Le miroir
de la Providence
Le problème de la persistance du mal dans un monde sauvé
par Dieu et celui qui en découle, la rétribution des
justes et des méchants, hantent la conscience humaine depuis
toujours. Le
livre de Job, par exemple, est entièrement consacré
à cette question. Il est donc normal que ces interrogations
fondamentales aient fait leur chemin jusque dans la prière
d'Israël. De fait, les psaumes abordent ces questions de plusieurs
manières et ne proposent pas une réponse unique; par
exemple, les psaumes 38(37)
et 39(38),
avec des accents parfois très proches du livre de Job, s'adressent
à Dieu en reconnaissant que le malheur est un juste châtiment
du péché, ce qui est l'opposé de la position
de Job. Le psaume 37(36) expose, de son côté, la doctrine
traditionnelle de la rétribution, telle qu'on le trouve aussi,
par exemple, dans le Psaume 1. C'est Tertullien (auteur chrétien
du IIIe siècle) qui a donné à ce psaume 37(36)
le titre de « miroir de la Providence ».
Lire
le Psaume Ps 37(36)
1. Quel est l'accent majeur de ce psaume?
2. Qui parle en « JE » dans ce psaume?
3. À qui le psaume s'adresse-t-il?
4. À quelle personne Dieu y est-il figuré?
5. Y a-t-il, dans ce psaume, des allusions à des événements
connus qui permettraient de le situer dans l'histoire?
6. Où pouvons-nous nous situer pour prier ce psaume?
Observations
La note dominante du psaume est nettement
une comparaison entre le sort du juste et celui de l'impie. Sur
le ton de l'enseignement, le psalmiste invite à s'en remettre
avec confiance à la justice de Dieu; malgré les apparences,
Dieu trouve toujours le moyen de punir le méchant et de récompenser
le juste. Les malheurs qui frappent les amis de Dieu sont des occasions
pour celui-ci de manifester sa bonté. Il s'agit là
de la doctrine la plus conventionnelle de la rétribution
terrestre, typique de la
tradition de la sagesse. C'est pourquoi ce psaume appartient
au courant littéraire qu'on appelle sapientiel.
Par ailleurs, ce psaume est un
poème alphabétique, c'est-à-dire que chaque
strophe commence par une lettre de l'alphabet, dans l'ordre (au
v. 28b, il y a une exception, c'est pourquoi les traducteurs
corrigent habituellement le texte pour rétablir la lettre
aïn). Cette forme de poésie a été
très populaire en Israël; on en retrouve des exemples
dans les Psaumes, les Proverbes, les Lamentations. Elle restreint
cependant la liberté d'expression du poète, ce qui
entraîne certaines difficultés dans la cohérence
du texte.
L'auteur du poème s'exprime
en JE à deux endroits: v. 25 et 35-36. Il se
présente comme quelqu'un d'âge mûr (v. 25),
donc rempli d'expérience. Il se base sur ce qu'il a vu pour
appuyer ses dires (vv. 35-36).
Le sage s'adresse à quelqu'un
dont l'identité n'est pas précisée mais qui
apparaît comme un disciple qui doit être formé.
Le maître lui promet une longue vie (v. 27) et du bonheur,
s'il reste fidèle à Dieu.
Le sage parle de Dieu à la
troisième personne. Il s'agit donc bien d'un poème
didactique, c'est-à-dire qui vise à enseigner
quelque chose. Dieu y apparaît comme celui sur qui on peut
compter en tout temps (cf. vv. 3.5.7), celui en qui on espère
(v. 9), celui qui connaît tout (v. 18), qui aime
le droit (v. 28), qui n'abandonne pas ses fidèles (vv. 24.28.33),
celui, enfin, qui peut donner le salut (v. 3a). Il s'agit donc
bien du Dieu de l'Alliance.
Ce psaume est parcouru par un thème
qui revient de manière constante, celui de la possession
de la terre (vv. 9.11.22.27.29.34). Il semble donc que
l'auteur est privé de la possession de la Terre Promise,
ce qui suggère une date proche du temps de l'exil (587-538).
À moins qu'il ne s'agisse d'un juif de la Diaspora qui aspire
à retourner dans le pays de ses ancêtres, ce qui suppose
une époque plus récente (entre le Ve et le IIe siècle
a.c). Cette spiritualité de la possession de la terre s'est
développée au cours des siècles, sans cesse
alimentée par les menaces que les puissances étrangères
faisaient peser sur le pays d'Israël. On la retrouve dans les
béatitudes: « Heureux les doux, car ils posséderont
la terre » (Mt 5,4), ce qui se rapproche de plusieurs
passages de notre Psaume (cf.vv. 9b.11a.22a.29b, etc...).
Ce genre de poème ne correspond
pas tellement à la prière à laquelle nous sommes
habitués. On peut pourtant, avec le psalmiste, chanter la
louange de Dieu qui, envers et contre tout, veille sur les siens
et ne les abandonne pas. On peut encore, avec le disciple à
qui s'adresse le sage, accueillir l'exhortation morale qui s'adresse
à tous comme une invitation à la conversion. Enfin,
chacun peut aussi se retrouver dans la personne du sage qui exerce
sa responsabilité à transmettre son expérience
religieuse et de communiquer à d'autres le fruit de sa méditation
du mystère de Dieu.
Jérôme Longtin, ptre
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