La prière
de supplication
Lorsque tout ce qu'on pensait stable paraît sur le point
de s'écrouler, lorsque l'environnement familier devient tout-à-coup
menaçant, on est spontanément amené à
crier: Au secours! C'est l'appel de l'enfant qui se sent abandonné
et qui crie: Maman! C'est le cri des disciples de Jésus dans
la barque: « Au secours, Seigneur, nous périssons. »
(Mt 8,25)
De nombreux psaumes font écho
à de telles situations: un juste - qui peut être une
collectivité - est menacé de mort par un ennemi puissant;
il se tourne vers Dieu comme son seul recours. Notons que dans les
Psaumes, le tableau n'est jamais très nuancé: le danger
est toujours extrême, l'ennemi est toujours un injuste agresseur
- qu'il s'agisse d'une personne, d'une nation, d'une maladie...
La supplication acquiert ainsi un caractère hautement dramatique.
Lire
le Psaume 74(73)
1. Quel est l'accent majeur du Psaume?
2. Qui parle dans ce Psaume?
3. À qui ce Psaume s'adresse-t-il?
4. À quelle personne Dieu est-il figuré?
5. Le Psaume contient-il des références historiques?
6. Où pouvons-nous nous situer pour prier ce Psaume?
Observations
1. La tonalité générale du psaume est
nettement la supplication. Le priant adresse à Dieu des demandes
répétées: « Élève tes
pas (v. 3), ne livre pas » (v. 19). Regarde
(v. 20), dresse-toi (v. 22). Surtout, il fait appel à
la mémoire de Dieu; rappelle-toi (vv. 2. 18.22); n'oublie
pas (vv. 18.23). Ce qui fait l'objet de ces multiples évocations
du passé, c'est, d'une part, le peuple élu, racheté
par Dieu (v. 2) et, d'autre part, les attaques des ennemis
(vv. 18.22.23). Car la supplication s'appuie sur la description
du malheur présent (vv. 3-9) et sur le rappel des bienfaits
passés de Dieu (vv. 12-17).
2. La seule intervention à la première personne
du singulier se trouve au v. 12: « Ô Dieu,
mon roi. » Par ailleurs, on trouve un possessif de la
première personne du pluriel au v. 9: nos signes. Il
est clair que le priant veut disparaître derrière la
communauté qui est mise en cause dans ce poème. Même
s'il est prononcé par une personne, celle-ci prie au nom
de tout le peuple.
3-4. Ces deux questions peuvent être traitées
ensemble, puisque tout le psaume s'adresse à Dieu. Ceci confirme
qu'il s'agit bien d'une prière puisque le seul interlocuteur
est Dieu lui-même. On s'adresse à lui pour le questionner
sur la signification du malheur (vv. 1.10-11), pour lui exposer
les méfaits accomplis par l'ennemi (vv. 3-9.18.20.23),
pour rappeler les bienfaits du passé (vv. 2: la libération
d'Israël et l'Alliance; vv. 12-17: la création)
et surtout, pour le supplier d'intervenir de nouveau, puisque ses
gestes salutaires d'autrefois sont garants du passé et de
l'avenir (cf. vv. 19.21.22).
5. Le contexte historique est clair: le Temple de Jérusalem,
lieu de la résidence de Dieu au milieu de son peuple, est
détruit par l'ennemi (vv. 3-7). Même les autres
lieux de culte sont en ruine (v. 8) et le culte a cessé
(v. 9). Tout le rituel qui garantissait le bon fonctionnement
de l'Alliance, en assurant les communications entre la terre et
le ciel, est compromis. Le fidèle doit donc trouver un nouveau
moyen d'entrer en communication avec Dieu, et la prière lui
offre justement cette possibilité.
Une telle situation s'est produite
à plusieurs reprises dans l'histoire du peuple juif. Une
première fois, en 587 av. J.-C. lorsque les Babyloniens s'emparent
de Jérusalem et détruisent le Temple. C'est probablement
dans ce contexte qu'il faut situer la composition de ce Psaume.
Une deuxième fois en 167 a.c., lorsque Antiochus IV remplaça,
dans le temple reconstruit, le culte de Yahvé par celui de
Zeus Olympien. Il est possible que le psaume ait reçu quelques
retouches à cette occasion (cf. vv4.9). Enfin, en 70 ap.
J.-C., les armées romaines détruisent le Temple qui
ne fut plus reconstruit, ce qui donna au psaume une nouvelle actualité
dans le peuple juif.
6. Même si la destruction du Temple de Jérusalem
est un événement qui ne touche guère aujourd'hui,
il existe bien des situations où les chrétiens et
les chrétiennes peuvent avoir l'impression que sont menacées
des réalités essentielles de leur foi et de leur existence.
Ils peuvent alors dire, avec le psalmiste:
- La vie de tes malheureux, ne l'oublie pas jusqu'à
la fin (...)
Que l'opprimé ne rentre pas couvert de honte.
Que le pauvre et le malheureux louent ton nom. (vv. 19b.21)
Jérôme Longtin, ptre
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avec les psaumes
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