INTERBIBLE
À la découverte du monde biblique
comprendre la biblearchéologiegroupes bibliquesinsolite
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Archéologie
  image
Imprimer

chronique du 11 mars 2016

 

Capharnaüm : la maison de Pierre

Capharnaüm

Reconstitution de la maison de Pierre après une première transformation
(image : Custodie franciscaine)

Au sud du village de Capharnaüm, une maison a retenu l’attention des chrétiens depuis des temps immémoriaux. Il est probable que nous ayons affaire à la maison de Simon-Pierre, un des douze apôtres.

La véritable maison de Pierre?

     Israël, la Palestine et les responsables des lieux saints présentent souvent aux visiteurs des sites qu’ils associent à la vie de Jésus telle que décrite dans les Évangiles.  Certains de ces sites sont parfois « folkloriques ». Par exemple, dans Jérusalem on présente la pierre qui aurait crié si les foules s’étaient tues (Lc 19,40) ou encore, l’auberge du bon Samaritain sur la route de Jéricho (cette auberge figure dans une parabole, celle de Lc 10,29-37). Plusieurs éléments bibliques sont localisés dans des lieux qui n’ont rien à voir avec la réalité, comme le site du baptême de Jésus présenté au sud du lac de Tibériade. Un regard un peu critique sur tous les lieux associés à la vie de Jésus fait dire à plusieurs que nous n’avons aucune certitude quant à la validité des associations entre événements et lieux. Capharnaüm fait peut-être exception. En effet, l’histoire rattachée à la basilique retrouvée dans le village pourrait laisser entendre que nous avons affaire ici à la véritable maison de Simon-Pierre, celle où aurait résidé le Nazaréen alors qu’il était de passage à Capharnaüm. 

     Sur quoi se base-t-on pour faire une telle affirmation? Sur des témoignages écrits anciens et sur les fouilles archéologiques, bien entendu. Celles-ci ont mis à jour une partie importante des maisons qui formaient le village de pêcheurs. Or, parmi ce fouillis urbain, une maison a retenu l’attention des chrétiens dès les premiers siècles du christianisme (c’est la partie rosée sur le plan). Cette maison de 5,8 m X 6,45 m se distinguait des autres en ce qu’elle possédait des murs plâtrés dès le milieu du 1er siècle. Les fouilles ont permis de retrouver des objets usuels datant du 1er siècle, ainsi que des jarres, ce qui tendrait à confirmer l’usage public de l’édifice dès la fin du 1er siècle. Parmi les indices trouvés dans la maison, des graffitis sur les murs plâtrés mentionnent « Jésus, Seigneur et Christ ». Ce seul indice n’est pas concluant pour dire qu’il s’agit vraiment de la maison de Pierre mais, associé à ce qui suit, il prend toute sa valeur significative.

plan du site

De maison à église…

     Dès le 4e siècle, cette maison, bien qu’elle ressemble à tant d’autres maisons découvertes sur le site, s’est trouvée isolée du reste de celles qui l’entouraient par un grand mur de près de 120 m de long sur tout son pourtour, mur dans lequel on avait pratiqué deux ouvertures. On a conservé, en plein centre de cet enclos, la pièce centrale de la maison du 1er siècle. Ses murs ont toutefois été renforcés pour soutenir une arche, et des pièces adjacentes ont été ajoutées, dont une sur le côté est qui devait servir d’atrium. Ceci correspond à la partie orangée sur le plan. On peut facilement penser qu’il s’agit alors de l’église dont parle Égérie au 4e siècle: « La maison du prince des Apôtres a été transformée en église. Les murs de la maison cependant ont été conservés dans leur état originel ».

