Ruines de la synagogue de Capharnaüm (Eddie Gerald / Wikipedia).
La synagogue de Capharnaüm
Guy Couturier | 13 novembre 2009
La dernière chronique d’archéologie a été consacrée à la découverte de la maison de Pierre à Capharnaüm. Il est presque nécessaire de revenir à ce site pour y étudier les restes de la synagogue, bâtie par les soins du centurion romain (Lc 7,5), et bien connue comme le théâtre du grand discours de Jésus sur le Pain de Vie (Jn 6).
En 1905, des archéologues allemands mirent à jour une synagogue, plus tard restaurée par les Franciscains. C’est ce monument qui fait encore l’objet d’admiration des pèlerins tant pour la qualité de son architecture que pour la beauté et la grande variété de son décor sculpté dans le basalte dur. Son plan est simple; on le retrouve dans plusieurs autres synagogues de Galilée, qui ont été construites à peu près à la même époque. Un atrium (A sur le plan), formant un quadrilatère irrégulier, est situé à l’est de la synagogue proprement dite. C’est par lui qu’on a accès cette dernière, orientée vers Jérusalem (B). Une colonnade divise la salle sur trois côtés; le côté sud est demeuré libre, car c’est en son milieu que l’armoire aux livres saints était aménagée (C). Une entrée secondaire à escalier était apposée au coin nord-ouest de cette salle (D); elle s’ouvrait sur une galerie intérieure où prenaient place les femmes. Ce bâtiment avait été identifié à la synagogue du temps de Jésus, mais il parut assez tôt que le style architectural exigeait une date plus tardive, soit la fin du IIe ou le début du IIIe siècle après J.-C. On en attribue la construction à la générosité des Sévères, des empereurs romains qui favorisèrent les Juifs dans tout le Proche-Orient ancien. Mais rapidement, une controverse a éclaté autour de cette datation.
Décorations sculptées de la synagogue de Capharnaüm (Ian Scott / Wikimedia)
En 1968, les Pères Corbo et Loffreda ont repris l’étude de Capharnaüm; grâce à des techniques de fouilles plus précises, la synagogue s’est avérée être construite sur un remblai formant une sorte de podium, et qui contient beaucoup de monnaies depuis l’époque hellénistique (IIIe siècle av. J.-C.) jusqu’à la moitié du IVe siècle ap. J.-C. La céramique présente dans ce même remblai doit être datée de la même période. Il est donc nécessaire de placer la construction de cette synagogue non pas au IIe siècle, mais à la fin du IVe ou au début du Ve siècle ap. J.-C.! Elle est alors contemporaine de l’église octogonale bâtie tout juste au sud, sur les vestiges de la maison de Pierre. Les archéologues israéliens ont tenté de maintenir la première datation pour des raisons autres que celles tirées du matériel archéologique, mais il faut sans doute souscrire aux conclusions des fouilles franciscaines.
Le remblai-podium de cette synagogue tardive repose directement sur un niveau de maisonnettes du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.-C.! Aucun signe donc d’une autre synagogue qui lui aurait été antérieure. Toutefois, on a découvert un gros mur de basalte qui court sous le périmètre de la salle principale de la synagogue, et recouvert lui aussi par le même remblai. Jusqu’à maintenant, aucune fonction ni aucune date ne peuvent être assignées à ce mur, car aucun autre vestige mieux connu ne peut lui être associé. Il pourrait être le mur de fondation de la synagogue des Sévères (fin du IIe siècle ap. J.-C.), mais certainement pas de celle du temps de Jésus, puisqu’il coupe les fondations des maisons de cette période. Après plus de cent ans de recherches à Capharnaüm, la synagogue que fréquentait Jésus reste encore inconnue. Il faudra sans doute la chercher dans un autre secteur de cette petite ville de Galilée.
Orientaliste et exégète de l’Ancien Testament, Guy Couturier (1929-2017) était professeur émérite de l’Université de Montréal.
Source : Parabole i/3 (1979).