Un choix
décisif
Il est écrit : Ce nest pas seulement de pain que
lhomme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche
de Dieu (Matthieu 4, 6).
François de Laval était en classe de rhétorique,
en 1636, lorsquil fut profondément affligé par
la mort de son père. Grâce à laide dun
oncle, lévêque dÉvreux, il put continuer
ses études à La Flèche, puis au collège
de Clermont, à Paris.
Lillustre veuve du haut et
puissant seigneur Messire Hugues de Laval avait ses croix à
porter : Hugues, son sixième fils, meurt tout jeune (il avait
onze ans), loin du château de Montigny; deux ans plus tard,
cest le fils aîné des Laval qui tombe victime
de sa bravoure à la bataille de Fribourg où commandait
Condé ; lannée suivante, le second fils succombe
à la bataille de Nordlingen.
Qui va continuer le nom glorieux des Laval
? François se trouve naturellement appelé à
succéder à ses frères aînés dans
lhéritage. Le chanoine dÉvreux (François
avait été fait chanoine par son oncle) devient par
le sort des choses seigneur de Montigny. Il a vingt-deux ans. Il
na reçu encore aucun des ordres sacrés. Un nom
glorieux lattend et, qui sait un avenir superbe. On fait pression
sur lui : lévêque dÉvreux insiste
pour que François renonce à létat ecclésiastique
; même sa mère souhaiterait maintenant le voir revenir
au monde, se pourvoir en mariage, afin de perpétuer le nom
et la gloire des Laval. Voilà bien une situation cornélienne.
Que va-t-il arriver ?
François de Montigny pèse
le pour et le contre. Dun côté, il y a les insistances
dun évêque, les larmes dune mère,
la promesse dun avenir reluisant; de lautre côté,
il y a les âmes à sauver, il y a Dieu à qui
François sest donné totalement. Le tonsuré
ne songe pas sérieusement à se reprendre. Il prie,
il réfléchit. Et lui qui, jusquici, avait été
porté pour ainsi dire par les siens, il devra décider
par lui-même. Dans le secret, il résout de rester parmi
le monde aussi longtemps quil le faudra pour assister sa mère
et préparer son frère cadet à prendre la succession
paternelle. Mais il ne renoncera pas à sa vocation. Au bout
de dix-huit mois,il obtient de Madame de Laval la permission de
retourner au collège de Clermont
Le Père Bagot laida beaucoup
de ses conseils ; et le premier mai 1647, François fut ordonné
prêtre. Il avait tout juste vingt-quatre ans et un jour. Mais
il avait la maturité de celui qui écrira un peu plus
tard : « Il ny a que Dieu seul
tout le reste nest
que pur néant ». Et sous sa plume, ces affirmations
ne sont pas de la littérature (Émile Bégin,
François de Laval).
LIEN : Le carême, avec ses grandes évocations
du désert, des origines de lhumanité et de la
primauté de la Parole de Dieu, nous ramène à
lessentiel et aux questions fondamentales de la vie : pourquoi
vivons-nous ? Que faisons-nous de notre liberté ? Tout homme
ou toute femme est confronté un jour ou lautre à
ces choix quil ne peut reporter indéfiniment et où
il sent que toute sa vie est en jeu. Il voudrait connaître
davance son programme, savoir ce qui va faire son bonheur
ou son malheur
Mais il est acculé à prendre
des risques (Feu Nouveau, janvier 1993, p. 24).
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Le cur à l'envers
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