Renaissance
Amen, je vous le déclare: les publicains et les prostituées
vous précèdent dans le Royaume de Dieu (Matthieu
21, 31).
Barbara R. relate une phase à la fois pénible et déterminante
dans sa vie: celle où elle vient d'être transférée
à Lexington, la prison pour femmes réputée
la plus violente dans le système pénitentiaire du
Kentucky. Il lui restait seize mois de prison à « purger
». C'est avec un sentiment de peur et de trahison qu'elle
traversa la double clôture de quatre mètres hérissée
de barbelés. « À quoi pouvaient bien lui servir
sa nouvelle confiance et ses prières, si c'était pour
aboutir dans un endroit encore pire qu'avant! »
Conduite dans une chambre où
se trouvaient quatre femmes et cinq lits de fer, elle déchargea
ses affaires sur le seul lit qui n'était pas fait et demanda
à la détenue à ses côtés de lui
indiquer le téléphone. Celle-ci l'envoya en bas près
du poste de garde. Elle abandonna ses affaires et retourna à
l'étage inférieur attendre une heure et demie le privilège
de parler quinze minutes à son conjoint.
Durant cette attente, une enseigne
dans le couloir attira son attention. «Bienvenue à
Renaissance» (Unité pour femmes âgées
ou handicapées apprit-elle plus tard: elle n'était
ni l'une, ni l'autre). Son unité s'appelait «Renaissance».
Elle reçut cette «coïncidence» en vague
chaude et apaisante sur tout son corps: un rappel simple et clair
qu'elle se trouvait toujours dans les mains de Dieu. De retour vers
sa chambre, elle réalisa avec angoisse qu'elle avait enfreint
une règle importante en prison: elle ne s'était pas
présentée à ses compagnes de cellule. Habituellement
le moindre manque de respect, ne serait-il qu'apparent, coûte
extrêmement cher en prison.
En mettant le pied dans la chambre,
elle nota tout de suite que quelqu'un avait fait son lit mais ses
vêtements avaient disparu. On avait fait son lit, en échange
de ses vêtements, supposa-t-elle! Pourtant elle trouva dans
son casier ses vêtements soigneusement rangés sur des
cintres. Sur la tablette: de la pâte à dents, du désodorisant,
du shampoing et même de la lotion. Ses compagnes qui avaient
si peu pour elles-mêmes, avaient partagé avec elle
qui avait encore moins! Elle se présenta aux femmes et les
remercia de leur générosité. Aucune d'entre
elles ne voulut admettre qu'elle avait donné quoi que ce
soit.
Mais c'est en glissant dans son lit
qu'elle se sentit confondue: l'une de ses compagnes avait mis un
peu de poudre de bébé sur les draps raides et irritants
de manière à les rendre aussi lisses que de la soie.
Ce soir-là, elle s'endormit
apaisée : « Mon Dieu si vous m'aimez suffisamment pour
envoyer quelqu'un saupoudrer mes draps, moi aussi, je peux vous
aimer » (Ray Allenbough, 77 histoires vraies, Éd.
ADA, p. 233).
LIEN: Ces femmes sont disponibles à la foi, à la grâce
qui agit en elles par delà leurs erreurs, leurs fautes, leurs
vulnérabilités. Par sa parabole Jésus nous
convie non pas à l'obéissance apparente, servile,
du bout des lèvres mais plutôt au geste quotidien discret,
si imparfait soit-il qui accomplit la loi d'amour de Dieu.
L'actualisation de cette parabole
couvre un large terrain. Les attitudes morales, croyances, ou pratiques
ne peuvent prétendre avoir tout dit de Dieu et tout fixé
de la réponse humaine. Sans cesse s'attendre à la
sollicitation qui viendra déranger et susciter la réévaluation.
Ainsi la grâce traversera les
portes de nos prisons.
Chronique
précédente :
« Mains d'Amour »
|