chronique
du 23 août 2002
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Un tronc du
pauvre? Découvert en 1911 et oublié dans un coin d'armoire d'un musée de Jérusalem, un petit bol portant une inscription vient d'éveiller la curiosité des archéologues et des biblistes. Même les musées cachent encore des richesses insoupçonnées! Figure 1 : Petit bol trouvé à Beth-Shémèsh Trouvé à Beth-Shémèsh, ville moyenne de Juda, le bol mesure 19,5 cm de diamètre sur une hauteur de 9 cm (fig. 1). Son intérieur présente une décoration de cercles faits d'une matière luisante, rouge. Sa forme comme sa décoration correspondent tout à fait à certaines pièces de vaisselle judéenne de la deuxième moitié du VIIIe siècle avant J.-C. Sur ce point, l'unanimité est déjà faite. L'énigme Sur sa paroi intérieure, une inscription de trois lettres gravées dans la céramique et très lisibles demeure inexpliquée pour la majorité des savants (fig. 2). La lettre centrale a une forme étrange : de toute évidence il s'agit d'un het (un « h » dur), écrit en négatif! Le scribe devait graver souvent des sceaux, exigeant justement une écriture en négatif. Figure 2 : Inscription sur le bol Le mot ðhk signifie tout simplement « ton frère »! On a généralement considéré ce mot comme un nom propre, car il est normal de rencontrer le nom du propriétaire inscrit sur un vase. Mais on est en droit de mettre en doute une telle explication. Tout d'abord, on s'attendrait à lire la lettre « l » devant le nom, notre préposition « à », déterminant précisément le propriétaire. Or, nulle part dans l'Ancien Testament et au Proche-Orient on n'a rencontré, à ce jour, un tel nom propre ne désignant qu'un lien de parenté! Certains savants ont donc pensé qu'il pourrait s'agir là de l'abréviation d'un nom plus long, comme « Ahimélèk » signifiant « mon frère est roi ». Encore faut-il démontrer qu'une telle abréviation existe. Une explication toute récente serait davantage plausible. Le mot ainsi inscrit « ton frère » n'est pas un nom propre; il désigne plutôt la nature ou la fonction du vase lui-même. L'hypothèse s'appuie sur le mot qdsh « saint/sacré » inscrit sur des bols de la même époque. Ces vases servaient à recueillir des offrandes pour le culte ou à apporter chez soi des dons sacrés reçus au sanctuaire; c'est l'avis de tous ceux qui ont étudié ces vases. Ainsi notre petit bol serait destiné à un frère; tentons d'expliquer comment. la clé! Dans l'Ancien Testament comme au Proche-Orient, le mot « frère » désigne parfois une personne de même niveau social que celui qui l'utilise, par exemple deux rois (1 R 9,13; Nb 20,14). Surtout dans les textes de lois de l'ancien Israël, le mot « frère » désigne fréquemment le jeune Israélite, très souvent qualifié de pauvre. En situation précaire, ce « confrère » devient objet d'attention. Il a droit qu'on lui fournisse de la nourriture, de l'argent sans intérêt, qu'on lui procure même un travail bien rémunéré : une telle sollicitude s'inspire de l'exemple de Yahvé, qui a libéré son peuple de l'esclavage égyptien, ce dénuement extrême que ne pouvait supporter le Dieu d'Israël (Lv 25,25.35-43; Dt 15,7-12). Au frère pauvre, on va jusqu'à laisser la récolte sabbatique (celle de la septième année : Ex 23,10-11; Lv 25,6); on lui offre même la dîme de la troisième année (Dt 26,12-13), que la loi juive du temps de Jésus appelait la « dîme du pauvre ». Voilà donc pourquoi on est en droit de croire que ce bol « ton frère » servait à recueillir les dons destinés à ces pauvres Israélites, nos dignes frères parce que libérés, comme nous tous, par la générosité de Yahvé. Guy Couturier, CSC Source: Parabole xviii/3 (1996). Article précédent
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