Initiale I – psaume 25. Manuscrit enluminé, circa 1260. Psautier Rutland, British Library (Add MS 62925), Londres.
« C’est trop injuste! » : Psaume 26 (25)
Jean Grou | 20 mai 2019
1 Seigneur, rends-moi justice : j'ai marché sans faillir. * Je m'appuie sur le Seigneur, et ne faiblirai pas.
2 Éprouve-moi, Seigneur, scrute-moi, * passe au feu mes reins et mon coeur.
3 J'ai devant les yeux ton amour, je marche selon ta vérité.
4 Je ne m'assieds pas chez l'imposteur, je n'entre pas chez l'hypocrite.
5 L'assemblée des méchants, je la hais, je ne m'assieds pas chez les impies.
6 Je lave mes mains en signe d'innocence pour approcher de ton autel, Seigneur,
7 pour dire à pleine voix l'action de grâce et rappeler toutes tes merveilles.
8 Seigneur, j'aime la maison que tu habites, le lieu où demeure ta gloire.
9 Ne m'inflige pas le sort des pécheurs, le destin de ceux qui versent le sang :
10 ils ont dans les mains la corruption ; leur droite est pleine de profits.
11 Oui, j'ai marché sans faillir : libère-moi ! prends pitié de moi !
12 Sous mes pieds le terrain est sûr ; dans l'assemblée je bénirai le Seigneur.
« C’est trop injuste! », lançait à répétition Calimero, héro d’un dessin animé très populaire à une certaine époque. On aurait pu mettre dans sa bouche (ou plutôt dans son bec) le Psaume 26 dans lequel la victime d’une injustice clame son innocence.
Le Psaume 26 entre dans la grande famille des psaumes de supplication. Son auteur lance un appel au Seigneur en qui il manifeste une confiance inébranlable. Avec insistance, il se dissocie de ceux qui commettent de mauvaises actions et rappelle son indéfectible fidélité au Dieu tout-puissant.
Les versets centraux (v. 6-8) nous amènent au beau milieu du temple, avec l’évocation de ce qui semble être un rituel de purification, à savoir se laver les mains et faire le tour de l’autel. On peut en déduire que le sujet de cette prière était au départ un prêtre, puisque seuls les membres de la caste sacerdotale étaient autorisés à pénétrer au cœur du sanctuaire et à s’approcher de l’autel.
Certains passages du Psaume 26 rappellent les paroles de Job, illustre personnage biblique infligé d’un malheur immérité, sans raison apparente. Comme Job, le psalmiste crie son innocence et dénonce l’absurdité de son épreuve, mais jamais il ne rompt la relation avec le Seigneur. Il est tellement assuré que ce dernier lui donnera finalement raison qu’il prévoit déjà lui exprimer sa reconnaissance : « Je dirai merci au Seigneur », dit-il en conclusion.
Intégrer ce psaume à sa prière personnelle ne va pas de soi de prime abord, à moins de subir soi-même une injustice ou de la calomnie, ce qu’on ne souhaite à personne. Mais en ouvrant ses horizons, on peut le réciter ou le chanter en solidarité avec les gens ou les peuples brimés, oppressés et dont les droits sont bafoués. Et malheureusement, ces cas ne manquent pas… Et puis, il faut garder à l’esprit que le Christ Jésus est au premier rang de ces victimes, ayant affronté un simulacre de procès et l’abandon des siens.
Contrairement à l’auteur du Psaume 26 cependant, Jésus n’a jamais fait valoir qu’il se tenait loin des pécheurs, des gens peu recommandables et malhonnêtes. Les bienpensants lui ont même reproché ses fréquentations… douteuses. Évidemment, il n’agissait pas ainsi pour s’allier à eux et commettre le mal, mais bien pour leur révéler le visage miséricordieux du Père. Pour les amener, si possible, à changer leur cœur et leur signifier, par ses gestes et ses paroles, qu’il n’est jamais trop tard pour mener « une vie sans reproche », pour emprunter une expression du Psaume 26.
Ce psaume peut enfin nous rappeler que lorsque le malheur frappe, la pire chose à faire est de se replier sur nous-mêmes et nous dire que c’est la fin de tout. Nous pouvons toujours trouver une oreille attentive auprès du Seigneur, même si la réalité qui nous entoure semble montrer le contraire.
Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.