chronique
du 13 septembre 2002
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Du vin et de
l'huile L'Ancien Testament traverse les siècles grâce à une communauté de croyants qui le garde vivant, jusqu'à nos jours, comme le témoin vénéré de sa foi. C'est là un phénomène rare dans l'histoire des littératures anciennes. Toutefois, la question de savoir si l'ouvrage nous a été transmis tel quel ou augmenté en cours de route alimente un débat qui semble devoir durer. Des savants de plus en plus nombreux croient que l'écriture n'était que très peu utilisée en Israël avant l'exil (VIe siècle avant J.-C.). Voilà pourquoi les textes des prophètes du VIIIe siècle, les premiers « prophètes écrivains », croit-on, n'auraient été rédigés que plusieurs siècles après leur mort. Ils ne refléteraient donc pas leur époque, mais celle de la rédaction. Des découvertes archéologiques permettent de douter de cette position. Un luxe au goût douteux Nous nous souvenons tous du prophète Amos, cette première voix à clamer bien fort, au VIIIe siècle avant J.-C., que Yahvé n'est bien servi que par un grand souci de justice sociale. Cet humble berger des environs de Bethléem s'étonne du luxe des belles maisons du royaume d'Israël. Ces maisons présentent une architecture soignée; leurs meubles sont ornés d'ivoire (voir Am 3,15; 6,4) comme ceux des palais royaux; on y organise des dîners-concerts relevés (voir 4,1). De riches Israélites se paient deux maisons : une première en montagne pour l'été et une autre dans les plaines au climat doux, pour l'hiver! (3,15). Ce luxe n'est pas un mal en soi, sauf qu'il est le fruit de la violence et du vol (3,10). Le prophète mentionne souvent la consommation par trop généreuse du fruit de la vigne, le vin. Des « vignes délicieuses » ou « paradisiaques » couvrent le pays; elles deviendront un théâtre de lamentations et la proie de la sécheresse (4,9) parce que des cultivateurs exploitent le pauvre. Le vin que l'on en tire arrose à flots les banquets fréquents; on contraint même le nazir (engagé par vu à s'abstenir de vin) d'en boire. Le comble, c'est qu'on se procure cette boisson convoitée même comme amende injuste imposée aux paysans pauvres (2,8). Une seule fois, à propos de l'usage de l'huile, Amos fait allusion à celle de « première qualité » dont on s'enduit le corps (6,6). Aux riches, la qualité! Au début du siècle, des archéologues
fouillent le palais de Samarie, capitale d'Israël. Dans l'une des
salles, on découvre 65 billets d'expéditions, au palais,
de denrées prélevées comme tribut sur les agriculteurs;
ils datent tous du temps du prophète Amos. Figure 1 : Un billet d'expédition
du palais de Samarie L'un des biens les plus souvent mentionnés
est le vin vieux (uâyin yâshân: voir no
1,2-3; 3,2-3; 6,3-4; 12,3-4; 13,3; etc.: fig. 1, mots soulignés);
il est donc clair que déjà on produit différentes
qualités de vin, et l'excellent est revendiqué par la classe
dirigeante. Souvent on lit qu'on doit aussi fournir au palais de l'huile
lavée (shémèn râhâs: voir
n� 6,3; 18;19; 53-55; etc. fig. 2, mots soulignés) en quantité
non négligeable. C'est la première fois qu'un tel adjectif
est accolé au mot « huile », ce qui ne va pas
sans étonner; il paraît tout indiqué de l'interpréter
au sens d'« huile de qualité » d'Am 6,6 :
les paysans produisent donc de l'huile fine ou raffinée dont la
destination première est de frictionner le corps. Une huile réservée
à cette même classe aisée de la capitale. Figure 2 : Un autre billet mentionne de l'huile lavée Voilà donc des témoins directs d'un certain luxe développé chez les privilégiés de la société israélite, au temps du prophète Amos. Sommes-nous autorisés à mettre en doute la véracité du témoignage de ce prophète? L'écriture existait bel et bien de son temps; et déjà des disciples ont pu consigner, dans un écrit, l'essentiel de ses protestations à l'adresse d'exploiteurs éhontés. Guy Couturier, CSC Source: Parabole xix/3 (1997). Article précédent
:
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