La porte de Megiddo (Wikimedia)
Entrer à Megiddo
Robert David | 8 février 2013
La position stratégique de Megiddo, à l'entrée/sortie de la passe de Megiddo, ne pouvait qu'attirer la convoitise des dirigeants des royaumes antiques, principalement de l'Égypte. Ce n'est pas un hasard si les fouilles archéologiques ont révélé 25 strates d'occupation et de destruction. On s'y battait pour le contrôle de la principale route du pays qui permettait de passer de l’Égypte au Croissant fertile, et vice versa. Pas étonnant alors que le texte d'Apocalypse 16,12-16 mentionne le Har Mageddon (déformation de « montagne de Megiddo ») comme le lieu symbolique de l'affrontement final entre les forces du bien et les forces du mal.
Située dans le secteur des portes, un peu plus à flanc de tell que les portes de la période du Fer et de la période du Moyen Bronze IIA, la porte du Moyen Bronze IIB (strate X) a été assez bien conservée. Elle est tout à fait conforme au genre de porte que l'on a trouvé ailleurs pour cette période. Elle fut en opération pendant la fin de la période du Moyen Bronze, durant toute la période du Récent Bronze et le début de la période du Fer I, soit presque 400 ans.
L'entrée par cette porte se faisait en ligne droite. Une série de trois piliers massifs soutenait l'armature de chaque côté du passage, réduisant l'entrée au fur et à mesure que l'on pénétrait dans la ville, laissant une ouverture de trois mètres en fin de parcours (suffisamment pour permettre le passage de chars). Deux salles de garde étaient aménagées dans les cavités formées entre les piliers. Ces derniers étaient construits en énormes blocs de pierre souvent bien taillés, comme on peut le voir au premier plan, à gauche et à droite du passage pierreux.
L'intérieur des piliers était fait de blocs de pierre brute et de gravier. On assurait aussi une certaine « élasticité » à ces structures en intégrant à l'ensemble des poutres de bois qui permettaient un certain jeu, sorte de joints de dilatation des temps anciens. On peut encore voir les restes de poutres calcinées dans les deuxièmes piliers de la porte. Elles sont visibles, à la même hauteur, sur les deux piliers qui se font face. L'ensemble de la structure totalisait 11 mètres de largeur par 18 mètres de longueur.
Maquette montrant la porte de la ville fortifiée (photo © Sébastien Doane)
La porte au temps du Royaume d’Israël (vers le 9e siècle av. J.C.)
J'imagine d'ici les cris d'allégresse, témoins de la joie qui vous envahie à la vue de quelque chose qui ressemble à une porte de ville et pas seulement à un tas de cailloux placés les uns sur les autres. Quoi de plus parlant qu'une bonne maquette en trois dimensions qui nous fournit un peu de perspectives?
Cette section de la maquette présente la porte du Fer de l'époque des Omrides (autour de 850 av. J.C.) puisqu'elle est rattachée au mur en saillies qui date de cette époque. On peut très bien imaginer que la succession des portes à cet endroit de la ville répondait, grosso modo, à l'image qui nous en est présentée ici. Voyons, en trois dimensions, les parties qui composaient cette porte de ville.
Une porte, c'est un maillon faible dans une muraille. C'est la raison pour laquelle elle est souvent construite comme une forteresse, décourageant ainsi les ennemis d'y pénétrer. La porte de la Megiddo est même précédée d'un autre complexe défensif extrêmement efficace.
En montant de la plaine par une rampe qui longe le bord nord du site, on rencontre d'abord une première tour. On a trouvé ici un escalier qui permettait d'accéder à un petit système d'eau aménagé à l'extérieur de la muraille principale, après l'époque salomonienne. On voit une descente qui s'amorce dans le bas de la photo, à gauche (depuis la première petite tour). Cet escalier était protégé par des murets de chaque côté. Dépassé cette première petite tour, on devait franchir une première porte flanquée de tours de garde de chaque côté.
Imaginez maintenant que vous êtes un ennemi (pourquoi pas Téglath-Phalassar III?). Vous voulez entrer dans la ville avec chars et fantassins. Vous devez affronter ici une première salve des soldats postés dans les tours. Vous avez aussi dû ralentir votre rythme d'avancée, puisque cette première porte doit être franchie avant d'aller plus loin. Faisons l'hypothèse que vous la traversez. Vous n'êtes pas au bout de vos peines, car, une fois de l'autre côté, vous devrez subir les attaques des soldats de la ville qui, cette fois, vous tirent dessus de toutes parts. En effet, vous vous trouvez alors au beau milieu d'une place gardée elle aussi par des tours. Votre bouclier, qui vous protégeait des flèches tirées sur votre gauche, ne vous est plus d'aucun secours pour les flèches venues de droite. Aïe, touché.
Votre course se trouve encore ralentie puisqu’ici, vous devez tourner à 90 degrés avant de faire face à la grande porte à trois tenailles. Nous avons donc ici, un amalgame de porte à tenailles et de porte à chicane simple. Vaudrait mieux y penser à deux fois avant de monter prendre cette porte d'assaut.
On comprend mieux, dans ces circonstances, pourquoi les envahisseurs préféraient faire le siège d'une ville plutôt que de tenter de la prendre par la force. C'était plus simple d'affamer la population et de la couper de ses sources d'approvisionnement, que de risquer de perdre des soldats dans un assaut presque perdu d'avance.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.