chronique
du 8 octobre 2004
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La Mer de bronze Il fit, en métal fondu, la Mer. Elle avait dix coudées de diamètre, et elle était de forme circulaire. Elle avait cinq coudées de haut, et un cordeau de trente coudées en aurait fait le tour. Sous le rebord de la Mer, des coloquintes en faisant tout le tour, dix par coudée; elles encerclaient complètement la Mer. Ces coloquintes, en deux rangées, avaient été fondues dans la même coulée que la Mer. Celle-ci reposait sur douze bufs : trois tournés vers le nord, trois vers l'ouest, trois vers le sud et trois vers l'est. La Mer était sur eux et leur croupes étaient tournées vers l'intérieur. Son épaisseur avait la largeur d'une main et son rebord était ouvragé comme le rebord d'une coupe en fleur de lis. Elle pouvait contenir deux mille baths. Une chronique antérieure avait montré l'importance de l'archéologie pour donner une forme précise à des bassins roulants, utilisés pour le culte dans les cours du temple de Jérusalem. Ces bassins s'alimentaient, sans aucun doute, à une énorme vasque, remplie d'eau, que les règles de pureté rituelle et les travaux de nettoyage après les sacrifices et les assemblées de dévots rendaient nécessaires. Le temple était bâti sur un point élevé de la ville, comme partout ailleurs en Syrie-Palestine; l'absence d'une source est donc normale, d'où l'obligation de transporter l'eau depuis le point d'eau de la ville, ordinairement situé au pied de lacolline. Une telle vasque est bien décrite dans le livre des Rois, dont le nom Mer de bronze traduit la forte impression qu'elle provoquait chez les visiteurs (1 R 7,23-26; voir aussi 2 Ch 4,2-5). Deux éléments distincts font l'objet de la description de cette Mer de bronze. Tout d'abord la cuve elle-même est son centre d'intérêt. Elle était ronde, comme le supposent les détails fournis, mais on discute encore si elle était de forme cylindrique, conique ou sphérique; ses reconstitutions varient donc beaucoup. Son diamètre était de 4,6 m et sa hauteur, de 2,3 m; la circonférence qui en résulte est de 13,8 m. La capacité d'un tel bassin est de 38 000 litres; une erreur de calcul doit être à 1'origine des 68 000 litres de 1 R 7,26 et des 102 000 litres de 2 Ch 4,5 : de telles capacités ne peuvent correspondre aux dimensions données. On note que l'épaisseur de la paroi de ce grand vase est de 7,5 cm, ce qui est conforme à la poussée de la quantité d'eau qu'il contenait. Deux détails de sa décoration sont aussi fournis : son bord est évasé vers l'extérieur comme celui d'une coupe à boire, en prenant la forme d'une fleur; une double rangée de boutons de lotus encerclaient la paroi; ils avaient été coulés avec la cuve elle-même. Cette cuve de bronze était déposée sur une base impressionnante, coulée elle aussi en bronze. Elle consistait en quatre groupes de trois taureaux, chaque groupe orienté vers l'un des quatre points cardinaux. Les taureaux, sans qu'on sache s'ils étaient debout ou couchés, avaient leurs arrière-trains placés vers l'intérieur, ou sous la cuve elle-même. On peut estimer le poids total de la cuve et de son support entre 25 000 et 30 000 kg de bronze! Une telle masse de bronze pouvait être facilement l'objet de la convoitise de conquérants étrangers. En effet, en 734 avant J.-C., le roi Achaz a dû livrer la base ou les douze taureaux en tribut au roi assyrien (1 R 16,17). En 587, lors de la chute de Jérusalem sous les coups de Nabuchodonosor, la cuve est brisée en morceaux et on en transporte les morceaux à Babylone même. C'est donc le bronze qui est convoité, pour la fabrication d'armes ou d'autres objets nécessaires à la vie courante, et non la Mer en tant que telle, comme objet artistique! Une telle pratique est souventes fois confirmée dans les anales des rois assyriens et babyloniens, racontant leurs expéditions militaires dans tout le Proche-Orient. S'il est impossible de trouver les restes de cet ouvrage de bronze par des fouilles à Jérusalem, est-ce que des découvertes dans d'autres sites peuvent nous aider à le préciser? Des parallèles ont été proposés par des représentations de bassins devant des temples sur des bas-reliefs de palais assyro-babyloniens. Leur présence en de tels lieux confirme qu'ils faisaient normalement partie du mobilier cultuel des temples proche-orientaux, sans doute pour pourvoir l'eau nécessaire aux ablutions rituelles et au lavage. Toutefois, aucune base à taureaux n'est connue, et la forme des bassins est tantôt sphérique, tantôt conique. Ces reliefs ne nous sont pas de grand secours. Figure 1 : Reconstitution de L.H. Vincent (1956) Par contre, dans la cour d'un bon nombre de temples depuis le XVIIIe siècle avant J.-C., on a mis à jour des bassins qui ont rempli la même fonction. Tous ces bassins découverts sont en pierre, étant rectangulaires ou ronds. Mais ici encore, aucune de leurs bases n'est comparable à celle de la Mer de bronze; la plupart du temps ils sont posés directement sur le sol ou sur une plate-forme assez basse. La seule découverte qui soit vraiment intéressante fut effectuée à Amathonte, à Chypre. Dans la cour d'un temple du VIe siècle avant J.-C., se trouvait un bassin de pierre de forme sphéroïdale haut de 1,85 m et dont le diamètre mesure 3,20 m. Il était posé sur une petite base en anneau; quatre fausses anses étaient sculptées sous la lèvre, chacune abritant une tête de taureau. Si on en juge par la forme de certains petits bassins de bronze de la même époque, ce grand bassin de pierre devait imiter un prototype aussi en bronze. Mais la magnifique base en quatre groupes de trois taureaux chacun, à Jérusalem, reste encore un cas unique dans ce type d'ouvrage. Nous sommes invités à les représenter couchés (fig. 1) plutôt que debout (fig. 2), car leur présence, et celle de lions, est souvent attestée comme base de colonnes dans les porches de palais et de temples, et ils sont couchés; la station debout déséquilibrerait la proportion de la colonne elle-même et de sa base. Il peut en être de même pour la Mer de bronze, qui, d'ailleurs, acquiert plus de stabilité si les taureaux sont couchés. Figure 2 : Reconstitution de Th.A. Busink (1967) Malgré les incertitudes qui demeurent encore pour la reconstitution détaillée de cette pièce du mobilier cultuel, il reste acquis qu'elle est bien en place dans la cour du temple de Jérusalem, à l'instar des autres temples du Proche-Orient ancien. Guy Couturier, CSC Source : Parabole xvi/2 (1993). Bases roulantes pour bassins
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