chronique
du 10 septembre 2004
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Bases roulantes
pour bassins Une des pièces du mobilier cultuel du temple de Salomon, à Jérusalem, demeure un casse-tête pour tout traducteur de sa description dans le texte hébreu du Premier livre des Rois 7,27-39 : l'auteur utilise un vocabulaire technique de haute antiquité pour référer à des formes générales et à plusieurs détails de cette pièce que nous ne rencontrons pas ailleurs, non seulement dans l'Ancien Testament, mais aussi dans des textes des peuples voisins. La racine du mot désignant cet objet (kûn) signifie « tenir, supporter »; comme l'objet est muni de roues, on traduit donc généralement le terme par base (roulante). Le mobilier cultuel comptait dix de ces bases. Si nous nous limitons aux seules grandes lignes de la description, nous pouvons nous représenter les éléments suivants. Celui qui est le plus apparent, et aussi le plus longuement décrit, consiste en une sorte de boîte ou de caisse carrée de 4 coudées de côté et de 3 coudées de hauteur (la coudée normale mesure environ 45 cm; la coudée royale était longue de 52,5 cm environ; on suppose, ici, que l'auteur fait référence à la coudée royale). Chacun des côtés ressemblait à un châssis (ajouré) enfermé dans un cadre; les quatre châssis donc, ou panneaux, étaient décorés de lions, taureaux et chérubim (sphinx); les cadres étaient gravés de volutes (torsades) et de palmettes (palmes stylisées). Un deuxième élément mentionné n'est rien d'autre que les quatre roues, montées par paires sur deux essieux bien fixés sous la caisse; le diamètre des roues est de 1,5 coudée. Le troisième élément décrit était situé au-dessus de la caisse carrée : il s'agit d'une sorte de support, haut d'une demi coudée, de forme circulaire, bien rivé à cette caisse par des tenons; la face extérieure de ce bandeau était gravée de lions, taureaux et chérubim. Il s'agit donc, de toute évidence, d'une sorte de chariot servant à déplacer un bassin. Le texte, d'ailleurs, mentionne aussi ce bassin, de forme circulaire, comme il convient, dont la capacité est de 40 bats (le bat équivaut à 45 litres environ). On ne mentionne aucune décoration sur ce bassin. Enfin, on nous dit que ces dix chariots et leurs bassins, tous coulés en bronze, étaient répartis en deux groupes de cinq, disposés de chaque côté du temple lui-même. Des découvertes archéologiques, encore une fois, non seulement nous aident à mieux lire le texte de 1 R 7,27-39, mais elles nous permettent même de pouvoir reconstituer de façon assez précise ces chariots roulants. En effet, en Syrie-Palestine, en Asie mineure, à Chypre et en Grèce, depuis la deuxième moitié du IIe millénaire jusqu'à la fin du Ier millénaire avant J.-C., nous découvrons des supports à bassin, en bronze, de grandeur naturelle ou miniaturisée; ce dernier cas se rapporte à des objets servant d'ex-votos. Ces supports sont de trois types fondamentaux. Figure 1 : Le premier type consiste tout simplement en trois pieds rivés à un cadre circulaire, pour recevoir le bassin. Des gravures peuvent orner les pieds comme le cadre, et des grenades pendantes peuvent s'ajouter à ce décor (fig. 1). Figure 2 : Base d'Enkomi Le deuxième type est plus complexe : essentiellement, il s'agit d'une sorte de caisse carrée supportant un anneau sur lequel on peut y déposer un bassin; cette base ne repose toutefois que sur quatre petits pieds. Les côtés, en châssis, comportent toujours des motifs décoratifs, ajourés, représentant des animaux, réels ou mythiques, et parfois des hommes et des femmes (fig. 2). Figure 3 : Base roulante
de Larnaka C'est le troisième type qui est le plus intéressant, car il correspond de façon exacte à la base décrite dans le premier livre des Rois. En effet, la base carrée sur pieds mentionnée ci-dessus est maintenant munie de roues, qui permettent donc de déplacer facilement le support à bassin. Les châssis de la caisse, l'anneau supportant le bassin, les montants des châssis sont bien décorés (fig. 3); les motifs décoratifs énumérés dans le texte du premier livre des Rois sont tous présents sur l'une ou l'autre de ces bases roulantes découvertes jusqu'à date. Il est alors facile de dresser le plan complet d'un de ces chariots du temple de Salomon à la lumière de ces découvertes projetée sur le texte qui les décrit. La fonction de ces chariots est facile à déterminer. On sait qu'une grande quantité d'eau était nécessaire, au temple, pour les nombreuses purifications des prêtres et pour le nettoyage de l'autel et de son voisinage, car les sacrifices d'animaux, nombreux, entraînaient nécessairement une malpropreté indigne d'un lieu sacré. Un bassin gigantesque, inamovible, appelé « mer d'airain », était la source première de cette eau (1 R 7,23-26; une prochaine chronique s'y attardera); les dix bassins sur chariots distribuaient cette eau aux endroits appropriés. Guy Couturier, CSC Source : Parabole xv/1 (1992). Sceau d'un roi ammonite
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