Les trois hébreux dans la fournaise. Fresque des catacombes de Priscille, Rome, 3e siècle (Pinterest).

À toi, louange et gloire!
Cantique des trois enfants – AT 40

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 19 avril 2021

Référence biblique : Daniel 3, 52-57
Liturgie des Heures : Dimanche II et IV – Laudes

52 Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères
à toi, louange et gloire éternellement !

Béni soit le nom très saint de ta gloire :
à toi, louange et gloire éternellement !

53 Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire :
à toi, louange et gloire éternellement !

54 Béni sois-tu sur le trône de ton règne :
à toi, louange et gloire éternellement !

55 Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes :
à toi, louange et gloire éternellement !

Toi qui sièges au-dessus des Kéroubim :
à toi, louange et gloire éternellement !

56 Béni sois-tu au firmament, dans le ciel :
à toi, louange et gloire éternellement !

57 Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez-le :
à toi, louange et gloire éternellement !

Sens original. Le cantique AT40 est un modèle de bénédiction juive qui loue Dieu pour sa souveraine transcendance. Il agit comme introduction à une longue exhortation à la louange que la liturgie retient comme un cantique séparé, AT41. Ensemble, ces deux cantiques reprennent l’intégralité d’une prière – le Cantique des trois enfants – que nous retrouvons seulement dans la version grecque du livre de Daniel (la Septante, mais aussi dans Théodotion.) Les Églises issues de la Réforme ne reconnaissent comme canoniques que les passages hébreux ou araméens de ce livre, c’est pourquoi on ne retrouve ni AT40, ni AT41 dans les bibles dites protestantes.

Ce Cantique des trois enfants a une origine inconnue, séparée du reste du livre de Daniel. Il a été inséré dans un récit exemplaire qui présente trois jeunes Juifs prêts à subir le martyre plutôt que d’adorer les idoles de leurs oppresseurs. Le roi ennemi les fait jeter dans une fournaise ardente – genre de four crématoire – mais un ange se joint à eux et rend le milieu de la fournaise « comme un vent de rosée rafraîchissant. » (Dn 3,50) Ce miracle provoque leur hymne de louange, qui s’ouvre avec la bénédiction rapportée dans les versets 52-56.

Cette hymne est évidemment d’origine liturgique, structurée de façon à provoquer un répons de l’assemblée : « À toi, louange et gloire éternellement. » On y béni le Dieu d’Israël qui habite le Temple de Jérusalem tout en régnant dans les hauteurs d’où il domine toute créature (même les Kéroubim, créatures mystérieuses dans laquelle la tradition judéo-chrétienne a vu des anges). La liturgie choisit de conclure AT40 avec le premier verset de la longue exhortation qui suit, « Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur. »

À la lumière des Évangiles. La prière que Jésus enseigne à ses disciples commence d’une façon semblable au cantique en évoquant le Dieu qui règne aux cieux et en invitant les disciples à sanctifier son nom. Mais plutôt que d’invoquer « le Dieu de nos pères », Jésus donne directement à Dieu le nom de « Père », « notre Père ». En deux mots, Jésus marie la transcendance de Dieu à son immanence. Pour lui, Dieu ne fait pas que régner par-dessus l’univers tel un empereur sur son trône inatteignable ; Dieu se fait proche de nous. Jésus nous invite à reconnaître en Dieu un Père miséricordieux, tendre et plein d’amour.

Pour Jésus, la transcendance de Dieu n’est pas une force dominatrice qui risque de nous écraser, ni une distance incalculable qu’on ne pourrait jamais traverser. Sa transcendance est amoureuse, créatrice, guérissante et libératrice. Dans sa toute-puissance, Dieu nous donne la vie, protège notre vie, nous faire revivre : d’où le beau nom d’Abba que Jésus nous invite à lui donner.

Dans ma vie. Dieu le Père ne veut pas la mort de ses enfants. Dans l’Ancien Testament, il avait fait sortir les trois jeunes Juifs de la fournaise ardente. D’une façon encore plus merveilleuse, il a fait sortir Jésus du tombeau, le relevant d’entre les morts, pour le faire siéger à sa droite dans les cieux. Voilà pourquoi j’aime reprendre ce cantique le dimanche matin alors qu’avec l’Église tout entière je célèbre la résurrection de Jésus.

Lorsque je subis une épreuve, lorsque je suis assailli par des doutes, il est bon pour moi de me tourner vers mon Père pour le bénir, pour sanctifier son nom, pour trouver en lui la source de mon espérance. Car je sais qu’il veut pour moi ce qu’il a accompli en Jésus : me relever et me faire vivre pleinement.

Dans le plan de Dieu. « À notre Dieu et à son Christ, la royauté sur l’univers. Alléluia! » Ce répons de l’office de vêpres pour l’Épiphanie fait écho à l’acclamation de « toute créature au ciel, sur terre, sous terre et sur mer » selon le livre de l’Apocalypse : « À celui qui siège sur le trône et à l’agneau, louange, honneur, gloire et pouvoir pour les siècles des siècles. » (Ap 5,13-14). Notre bénédiction de Dieu dans la Liturgie des heures n’est qu’un pâle reflet de la réalité ultime que Jésus a ouvert pour nous dans sa Passion et sa Résurrection. Que le refrain des trois jeunes Juifs nous aide à participer à cette réalité transcendante dès aujourd’hui : « À toi, louange et gloire éternellement ! »

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.