Façade de l’église de la résurrection de Lazare à Béthanie (photo © rparys / 123RF)
Béthanie, la patrie de Lazare
Robert David | 11 octobre 2021
Le voilà donc l’illustre village judéen, à quelques kilomètres à l’Est de Jérusalem, sur le versant oriental du mont des Oliviers (Marc 11,1). C’était, anciennement, un tout petit village, et ce l’est encore aujourd’hui. Il est célèbre simplement parce que l’Évangile selon Jean y situe l’épisode de la résurrection de Lazare (Jean 11). Notre propos ne sera pas ici de faire l’exégèse du texte mais de nous arrêter sur cette localité qui est mentionnées plusieurs fois dans les évangiles.
Le village ne doit pas être confondu avec la Béthanie « au-delà du Jourdain » où Jean baptisait (Jean 1,28). Abritant aujourd’hui une population arabe, la Béthanie dont on parle s’appelle El ‘Azariyeh en mémoire de Lazare qui est aussi vénéré dans la tradition islamique.
En hébreu, bêt ‘aniyyah signifie « maison du pauvre » ou « maison d’Ananie ». C’est probablement pour cette raison que certains pensent qu’elle correspond à l’Ananya biblique dont parle le livre de Néhémie (11,32). Une chose est certaine, c’est que le village est occupé depuis l’époque perse comme en témoignent les poteries les plus anciennes trouvées par les archéologues.
Dès le 4e siècle de notre ère, on a construit à Béthanie une église qui rappelait l’épisode de la résurrection de Lazare. Dans les sources écrites, le pèlerin de Bordeaux (vers 334) signale l’existence d’un sanctuaire à l’emplacement où se trouve l’église d’aujourd’hui. Cette première église est aussi connue d’Eusèbe de Césarée (Onomasticon 58,15).
La résurrection de Lazare. Fresque de l’église (photo © rparys / 123RF).
Mais l’église actuelle n’occupe que la moitié de l’espace couvert par l’ancienne église byzantine. Le transept et une partie de la nef du 5e siècle font encore partie du plan de cette église. La section arrière de l’église byzantine n’est cependant pas intégrée à l’édifice du 20e siècle. On peut par contre voir dans la cour qui conduit à l’entrée de l’église, quelques portions de mosaïques qui décoraient les planchers des églises du 5e et du 12e siècle. Oui, les Croisés ont aussi, bien entendu, construit une église ici, ainsi qu’un monastère dont on peut visiter quelques vestiges à l’extérieur de l’église. L’une des plaques extérieures qui recouvrent les mosaïques permet de voir les niveaux différents des deux planchers de mosaïques à motifs géométriques. Dans cette cour à ciel ouvert on peut aussi voir quelques bases de colonnes de l’église du 5e siècle ainsi que l’intérieur de la façade de l’église, avec l’espace laissé pour les portes centrale et latérales de la nef.
L’atrium de l’église byzantine, quant à lui, s’étendait sur l’emplacement de l’actuelle mosquée. Il couvrait à peu près l’espace carré que l’on voit autour du minaret. Ce qui veut donc dire que l’église du 5e siècle, atrium compris, était trois fois plus grande que l’église actuelle.
L’escalier menant au tombeau de Lazare (Benoit Soubeyran / Wikipédia).
Et le tombeau de Lazare dans tout cela? Chose étonnante, il ne se trouve pas sous l’autel ou dans la nef comme on s’y attendrait. Il est situé passablement à droite du minaret de la mosquée. Si le tombeau que l’on nous présente aujourd’hui est celui que l’on a associé à Lazare depuis l’époque byzantine, il se trouvait à l’extérieur de l’atrium. On y accède par un escalier accessible à partir d’une petite porte qui donne sur la rue. Quand on descend cet escalier, on accède d’abord à une antichambre avant d’atteindre la petite chambre funéraire. Toute cette zone a d’ailleurs fait l’objet de travaux de restauration comme en témoigne la vidéo présentée plus bas.
La tradition autour de Lazare remonte donc aux premiers siècles de l’Église, et attirait chaque année des milliers de personnes dans ce petit village tranquille de Judée. Ce ne sont pas les vestiges archéologiques qui sont intéressants ici. Quoique, de retrouver les restes d’une église du 4e et du 5e siècle n’est pas banal. Mais le plus intéressant c’était le chemin que l’on empruntait, de Jérusalem, en passant par le mont des Oliviers, pour se rendre à Béthanie. Une agréable marche entre les villages de Judée, sur les pas de dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui, depuis des siècles, convergeaient vers ce patelin. L’érection du mur de séparation au sommet du mont des Oliviers en 2002, par le gouvernement israélien, a rendu cette marche impossible maintenant.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.