chronique
du 28 juin 2002
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Que de chiens...
sacrés? Une énorme surprise, puis une cascade d'interrogations: entre Tel Aviv et Gaza, un cimetière de chiens! À Ascalon, ville portuaire de la côte méditerranéenne de la Palestine, plus de 700 tombes mises au jour lors de fouilles récentes. Et la mer en aurait emporté plus de mille autres au cours des siècles. Jamais l'Antiquité ne nous a fourni un tel spectacle! Depuis le XIe siècle jusqu'à sa prise par les Babyloniens, en 604 av. J.-C., (quelques années avant la chute de Jérusalem, sous les mêmes forces ennemies, en 586), Ascalon était une des grandes villes philistines de cette région palestinienne. Par la suite, des Phéniciens, pour la plupart originaires de la région de Tyr et de Sidon (actuel Liban) rebâtirent Ascalon sur les ruines. C'est pendant l'érection de la nouvelle ville que le cimetière de chiens se développe, soit entre 450 et 400 av. J.-C., une période assez courte, en somme. Quel spectacle! Les bêtes sont toutes ensevelies
de la même façon: allongées sur le côté,
les pattes repliées sous le ventre, la queue enroulée autour
des pattes de derrière. Elles sont parfois superposées (jusqu'à
trois), sans identification ni objet déposé à côté
d'elles. Les squelettes d'un chiot et
d'une chienne reposent sur le côté, La plupart sont des chiots; on a même retrouvé quelques foetus. Les sujets adultes permettent de nous représenter un animal de 52 cm de hauteur, pesant autour de 9,5 kg. Un animal assez semblable au chien des bergers bédouins de la Palestine actuelle. Les chiens meurent sans doute de mort naturelle. Les ossements ne portent aucune marque de coups. Ils n'ont été ni bouillis ni exposés au feu. Les chiens n'ont donc pas servi de viande de boucherie, comme on pourrait le croire: les Perses n'accusaient-ils pas les Phéniciens de Carthage de s'en nourrir? Ils n'ont pas, non plus, été sacrifiés à quelque divinité, comme on aurait tendance à le supposer. Une attention aussi soutenue entourant l'ensevelissement des chiens de tous âges semble dépasser la simple affection de l'homme pour ces charmants compagnons. Sans quoi, d'autres cimetières du genre auraient déjà été découverts. Une hypothèse surgit presque spontanément:
ce cimetière correspond à une pratique religieuse. Le chien
aurait-il eu quelque lien avec un dieu ou une déesse, dans l'Antiquité?
- se demande-t-on aussitôt. Croquis du cimetière
de chiens Des chiens dans les sanctuaires? On a pu détecter, ça et là, un tel lien, mais il est si rare et obscur qu'il ne peut suffire à expliquer pareil cimetière. Par contre, les Phéniciens associent souvent le chien à un dieu guérisseur. Comme nous, les anciens ont bien observé que cet animal a le pouvoir de guérir ses plaies en les léchant avec une quasi-dévotion. Pour cette raison, le chien figure parmi les attributs d'Asclépios (l'Esculape des Romains), le dieu-médecin des Grecs. On peut donc croire que des chiens « consacrés » à ce dieu de la guérison rendaient un tel service dans les sanctuaires. Pour la ville d'Ascalon, il devait s'agir du dieu Eshmûn. Deux textes de l'Ancien Testament, demeurés quelque peu énigmatiques, semblent confirmer cette hypothèse du chien voué au dieu guérisseur. Isaïe (66,1-4) critique un culte qui dégénère sous l'influence du paganisme. Au verset 3, il oppose certaines pratiques: « On sacrifie le boeuf, on abat un homme; on immole l'agneau, on assomme un chien ». Ce passage de l'époque du cimetière d'Ascalon (fin du Ve siècle), témoigne de la valeur quasi « sacrificielle » de l'animal. Autre texte à l'appui de la présence de chiens dans les sanctuaires. En Deutéronome 23,18-19, on interdit d'apporter au temple de Jérusalem le « salaire » d'une prostituée cultuelle, comme c'était l'usage chez les Cananéens. À ce « salaire », on joignait celui d'un chien, un mot que l'on a toujours interprété comme le nom symbolique d'un prostitué mâle! Le terme ne serait-il pas à prendre au sens propre, soit le service d'un chien dédié à Yahweh pour obtenir une guérison? Le cimetière d'Ascalon nous invite fort à réfléchir dans ce sens. Ce ne serait pas la première fois, ni la dernière, qu'Israël aurait introduit des pratiques étrangères dans son culte, si dépouillé! Guy Couturier, CSC Source: Parabole xxiv/2 (2001). Article précédent
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