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Archéologie
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chronique du 15 janvier 2010
 

Un autel démantelé

En 1973, le grand archéologue israélien Yohanan Aharoni étudiait les magasins royaux de Beersabée, restaurés par le roi Ézéchias (716-687 av. J.-C.), après l’invasion destructrice du roi assyrien Sennachérib, en 701 av. J.-C. Son attention fut attirée par la forme quelque peu étrange de certaines pierres utilisées pour fermer les brèches des murs éventrés par l’envahisseur. Elles étaient très bien taillées, ce qui contrastait fort avec les autres blocs qui n’étaient que de gros moellons à l’état brut. En démontant ces murs, d’autres belles pierres de taille firent leur apparition. L’hypothèse première à formuler devant une telle singularité, c’est que ces pierres avaient été prises à un autre monument pour être ré-utilisées dans ces murs de magasins.

autel à cornes

L'autel à cornes reconstitué

     L’archéologue s’employa donc à rassembler toutes ces pierres, et quelle fut sa surprise de se trouver en présence d’un magnifique autel à sacrifices, muni de ses cornes aux quatre coins. Il fait 1,57 m de hauteur, en mesurant aussi les cornes, pour une largeur égale, soit encore 1,57 m; converties en coudées, ces dimensions donnent exactement trois coudées royales.

     Un autre autel de dimensions identiques avait déjà été découvert par le même archéologue, à Arad, sauf que celui-ci était fait de pierres non équarries, et qu’il fallait dater entre les Xe et VIIIe siècles av. J.-C. Comme ces deux autels appartiennent à des niveaux certainement israélites, on comprend l’intérêt qu’ils continuent de susciter.
La tradition veut que les plus anciens autels aient été faits de terre, tout simplement (Ex 20,24), ou encore d’une grande pierre à l’état naturel (Jg 13,19; 1 S 6,14). Avec l’évolution de la culture, un autel construit est toléré, mais à condition que les pierres soient gardées à leur état brut, puisque le ciseau pourrait les profaner, sans qu’il nous soit dit comment cela peut se faire (Ex 20,25; Jos 8,31). L’autel d’Arad est donc en conformité avec cette loi, mais celui de Beersabée étonne! Serait-ce là un signe d’un culte yahviste contaminé, ce qui expliquerait la condamnation du sanctuaire par le prophète Amos (Am 5,5; 8,14)? Un deuxième indice d’une paganisation possible, c’est le serpent que l’on peut voir gravé sur une des pierres.

autel à cornes

Autel où on voit, en rouge, un serpent gravé.

     La loi prescrivait aussi de munir ce grand autel à sacrifices de cornes à ses quatre coins (Ex 27,2; 38,2); l’autel de Beersabée nous en fournit une preuve lumineuse. La corne, qui évoquait le taureau, était le symbole de force et de puissance (Ps 75,11; 89,18.25; 112,9; etc.); elle ornait la coiffe des dieux du Proche-Orient ancien, comme signe de leur souveraineté sur le monde de la création. Israël n’avait pas hésité à l’attribuer aussi à son Dieu, comme expression de sa foi dans la puissance de salut de ce dernier (2 S 22,3). Ainsi les cornes de l’autel incarnaient donc en quelque sorte la présence divine sur l’autel : on comprend alors que le fugitif tombe sous la protection de Dieu s’il saisit ces mêmes cornes (Ex 21,14; 1 R 1,50; 2,28), et que c’est en cassant ces cornes qu’un autel perd son caractère sacré (Am 3,14).

     Une autre particularité des autels d’Arad et de Beersabée, c’est qu’ils ont exactement la même hauteur, soit 1,57 mètre, ce qui donne trois coudées royales à l’époque de leur construction. Or nous avons là une autre donnée en parfait accord avec la prescription de la loi (Ex 27,1; 38,1; 2 Ch 6,13).

     Nous pouvons nous demander pourquoi Ézéchias n’a pas cru bon de ré-utiliser ces mêmes pierres pour restaurer le sanctuaire de Beersabée, puisqu’à son époque on pouvait encore construire des temples à Yahvé à travers tout le royaume, mais qu’il les a plutôt « désacralisées » en les incrustant dans un mur de magasins. Une note du Livre des Rois nous en donne, je crois, la raison : ce roi s’est montré parfait yahviste en épurant le culte de toutes ses contaminations païennes (2 R 18,3-4). Un autel de pierres taillées, et marqué même du symbole du serpent, était en désaccord avec la loi; il ne pouvait donc pas être toléré davantage. Ainsi, l’autel de Beersabée nous fournirait en plus un signe concret de cette réforme religieuse de ce grand roi de la fin du VIIIe siècle avant notre ère.

Guy Couturier, CSC

Source : Parabole v/4 (1983).

Article précédent :
La synagogue de Capharnaüm

 

 

 

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