     Quelques années plus tard, au 5e siècle, l’emplacement est aménagé différemment. On conserve encore la pièce centrale de la maison du 1er siècle au centre d’une nouvelle basilique octogonale. Celle-ci, construite en bonne patrie dans l’enclos du 4e siècle, déborde aussi au sud et à l’est (partie noire sur le plan). Le plancher de la pièce centrale est recouvert de mosaïques. L’ensemble de la nouvelle construction consiste en trois octogones, le central sur la pièce principale associée à la maison de Pierre, et deux autres, à égale distance, l’entourent. Des portes aménagées dans les divers murs permettaient d’accéder à la pièce centrale. Un peu après la fin de la construction de la basilique octogonale, une petite abside a été ajoutée du côté est (le demi-cercle noir). Peut-être s’agit-il d’un baptistère.  La chose est d’autant plus plausible qu’il était de mise de placer les baptistères du côté est, du côté du soleil levant, symbole de la résurrection.

Reconstitution de la basilique octogonale

Reconstitution de la basilique octogonale

     Il est difficile de reconstituer l’aménagement exact de l’église sur la base des seuls restes de murs retrouvés lors des fouilles. Cependant, comme le plan de la basilique se rapproche de celui d’autres églises retrouvées en Syrie et en Italie, et que nous disposons d’un ouvrage architectural octogonal assez proche du genre de celui-ci en la mosquée d’Omar à Jérusalem, le dessin n’est sans doute pas très loin de la réalité.

     Cette église octogonale existait encore durant la deuxième moitié du 6e siècle puisqu’un pèlerin anonyme en fait mention dans ses écrits de voyage. Elle sera détruite par les Perses en 614, comme ce fut le cas de la plupart des lieux saints à leur arrivée en Palestine. La maison est restée dans l’oubli jusqu’à ce qu’on la retrouve en 1968. 

     Nous ne pouvons affirmer hors de tout doute qu’il s’agit bien de la maison de Pierre. Mais, le fait qu’elle ait été l’objet d’une vénération particulière avant même la période byzantine, et que les chrétiens des siècles subséquents aient cherché à conserver le souvenir d’une pièce particulière en l’isolant du reste du village, milite en faveur de cette possibilité.

Les restes de la pièce centrale de la maison de Pierre

(photo : Sébastien Doane)

Les restes de la pièce centrale de la maison de Pierre

     On peut voir sur la présente photo ce qui reste de la construction octogonale du 5e siècle. Le mur en bas, au premier plan, qui suit le tracé d’un angle, appartient au deuxième mur octogonal de la basilique. Au centre de la photo, on remarque une autre petite construction octogonale faite de petites pierres liées entre elles par du mortier. C’était le mur octogonal entourant la pièce centrale de la maison du 1er siècle. Une partie de ces murs s’appuie sur de grosses pierres de basalte noires qui formaient une partie du mur de la maison du 1er siècle. Le type de construction de ce mur en pierres de basalte correspond à ce que l’on trouve ailleurs, dans les autres maisons du village de Capharnaüm. S’il s’agit de la maison de Pierre, on peut dire qu’il s’agit ici d’un mur ayant reçu l’apôtre ainsi que son plus célèbre visiteur, Jésus de Nazareth. Peu de lieux en Israël nous rapprochent autant de ces personnages qui occupent une place privilégiée dans la tradition chrétienne. Je vous suggère de lire quelques passages des évangiles associés à cette maison comme Mc 1,29-34; 2,1-12.15-17; 3,20-35.

L'église au-dessus des vestiges

(photo : Sébastien Doane)

     Pendant plusieurs décennies, les visiteurs pouvaient encore voir ces restes dans leur environnement naturel, jusqu’à ce que les Franciscains décident de construire une église par-dessus, église qui ressemble plus à un vaisseau spatial de la Guerre des Étoiles, ou à une grosse araignée de béton, qu’à une reproduction de la basilique octogonale. Ce besoin qu’on a de construire des églises, comme si le site naturel ne suffisait pas à nous recueillir convenablement! Ce qui fait qu’aujourd’hui, on n’a plus accès à l’ensemble de la maison sinon par une ouverture pratiquée dans le plancher de l’église franciscaine, ou par une vue partielle sous le ventre de l’araignée. Bien dommage.

Robert David

Lire aussi :
La maison de Pierre à Capharnaüm

Article précédent :
Capharnaüm : village de pêcheurs du premier siècle

 

 

| Accueil | DÉCOUVERTE (index) | Archéologie (index) | Vous avez des questions? |

www.interbible.org