de 931 à 909 et Jéroboam II qui a régné de 790 à 750 avant notre ère [3]. Malgré les arguments proposés par David Ussishkin [4] en faveur de Jéroboam I, la majorité des historiens pensent que le sceau et la bulle se réfèrent au roi Jéroboam II [5] et les analyses réalisées par l’équipe du professeur Yuval Goren sur la bulle récemment découverte vont dans le même sens. Les artéfacts doivent donc être datés du 8e siècle avant notre ère pendant le long règne de Jéroboam II qui a profité d’une période de prospérité avant les invasions assyriennes.
En terminant, ne cherchez pas le nom de Shéma dans la Bible : il n’apparait pas dans l’entourage du roi Jéroboam II, comme la majorité des « serviteurs » royaux. Même si nous ne savons rien de ce fonctionnaire, il a laissé un magnifique seau dont le motif, un lion rugissant, est très évocateur pour un lecteur de la Bible.
Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.
[1] Les conclusions de l’étude scientifique supervisée par le professeur Yuval Goren ont été publiées en hébreu dans le journal Eretz Yisrael et seront traduites en anglais dans le Israel Exploration Journal.
[2] Pour une description plus détaillée du sceau, voir Lawrence J. Mykytiuk, Identifying Biblical Persons in Northwest Semitic Inscriptions of 1200-539 B.C.E., Atlanta, Society of Biblical Literature, 2004, p. 133-139.
[3] Nous suivons ici la chronologie proposée par Gershon Galil.
[4] David Ussishkin, « Gate 1567 at Megiddo and the Seal of Shema, Servant of Jeroboam », dans M.D. Coogan, J.C. Exum et L.E. Stager, Scripture and Other Artifacts, Louisville, John Knox, 1994, p. 410-428.
[5] André Lemaire, dans une étude sur d’autres sceaux où le lion rugissant est représenté, date ces artefacts du 8e siècle : « Trois sceaux inscrits inédits avec lion rugissant », Semitica 39 (1990) 13-22.