Prier
avec l'histoire
Il ne nous vient pas souvent à l'esprit d'ouvrir un manuel
d'histoire pour alimenter notre prière ou notre méditation.
Pourtant, puisque « le Verbe s'est fait chair et qu'il
a habité au milieu de nous » (Jn 1,14), puisqu'il
a promis « d'être avec nous jusqu'à la fin
du monde » (cf. Mt 28,20), c'est bien au coeur de l'histoire
que Dieu se révèle et veut être reconnu. Certes,
les chrétiens sont, par rapport à l'histoire, dans
une situation différente de celle des croyants de l'Ancien
Testament. En Jésus, le projet de Dieu atteint son accomplissement
total. Désormais, il n'y a plus une série d'événements
disparates, mais un aujourd'hui où s'accomplit la Parole
de Dieu (cf. Lc
4,21). C'est là qu'il faut apprendre, avec patience,
à discerner les signes des temps, à reconnaître
ce que « l'Esprit dit aux Églises » (cf.
Ap. 2,7.11.17; etc.). Dans la première Alliance, les croyantes
et les croyants avaient déjà cette habitude de relire
l'histoire de leur peuple à la lumière de leur foi
et d'en faire une occasion de prière qui peut être
action de grâce, demande de pardon, exhortation morale, instruction
à la jeunesse, etc.
Dans cet article, je vous propose
d'explorer un des plus connus des psaumes historiques, celui que
la liturgie juive appelle le Grand Hallel, chanté à
l'occasion du repas pascal.
Psaume
136(135)
1) Repérer les grandes articulations du psaume.
2) Identifier les événements dont il est question.
Y a-t-il des absences significatives?
3) Quel rôle joue le refrain dans ce psaume?
4) Quelle vision de l'histoire se dégage de ce psaume?
Observations
Le psaume commence par un invitatoire,
c'est-à-dire un appel solennel à participer à
la louange de Dieu. Les trois premiers versets expriment à
trois reprises cette invitation à reconnaître et à
proclamer la grandeur, la puissance et la bonté de Dieu.
Le motif de cette louange est énoncé de manière
générale au v. 4 : « Dieu seul
fait des merveilles. »
On passe ensuite au motif de la création
(vv. 5-9) en rappelant quelques-uns des éléments
du récit de Gn
1.
Les versets 10 à 22 rappellent
les grandes étapes de l'histoire d'Israël, commençant
avec la dernière plaie d'Egypte, la mort des fils aînés
(v. 10; cf. Ex
12,28-29), jusqu'à la conquête de la Terre Promise
(vv. 21-22 qui résument en deux phrases tout le contenu
des livres de Josué et des Juges). C'est la partie proprement
historique du psaume. Les versets 23-24 font probablement allusion
à l'actualité de l'auteur, à savoir la délivrance
de l'exil à Babylone et le retour en Terre Promise (538 a.c.).
La conclusion (vv. 25-26), reprend
le thème du début sur la bonté universelle
de Dieu et l'invitation à la louange.
Après le rappel de la création
du monde, en des termes qui rappellent Gn 1, l'auteur s'attache
surtout aux événements reliés à l'exode.
Les versets 10-15 résument les chapitres 12 à 15 du
livre de l'Exode, la section suivante, vv. 16-22, concerne
la marche au désert (v. 16) et la conquête de
la Terre Promise, avec une insistance spéciale sur les territoires
situés à l'est du Jourdain (vv. 17-20; cf. Nb
21,21-35). Assez curieusement, le psaume ne fait pas mention
du don de la Loi au Sinaï, ni d'autres événements
de l'époque du désert comme la manne.
Ce psaume comporte un refrain répété
à chaque verset: car éternel est son amour. Il s'agit
d'une formule liturgique qui apparaît aussi ailleurs dans
le psautier (voir, par exemple, Psaume
118(117) 1-4; 2 Ch 20,21).
Dans le contexte du psaume 136, c'est ce refrain qui donne sens
à ce qui, autrement, ne serait qu'une énumération
d'événements sans lien entre eux. Le refrain vient
rappeler que, à chaque étape de l'histoire, Dieu est
à l'oeuvre pour manifester son amour toujours fidèle.
Ce psaume ne fait pas beaucoup de
place à l'initiative humaine dans la conduite de l'histoire.
Tout est rapporté à Dieu. Cette vision de l'histoire
peut heurter notre sensibilité. Elle nous rappelle, par contre,
que Dieu est, ultimement, la source et la fin de la création
et du temps. À l'intérieur de cet espace, les humains
ont la responsabilité de prendre les décisions nécessaires
pour répondre à Dieu et à son projet d'amour.
Jérôme Longtin, ptre
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